Belle découverte encore à la médiathèque ! Car je ne connaissais l'auteur, également éditeur, que de nom, il a pourtant été très prolifique et a obtenu le prix Renaudot en 1947. Oui, ça date un peu, il est né en 1911 et mort en 2005.
Décidément, mais c'est un hasard, je tombe souvent sur les derniers écrits des poètes. Jean Cayrol a quatre-vingts ans lorsqu'il publie ce recueil de poèmes, en 1991. Il ironise d'ailleurs sur son âge :
" Mon poème est décharné,
mes rimes sentent la saumure.
Et la fin fait un murmure,
le début de sa saignée."
L'ensemble a une tonalité nostalgique; confrontant le passé et le présent, le poète s'interroge sur le temps, mais aussi les mots, l'écriture, l'incertitude des souvenirs, l'enfance perdue.
" Le passé est pareil à la nacre incertaine
La mémoire ne sait jamais ce qui l'entraîne "
La guerre et ses tourments restent ancrés en lui, il a été résistant puis déporté . A cet égard, le poème dont je cite quelques vers, est très émouvant:
" On a volé mon rire, les nazis, la police.
Je pouffais quelquefois pour un rien.
Je me laissais aller à la moindre malice.
On n'est plus amuseur, quand, soudain, on revient."
Les poèmes gardent une forme classique, presque toujours des quatrains avec des rimes. Mais l'auteur apporte une note originale en utilisant des images inattendues ou en faisant preuve de désabusement. Certains vers sont vraiment superbes:
" L'ouragan est percé par tant de météores
Qui vont dormir au fond de mon poème."
Ou " Je remets à la nuit une voûte étoilée,
le vol de la hulotte, une ombre impétueuse."
Je suis tentée maintenant d'aller à la rencontre de son univers romanesque...
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Pas un coup de coeur pour moi, peut-être en raison de la dimension souvent religieuse de son oeuvre, mais une belle découverte en tout cas!
Résistant déporté au camp de Mauthausen-Gusen, Jean Cayrol survivra mais restera marqué évidemment, même s'il a toujours voulu se mettre à distance en tant que témoin. Ses poèmes sur cette terrible période seront repris par Alain Resnais pour son film " Nuit et brouillard".
La première partie de cette anthologie est surtout tournée vers Dieu, un Dieu qu'il appelle, qu'il interroge. Et je reconnais que ses élans sincères et nus m'ont touchée, moi, l'athée. Et c'est tout l'art et la sensibilité du poète, que de susciter l'émotion du lecteur, quelles que soient ses opinions à ce propos. Certains vers sont si intenses et bouleversants:
" Mon Dieu, je suis la place mal éclairée
où des ombres s'en vont toutes belles de pluie"
Et tout son hymne à la Vierge est magnifique, car elle fusionne avec la nature.
J'ai néanmoins préféré la deuxième partie, surtout les poèmes dédiés à Jeanne, sa femme rencontrée après son retour de l'enfer concentrationnaire.
" Il ne neige jamais sur nos rires et nos pleurs,
la lavande de ses yeux éblouit le chemin,
les épis moissonnés s'engrangent dans nos coeurs"...
Des images puissantes, des envols de pureté illuminent ce recueil pourtant assez sombre, hanté, on s'en doute, par la mort, les interrogations sur le destin.
" Tant de morts qui rêvent à l'ombre de ma vie
la bouche ouverte au sable de la nuit"
J'ai apprécié aussi les deux pages de la préface de " Pour tous les temps" , où Jean Cayrol essaie de définir la poésie. C'est juste et très beau:
" Poésie pour tous les temps, pour toutes les rumeurs, pour toutes les lèvres. (...) La poésie de tous les temps fait feu de tous bois, otage dans votre bonheur, soleil déluré dans vos rancunes. (...) Elle vous tient en haleine, en alerte."
Le dernier poème, écrit en 2000, cinq ans avant sa mort, résonne comme un testament. Il se termine ainsi:
" J'avais l'histoire à raconter, vivant,
Raconte-moi, veux-tu, si je suis ton histoire
Allumez-vous, douces lueurs de l'avenir. "
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C'est l'histoire d'un pére, Frank, cynique et désabusé , divorcé depuis douze ans , qui vit sa vie de riche industriel bien organisé, libre de ses mouvements, amateur d'aventures multiples menées avec entrain.
Il dispose d'un appartement moderne à Paris et d'une villa sur la côte basque, il a horreur du drame et des larmes.
En vacances à Biarritz, il signifie à son amie du moment , Elyane, la fin de leur liaison et s'agace devant son chagrin, déconcerté par son calme apparent ,ensuite.
Survient sa fille Christiane , âgée de dix- Neuf ans ( à l'époque la majorité était encore à 21ans ).
Celle- ci s'est enfuie de chez sa tante par qui il l'a fait élever et réclame l'émancipation .....
Furieux et rappelé à Paris pour ses affaires il découvre qu'en réalité , elle y vivait depuis six mois avec un étudiant et qu'ils ont l'intention de se marier....
Que faire?
Que décider ? Secrètement soulagé d'être débarrassé d'une fille dont il ne s'est jamais occupé , jalousie d'un père noble bafoué dans son autorité mais indulgent , il choisit une troisième solution , un troisième rôle surprenant .....drôle, incertain, un choix qui montre sa suffisance et sa méconnaissance de sa fille .....
C'est là que nous faisons connaissance avec Charlotte son ex- épouse , la Mére de Christiane ....
Je n'en dirai pas plus.....
