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Citations de Jean Raspail (295)


‘’Quand on représente une cause (presque) perdue, il faut sonner de la trompette, sauter sur son cheval et tenter la dernière sortie, faute de quoi l’on meurt de vieillesse triste au fond de la forteresse oubliée que personne n’assiège plus car la vie s’en est allée ailleurs.’’
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J’aime le contact des livres. Il me suffit de les toucher pour que sortent en foule les personnages qui y sont couchés. Je serre le livre entre mes mains, une étreinte, de l’émotion, et mon cerveau, en une seconde, le recrée dans sa totalité. Quand Ségolêne découvrit la malle, elle étala tous les livres sur la grande table de la salle du conseil et, lisant simplement les titres, promena ses doigts sur les couvertures. « Que fais-tu ? » lui avais-je demandé. « Mes mains voyagent, je vois. »
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Constemés, les doctes clercs ! Ils baissent les yeux, ravalent leur colère et peut-être, pour quelques-uns, leur honte, au risque de s'en étouffer. Le chancelier d'Ailly, qui préside, a décidé de laisser parler le moine. Après tout, n'avait-il pas lui-même, Pierre d'Ailly, naguère, à la suite de saint Vincent Ferrier, de sainte Colette de Corbie, du bienheureux Pierre de Luxembourg, conseillé au sage roi Charles V de placer le royaume de France sous l'obédience du pape Clément VII ? Et n'était-ce pas aussi sur son conseil que le roi Charles VI, à son avènement, en pleine possession de sa raison, avait renouvelé sa fidélité à Clément jusqu'à lui rendre visite solennelle en Avignon et se prostemer devant sa personne ?
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Sept cavaliers quittèrent la ville au crépuscule, face au soleil couchant, par la porte de l'Ouest qui n'était plus gardée. Tête haute, sans se cacher, au contraire de ceux qui avaient abandonné la ville, car ils ne fuyaient pas, ils ne trahissaient rien, espéraient moins encore et se gardaient d'imaginer. Ainsi étaient-ils armés, le coeur et l'âme désencombrés scintillant froidement comme du cristal, pour le voyage qui les attendait. Sur l'ordre du margrave héréditaire, simplement, ils allaient, ils s'étaient mis en mouvement et le plus jeune d'entre eux, qui n'avait pas seize ans, fredonnait une chanson...
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J'en étais là de mes raids manqués sur l'Altaï, coupés de récits à mes amis que j'embellissais un peu plus chaque fois, lorsque dînant avec Jacques Perret, je lui contai toute l'affaire. Le caporal épinglé avait tant rêvé toute sa vie devant sa table d’écrivain, il avait tant forgé le merveilleux avec le vrai et le vrai avec l'imaginaire, que cette histoire-la, voilà longtemps qu'il la connaissait ! Il la tenait d'un vieux camarade, artiste dessinateur de son état dans le quartier Saint-Jacques, une sorte de cavalier mongol, à l'entendre, l'aspect puissant, l’allure sauvage, le cheveu raide et noir, les yeux bridés comme il se doit, et qui donnait toujours l'impression d'avoir oublié son cheval lorsqu'il prenait le métro. Il ne faut jamais interrompre Jacques Perret lorsqu'il décrit quelque chose ou quelqu'un. Jamais personne ne se haussera aussi élégamment que lui aux lisières subtiles et fantasques de l'épopée. Vétéran des champs Catalauniques, le Barbare, les jours de spleen, une solide eau-de-vie au poing, racontait la bataille et se souvenait de tout, et pourquoi et comment il était venu, à cheval depuis l'Altaï, voter dans le XIV° arrondissement.
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Le dîner fut grave, au carré, ce soir-là. On entre à Magellan comme on entre à la Trappe, et La Reine blanche ne vous lâche pas facilement. Il fut cependant question des Patagons de la mer, baptisés Pêcherais par Bougainville et Darwin, les Alakalufs, mes australs sujets. Nomades, sur leurs canots, ils surgissaient comme des fantômes dans les récits des navigateurs, puis sans un mot, sans un sourire, disparaissaient au ras de l'eau sous la neige et la pluie. Si peu nombreux à travers ce désert liquide que bien des navires les manquaient, leurs équipages scrutant en vain les flots et les grèves dans l'espérance de l'impossible, tant chaque marin, à Magellan, est marqué par la stupéfaction et l'incrédulité qu'on éprouve à savoir que des êtres humains parviennent à survivre dans cette desolation.
— Croyez-vous, sire, que nous les verrons ? me demanda le midship canonnier.
— Ils m'attendent. . .
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- Je descends là. Et vous ?

