Jean-Baptiste Nadler

Pour bien comprendre le sens des rites et y participer d'une manière consciente et active, il est nécessaire d'en connaître l'histoire, particulièrement leur origine. Or la plupart des rites chrétiens, surtout ceux qui composent la célébration du mystère de l'Eucharistie, s'ancrent dans les rites du peuple juif, tout en les menant à leur accomplissement. Le Christ, venu non pour abolir mais pour accomplir, a donné son sens plénier à la liturgie de l'Ancienne Alliance, et les premiers chrétiens, tous juifs, n'ont pas vécu leur foi nouvelle comme une rupture, mais comme une continuité dans la nouveauté de l'Évangile.

Ce "si grand patrimoine commun aux Chrétiens et aux Juifs" n'empêche pas la différenciation entre les deux religions. C'est le propre de l'histoire humaine que chacun trouve son chemin propre. Mais c'est aussi la grandeur de l'homme de savoir trouver les points de convergence et de dépasser les différences afin de trouver l'espérance toujours partagée, comme le rameau sait trouver son ressourcement dans la sève de "l'arbre dont il est l'une des ramifications".
Haïm Korsia, Grand Rabbin de France ( dans la préface )

"Pilate avait rédigé un écriteau qu'il fit placer sur la croix ; il était écrit : "Jésus le Nazaréen, roi des Juifs". Beaucoup de juifs lurent cet écriteau, parce que l'endroit où l'on avait crucifié Jésus était proche de la ville, et que c'était écrit en hébreu, en latin et en grec." (Jb 19, 19-20) Or, une façon possible d'écrire ce titre de la croix en hébreu est :"Yeshoua HaNostri WeMelekh HaYehoudim" dont l'anagramme est YHWH, le Nom divin révélé à Moïse.

La quasi-totalité des rites de la messe font référence aux formes liturgiques juives, non seulement celles de la synagogue et de la prière familiale ou domestique, mais aussi et surtout celle du Temple de Jérusalem. Bien entendu, cette relation entre rites juifs et rites chrétiens ne se situe pas toujours dans une continuité historique : c'est souvent la référence commune aux textes bibliques de l'Ancien Testament qui permet ce lien ( rappelons l'exemple des tabernacles eucharistiques conçus comme des modèles réduits du Temple). Pour un chrétien non conscient de ses racines juives et coupé de tout contact vivant avec la foi d'Israël, la Bible sera toujours là pour le ramener à ces racines.

Nous pouvons avoir parfois tendance à oublier que tous les premiers chrétiens étaient des Juifs, et des Juifs pratiquants. Du point de vue formel, cette vérité historique explique le lien qui existe entre les rites juifs et les rites chrétiens. Même après la résurrection de Jésus, nous voyons les premiers disciples accomplir les rites de la liturgie du Temple, fréquenter la synagogue et observer les prescriptions quotidiennes avec plus ou moins de fidélité, comme le montre la controverse au sujet des ablutions avant les repas. Les premiers chrétiens n'ont pas créé leur liturgie ex nihilo : ils ont progressivement transformé de l'intérieur leur manière juive de prier.

Pour nous, Juifs et chrétiens de différentes familles liturgiques, les racines juives que nous partageons sont un gage de notre unité. Ce petit livre voudrait, très modestement, participer à cette belle oeuvre. "La gloire future de cette Maison surpassera la première - déclare le Seigneur de l'univers -, et dans ce lieu, je vous ferai don de la paix" ( Ag 2, 9).