CONTENTION
Quand pleure l'hévéa
sa larme de latex
enchapant l'horizon
Quand de nos sèves
se tarit le goutte
à
goutte
dans un monde blessé
que comprime
le doute
le fil de chagrin s'étire
jusqu'où point
la rupture
Givre en pelouse
Ma pelouse en sueur
frémissante de partout
frêle esquif en partance
sous la dépendance des vents
voici venu le temps pour toi
d’adopter une hybride prestance.
À peine nourrie de rosée tendre
la saison lunatique œuvre
sans transition à te pétrifier.
Murée par le carcan des givres
et bien qu’éprise de beauté
tu devras t’accepter rigide
sous l’inique magie
de quelques degrés
de plus ou de moins,
abandonnée à ce destin d’herbe
dont le devenir incertain
est désormais de s’accepter
piétiné plutôt qu’admiré.
Entreprise ardue que de nommer la Nuit car elle est cette entité qui réfute matière au profit d’une batterie de parfums et de sons. Germe informel, elle tente de s’implanter, chair tendre au plus profond mais tégument aussi coriace que ce vieux monde à réinventer.
J’aime à évoquer les ronces tapies dans son âme et mes efforts pour leur échapper. Opiniâtres elles s’imposent autant qu’elles souhaitent s’effacer.
Je n’inviterai pas l’aurore secourable car trop souvent fêlée. La nuit aura loisir de s’adonner à tout caprice qu’il lui plaira de fomenter. Le temps s’appliquera à l’apprivoiser.
Évoquer la nuit, c’est célébrer le doute, tous les doutes, les aider à s’incarner, neuves d’étoiles, à la pointe d’un rocher abrupt. On débute l’escalade de nos fausses convictions sans cesse à éradiquer.
Dans son tremblement de peau, le poème s’invite à la nuit. D’un astre l’autre, il consent à s’abandonner. Si longue cette longue nuit des mots, comment la délivrer de l’angoisse ? Comment la formuler autrement que par sa douceâtre clarté ?
http://jeanninedion.canalblog.com/archives/2012/11/17/25605167.html
Doutes de poète :
Saurai-je découvrir l'ébauche de telle ou telle autre émergence ? Pourrai-je l'authentifier, l'admettre et la transcrire sereinement ?
Au-delà des trames sonores qui parasitent nos réveils (à cet instant vibrations de robinetterie), malgré les rais de lumière filtrés avec parcimonie aux lattes des persiennes, nous pressentons l'approche du Signe...
Ce qui fut sera...
Je me sais passé, livré à mon futur, en lisière d'un présent qui à jamais consent...
Qui me parle d'éternité ? Tao des origines, j'admets la fin de mon temps. Je sais la croissance et la pause... Je suis désordre dans l'ordonnance, luxuriance dans le dénuement...
Mon tronc est ce corps où Chronos s'harmonise. Il draine ou freine, c'est selon, toutes énergies antagonistes, de celles qui mènent de l'argile sobre de l'humus à l'arc de la cime en ciel.
Futur est mon passé, ce qui sera me fut...
Ainsi médita l'Arbre dans son présent de feuilles, l'automne débutant...
Poète laisse-moi être ton dyâli
Griot conteur d'élégies
Ton troubadour de couleur blanche
J'évoquerai toute taga
Sur les notes longues
Du gorong et du balafong
Et par ta bouche je conterai (...)
Lettre à mes médecins
Messieurs de la Faculté,
Laissez-moi la liberté de disposer
de mon corps, espace de jouissance
et d'exultation du coeur et de l'esprit.
Fichez la paix à mes bactéries
qu'elles aient tout loisir de se planquer,
circuler au sein des diverticules
ou appendices répertoriés par vos rayons.
Laissez-les s'ébrouer gaiement, à leur gré
faire gros dos, patte douce, tendre museau
afin qu'elles puissent à vous comme à moi
prouver qu'elles participent utilement
à l'unité, diversité, complexité du Vivant.
De la toile vierge (extrait)
De tableaux en tableaux
de rimes en versets
toutes terreurs apaisées
degrés après degrés
aborderont sereinement
le karma de l'éternité
Si je chante,
disait le poète,
c'est pour briser
de la solitude l'opacité
et délester du silence
toute densité
Si j'écris
c'est pour éprouver
l'argile souffrante
apitoyer les bourreaux
rejeter de l'étal les couteaux
Si je fredonne et même faux,
c'est pour repousser les gonds
des prisons, alléger les linteaux
qui confisquent la lumière
Si j'écris si je clame
à tue-tête mes mots
c'est pour semer des grains
dans les jachères d'étoiles
Il se peut que l'oiseau
n'ignore pas de la vie
le péril extrême mais
que mission lui fût donnée
de consoler la feuille jaunie
avant qu'elle n'accepte de mourir