- Un peu plus loin.

- On se revoit ?

- Je prends ce train presque tous les jours, le wagon de queue, de préférence. C'est le moins bondé, donc le moins sale, parce que le plus éloigné de la sortie.

- Je le prends aussi assez souvent. Sans indiscretion, qu'est-ce que vous faites, dans la vie ?

- J’ai quitté l'armée, dit Maxime. C'est bouché et ça ne sert plus à rien. Je bricole. Je vends de l'assurance. Je m'ennuie. Et vous ?

- Moi, j'écris. J'essaie d'écrire. C'est tout aussi bouché et ça ne sert tout autant à rien...

Ils se retrouvèrent de temps en temps, wagon de queue, ligne A, la main sur la barre d'appui poisseuse, isolés comme dans une bulle d'air pur au milieu de cette foule. Ils se disaient des tas de choses.
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L'homme n'a jamais aimé le genre humain en bloc, races, religions et cultures, mais seulement ceux qu'il reconnaît pour siens, ceux de son clan, si vaste soit-il.
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Le monde extérieur est muet, comme s'il était devenu soudain aussi vide que les salons de ce château. Les ambassadeurs ont filé dès qu'ils ont connu le départ de Myriam. Je ne peux le leur reprocher. Ils ont dû penser que j'allais la suivre. Aucun n’a pris le temps de prendre congé, à l’exception de mon vieil ami l'ambassadeur des Vallées qui m'a dit en partant cette phrase curieuse : « C'est la fin du monde rêvé... » J'imagine qu’il entendait par là que le monde n’attend plus rien de nous, même pas le rêve. Et, d ailleurs, a-t-il jamais attendu quelque chose de nous ? Ou bien est-ce nous qui l'avons rêvé ? C'est ce qu'on appelle le destin des nations. Elles se font des illusions...
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À dix heures, le lendemain, Mgr Anselmos sonna au portail de la prison. Vêtu de sa vieille soutane de curé, sans boutons violets ni ceinture moirée, il avait aussi renoncé à sa croix pectorale d'évêque. Un prêtre parmi d'autres, sans importance. Il avait retourné autour de son doigt l'améthyste de son anneau. Une façon de se présenter selon la discrétion qui convenait : Mgr Anselmos avait rendez-vous avec Dieu. Il avait réfléchi à cela une partie de la nuit. Ce n'était pas le directeur de la prison qui l'attendait, ni même le détenu Charlébègue perdu au croisement du salut et de la damnation, mais Dieu. Les autres n'étaient que des relais. Poursuivant le sommeil qui se refusait, l'évêque s'était accusé d'orgueil à s'imaginer de la sorte, dans cette affaire particulière, seul intercesseur auprès de Dieu, mais en dépit d'une humilité non feinte, il ne parvenait pas à se convaincre que telle n'était pas la nature véritable de la démarche qu'il entreprenait. Chaque évêque est le successeur des apôtres, fût-ce le miserable évêque de l'infime diocèse de Nivoise. Entre le Christ et ses évêques, l'accord perdure depuis deux mille ans. Il est le fondement de l'Eglise catholique.
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Ma place est dans le confessionnal où je ne suis qu’un instrument adapté au cadre stable et délimité du sacrement de pénitence qui est pour chacun de ceux qui s’y présentent un périple spirituel intime et un acte de volonté qui n’ont nullement dépendu de moi. Rien de plus simple. J’écoute, j’aide aux travaux de déblaiement, je parle de miséricorde, j’encourage et j’absous. Il n’est rien d’autre que je m’autorise à dire, sauf à préciser, avant de refermer le guichet, que ce n'est pas moi qui absous, mais Dieu, si la contrition est sincère. Vous savez toute cela mieux que moi….
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C'est un peu l'histoire des Dix Petits Nègres que celle du Sacré Collège d'Urbain VI. Des quatorze cardinaux nommés par lui, il en a assassiné sept, en comptant le patriarche d'Aquila poignardé l'année d'avant. Deux autres ont pris le large, épouvantés, au lendemain de cette tuerie, le cardinal de Ravenne et celui de Pietramala, réfugiés en Avignon et accueillis à bras ouverts au sein de la curie de Clément VII. Reste cinq, l'Anglais Easton et quatre Italiens, groupés comme des moutons apeurés autour du cardinal de Naples, Tomacelli, qu'Urbain VI était obligé de ménager. Ces cinq-là seulement reverront Rome.
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Pour comprendre combien le roi Antoine était étranger à notre époque, qu'on sache que je n'osais même pas parler de lui aux enfants de ma classe, des gosses .de douze ans pourtant, un âge prêt à tout accueillir, ce qu'il y a de meilleur, de plus généreux, de plus frais, de plus original, de plus imaginatif dans une vie d'homme. Hélas ! désespéré, je constatais chaque année les progrès de l’automatisme dans leurs petites cervelles.
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Ils n'avaient pas fait dix pas que leur mémoire, soudain, sombra, le temps d'écarter le voile comme on franchit un banc de brume qui étouffe les sons et les choses. Désormais, ils étaient plus seuls encore, perdus au milieu d’une foule qui piétinait au bord d’un quai tandis qu’une infinité de bruits nouveaux et discordants se précipitait à leur rencontre. Arriva un long train déjà surchargé, composé de wagons à deux étages dans lesquels s'entassait une humanité aux visages mornes et fermés. Une voix métallique tombée du ciel annonça toute une série de gares dont les noms leur semblaient peu à peu familiers. Le cornette Maxime Bazin du Bourg fit un au revoir de la main et grimpa dans un wagon. Bientôt la foule les sépara. La dernière pensée du colonel-major comte Silve de Pikkendorff avant de monter à son tour dans le train fut, bizarrement, de remarquer que la puissante locomotive ne produisait aucune fumée...