Même si la comédie de moeurs décrite comme telle a un peu vieilli, l'écriture est magnifique , les passages sur le pastiche du bonheur, l'orgueil blessé du Pére , le plagiat triste et non réussi , sur la manière dont les deux parents avaient désappris l'art d'être parents est remarquable de lucidité , "Un pére et une mére tout neufs, restaurés avec art, mielleux et violents , à peine secs ....
Deux vieux rossignols qui pousseraient des croassements ...."
La joie totale et franche de Christiane , la fille, franche d'un amour dont elle n'avait tracé qu'une première piste , en opposition aux convenances glacées et désuètes des parents de cette comédie humaine bourgeoise, tout en faux semblants , apparences et non dits......
Un bon livre , une comédie de moeurs où s'affrontent et se jugent avec cruauté , férocité ,dérisoire et justesse deux générations .
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Jean Cayrol, déporté à Mauthausen, le sinistre camp autrichien et revenu d'entre les morts, qui en conçut une poésie « lazaréenne », résistant, éditeur au Seuil qui donna leur chance à de jeunes auteurs, lui-même contributeur à Tel Quel, un type bien, dont on a envie d'aimer l'oeuvre, surtout quand elle raconte une enfance de guerre. Avoir 7 ans en 1918, puis 28 en 39 comment ne pas en avoir la gorge serrée? Les enfants pillards, hélas, au-delà de la promesse du titre magnifique, s'étiole dans une chronique languissante à l'imparfait. Une succession d'états et de descriptions, émaillée d'accidents macabres auxquels des enfants de la bourgeoisie bordelaise en villégiature à Lacanau assistent. Un pendu. Sur la plage, un aviateur échoué au ventre crevé, qui débloque, la bave aux lèvres; des accidents qui adviennent, sans lendemain, sans écho d'un chapitre à l'autre, et donc rapidement sans intérêt. L'imparfait construit l'indifférence vis à vis des péripéties et des protagonistes. Car que nous importe s'ils "étaient"comme ceci ou comme cela, ces généralités sur ces enfants interchangeables, qui dialoguent d'une voix unique, sans consistance ni tendresse, ces yeux de témoins qui expriment si peu? Le récit à la première personne du pluriel affadit tout. Un roman - ou une chronique ou des mémoires – morne. Loin des sentiments d'angoisse et de révolte que suscitent les paroles du Chant d'espoir des bagnards de Mauthausen écrit par Cayrol, poète génial:
Quand nous tiendrons dans notre main
Le premier morceau de pain blanc
Quand je tiendrai dans mes deux mains
Ton premier visage d'enfant
Quand nous verrons sur les chemins
Passer la fille et la moisson
Alors nous marcherons, mes frères,
Du même pas que les vivants
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Poète, romancier, éditeur, l'oeuvre de Jean Cayrol traverse le XXe siècle. Déporté à Mauthausen-Guzen, il fit de l'écriture un acte de survie. A la libération du camp, ses poèmes furent égarés, puis lui furent envoyés sous pli anonyme d'Allemagne. Son oeuvre est dominée par la figure de Lazare, allégorie de celui qui revient d'entre les morts. Oeuvre sombre donc, qui donne du monde une dimension absurde où le seul espoir émane de l'être aimé.
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Après une chute, on se relève on essaie de reprendre son existence là où on l’avait laissée. Pas facile me dirait vous .Pour y arriver il me faudra de la colère, de la brutalité et ensuite seulement le renouveau.
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La première guerre mondiale à travers les yeux d'un groupe d'enfants. Un récit d'enfance de l'écrivain et résistant Jean Cayrol.
La guerre comme un jeu d'enfant ou presque !
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Lacanau, aux environs de 1918. Une grande villa , pas loin de la plage. Un groupe de cinq garçons entre 6 et 14 ans y passe les mois d'été. Je suis déçu par ce roman, qui ne m'a pas appris beaucoup. Je le conseillerai pas à des lecteurs chevronnés habitués aux grands écrivains. C'est un roman d'aventure avec des jeunes et pour des jeunes peut-être aussi.
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attachant mais difficile à comprendre
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Ce roman de souvenirs de l’été 1918 est habité par un étrange charme. La voix du vieil homme qu’est déjà Jean Cayrol au moment de la première publication (1978) ne se superpose pas au récit d’enfant que le lecteur découvre. Les souvenirs sont comme bougés, ce flou est troublant pour le lecteur, mais lui permet aussi de se glisser dans la peau de cet enfant, qui ne comprend pas tout, se trouve jeté dans un monde détraqué, avec les pères et les grands frères absents, les mères lointaines s’épuisant à la tâche dans les hôpitaux, aux places laissées vides par les hommes mobilisés. Par-delà le brouillage, la guerre est très palpable et l’ouvrage constitue un témoignage précieux et original de cette facette moins documentée de la guerre de 14, à l’arrière, très loin du front.
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Lu tardivement puisque le livre n'est sorti qu'en 997.
il me reste des souvenirs d'école (années 70), d'avoir en histoire appris la chanson de Ferrat (1963) pour compéter la diffusion du film en classe.
Déportation et camps d'extermination sont les sujets principaux mais aussi les commentaires et les récits de personnes présentes comme témoignages et pour continuer le devoir de mémoire.
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J'ai bien aimé ce livre que je trouve intéressant.
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"Sur le seul rythme d'une ample respiration palpitent dans "la noire" un lac dont les caprices à eux seuls feraient le sujet d'un roman, une forêt qui semble d'Ardenne, un océan qui déborde le décor, l'amour insatisfait d'une femme, la guerre qu'au loin se font les hommes."
Excellent roman qu'il faut lire.
Je l'ai vraiment apprécié
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