"Il faut que ça change !" : la diplomatie française à l'égard d'Israël, par Jean-Paul Chagnollaud .
https://www.franceculture.fr/politique/il-faut-que-ca-change-la-serie-videoJean-Paul Chagnollaud répond à Camille Renard.
On veut oublier les désillusions profondes que nombre de mouvements révolutionnaires ont provoquées pour espérer, encore et toujours, que la révolution qui vient sera enfin conforme aux aspirations qu'elle porte ou, du moins, qu'on veut croire qu'elle porte. Cet espoir est le sentiment le plus fort qui emporte tous les autres dans ces situations où se joue le destin d'hommes et de femmes aux prises avec un moment crucial de leur histoire.
Comment ne pas croire en un avenir meilleur pour un peuple longtemps ignoré et humilié ? Comment ne pas penser que le temps de sa liberté est enfin venu ? Comment dès lors ne pas soutenir une révolution ?
La nation est la représentation par excellence d'une identité collective. Pour le meilleur, car elle a permis la création d'institutions et le développement de mécanismes de solidarités. Pour le pire aussi car, en s'enflammant en un nationalisme agressif, cette représentation alors exaltée a provoqué nombre de tragédies.
En étant soumis à un ciel de plus en plus lourd et capricieux, les peuples doivent (re)découvrir qu’ils sont liés les uns aux autres. Mais entre cette perspective souhaitable et le moment où une défiance, voir une sorte de guerre froide entre régimes politiques fait rage, démocraties versus autoritarismes, combien de temps faudra-t-il encore attendre ?
(...) Israël est, pour de multiples raisons, un fragment d'Occident ancré dans une terre, celle de l'Orient, qui dans l'Histoire et davantage encore dans les imaginaires fut celle de la confrontation de deux mondes qui n'ont jamais cessé de se défier, de se méfier et de s'opposer, comme si l'un n'était rien sans l'autre.
(p.241 - chap Vérités, Mensonges et crédulité)
Plus complexe est la relation entre vérité et opinion. Dans cette configuration, la vérité peut être fragilisée car, à trop la relativiser, on risque de la dissoudre. Le glissement s'opère par le jeu des opinions qui se substituent à la vérité. Au lieu d'essayer de constater un fait, on décide de s'en faire une opinion en dénaturant sa matérialité objective pour autant qu'il en ait une. On glisse ainsi dans des logiques moins contraignantes que le rapport à la vérité puisque les processus de validation ne sont pas les mêmes. La vérité relève de la coercition puisqu'on est, en principe, bien obligé de la reconnaître, alors que l'opinion s'appuie sur la persuasion pour convaincre. À la complexité de la recherche de la vérité, on répond par la simplicité de l'élaboration d'une opinion. Puisque les faits peuvent être interprétés, chacun peut prétendre avoir sa propre analyse, au moins jusqu'à un certain point.
(p. 93)
"Parmi les hommes qui ont renversé les libertés des républiques, le plus grand nombre a commencé sa carrière en faisant une cour obséquieuse au peuple : il a commencé comme démagogue et fini comme tyran."
Alexander Hamilton
The Federalist Papers
(p. 192)
La nation est la représentation par excellence d'une identité collective. Pour le meilleur, car elle a permis la création d'institutions et le développement de mécanismes de solidarités. Pour le pire aussi car en s'enflammant en un nationalisme agressif, cette représentation alors exaltée a provoqué nombre de tragédies. Rappelons, ici, la belle formule du théologien et médecin Albert Schweitzer : "Le nationalisme, c'est un patriotisme qui a perdu sa noblesse". Autrement di, selon le général de Gaulle : "Le patriotisme, c'est l'amour de son pays. Le nationalisme, c'est détester celui des autres".
(p.30)
La montée en puissance du populisme n'est possible que lorsque la démocratie est déstabilisée par une crise qui conduit nombre de citoyens à ne plus vraiment croire en elle. Perte de sens, désintérêt pour le débat politique, scepticisme croissant à l'égard des élus, abstention massive aux élections sont quelques-uns des symptômes de cette séquence indissociable d'un lourd contexte économique et social.
La fin de la guerre froide et la chute du mur de Berlin en 1989 ont constitué une rupture radicale dans l’histoire contemporaine. De la même manière que s’était écroulé le système colonial dans les années 1960, tout devenait possible pour le meilleur puisque le pire, qui avait si longtemps dominé le monde, venait de disparaître.
Le pouvoir du peuple, c’est donc aussi le pouvoir d’aller contre la démocratie… Assurément, ce n’est pas la première fois que ce scénario se produit dans l’histoire, mais, en ces temps d’anomie politique, le risque s’accroît. Désormais, ce sont moins les coup d’État qui menacent les démocraties, comme ce fut le cas durant la guerre froide, que, paradoxalement, le jeu des urnes.