Deux ou trois stations plus loin, le hasard des mouvements de voyageurs entrant ou sortant du wagon les rapprocha à nouveau l’un de l'autre. Ils se tenaient debout, épaule contre épaule, s'agrippant à la même barre d'appui plus graisseuse qu'une table de cantine.
⁃ On se connaît ?
⁃ On s'est vus.
⁃ Comment vous appelez-vous ? Moi, c'est Silve.
⁃ Moi, c'est Maxime.
⁃ Ça ne s'améliore pas, là-dedans.
⁃ Ah non! C'est de plus en plus dégueulasse.

De nombreuses banquettes avaient été lacérées. Le sol était recouvert de déchets, les parois maculées de peinture. Les voyageurs évitaient de regarder. Ils évitalent aussi de se regarder. Les femmes qui se croyaient jolies étaient laides et celles qui étaient belles s'enlaidissalent. Des mendiants passaient, se succédant, l’air agressif ou implorant, selon. Il y avait des pieds posés sur des sièges que lorgnaient de pauvres vieillards debout souffrant de leurs articulations.
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Selon Elma Grisenberg, August IV avait une vision de la frontière qu'il ne lui était pas possible de partager. Elle ne correspondait à rien qui fût perceptible par ses contemporains. Elle lui appartenait en propre. En retard ou en avance, il n'était pas de son temps. L'historienne hasarda des comparaisons flatteuses qui n'étaient pas dénuées de fondement ; avec Louis II de Bavière, la tête perdue dans les nuées ; avec Henri le Navigateur, prince portugais du XV siècle, qui de sa tour de Sagres plantée face à l'Atlantique, imaginait le monde au-delà des mers et devinait des continents qui n'avaient pas encore été découverts ; avec Frédénc de Hohenstaufen qui tourna le dos à ses Etats allemands, s'immergea dans l'Orient lointain et se proclama roi de Jérusalem... August IV lui aussi, avait tourné le dos à ses Etats, mais s’il s’était intitulé prince de Borée au détour d'une confidence il fallait y voir plutôt une manière de désespérance; et nul n'en avait jamais rien su.
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Toute la Patagonie, aujourd'hui, est à vendre. Ruinés, les estancieros argentins et chiliens bradent. Ils étaient le dernier maillon humain de ceux qui avaient autrefois souffert sur cette terre, héritiers des peuples indiens par le sang qu'ils avaient versé et non par la blafarde puissance de l’argent Rien ne résiste aux millions de dollars des Ted Turner, George Soros, Benetton et autres froids prédateurs qui se taillent à bon compte des domaines aussi vastes qu'un département français. Ils se découpent la Patagonie en tranches énormes et nul ne peut la leur disputer. Ils y ont tué à jamais l’ancienne hospitalité sacrée. Leurs tentacules, aux dernières nouvelles, se déploient jusqu'en Terre de Feu. Ils s'approprient l'infîni, lequel perd aussitôt tout son sens par Ie seul fait de leur présence, mais cela est une autre histoire à écrire dans quelques années...
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A cette époque-là, le monde traversait une période de calme et de prospérité. Les nations s'en étonnaient et se piquaient au jeu, stimulées par les historiens, sociologues et économistes qui répétaient sur tous les tons et de toutes les façons qu'en dépit de leurs recherches, si loin qu'ils remontassent dans le passé, ils n'y découvraient aucun bonheur aussi réel, durable et profond. Dans toutes les écoles et les universités, les professeurs enseignaient à leurs élèves que la terre, avant l'an 2010, était une vallée de larmes, charriant des flots de sang et des torrents de haine. Personne n'en doutait plus, chacun se sentait fier d'appartenir à la société idéale. Chacun se sentait concerné. Quelques faibles inégalités subsistaient encore entre les individus ou les nations, que tous s'employaient, citoyens et gouvernements, à résorber définitivement. La société nouvelle reposait sur l'émulation, la coopération, et non plus sur la compétition.
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Comme dans tant d'autres parties du monde, le peuplement de la Sibérie a obéi à un agencement de longues et multiples migrations déterminé par la loi du plus fort et qu'à l’intention de mes élèves j'ai baptisé du nom de billard planétaire. Des boules (peuples, peuplades, tribus, clans) se mettaient en marche sur le tapis vert et selon la puissance de l'impulsion, soit elles en bousculaient d'autres qui s’étaient placées en travers de leur chemin, soit elles étaient elles-mêmes violemment heurtées et filaient dans d'autres directions où elles catapultaient à leur tour à la périphérie du terrain d'autres boules en fin de course qui s'en allaient achever leur destin à l'écart de tout mouvement et hors du jeu définitivement. Voilà pourquoi le petit homme se retrouva isolé aux confins du tapis de billard dans les forêts sauvages de la Borée, à la lisière septentrionale de l'Europe et de l'Asie.

Là se borne ma science. Je mourrai là-dessus et c'est parfait...
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Son prie-Dieu à la chapelle, un peu en avant des autres, solitaire au pied de l'autel, à la tête de l'allée centrale. Il s’y agenouillait chaque soir une dizaine de minutes, le front entre les mains, personnage de vitrail. Méditant ? Priant ? Un jour il m’avait dit - je devais avoir seize ans : « Cela manque d’humilité, c'est vrai. Dieu et moi, face à face. Lui sur l’autel et moi à ses pieds, intercesseur privilégié, et puis le peuple derrière moi, derrière... Mais il n’y a plus de peuple. Nulle part. Même plus l'ombre ni le souvenir du peuple. Je précède le néant. Je prie pour le néant. Je règne sur le néant. Le roi est seul. Qu’a-t-il besoin d'humilité ! C'est d'orgueil qu'il doit se nourrir. Pour durer... »
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— Fortifier ! Vous voulez dire : fortifier la ville ? Mais nous sommes désespérément en paix, à Ragen, La guerre ne risque pas de nous y rattraper...

La guerre, non. Mais l'ennui. La garde aux remparts, les sonneries de clairon, les relèves, les patrouilles, le drapeau de Son Altesse le prince souverain flottant sur la grande redoute, voilà de quoi réjouir le cœur du soldat et rendre à la populadon cette petite flamme d'incertitude qui est le sel de I'existence : si l'on songe à se défendre, c'est peut-être qu'il existe une menace. Faute de mieux, monsieur le gouverneur, et à la condition d’y croire, le simulacre est la réalité de la vie. Nous n'avons pour le moment pas d'autre choix.

M. de Fréchenbach considéra pensivement ce commandant de vingt-six ans qui avait compris, à peine arrivé, le mal caché dont Ragen soufifrait.
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