À la promenade, dans la cour ce matin
repose une neige tout fraîchement tombée,
étrange et amère, elle a l’air contrarié
comme en prison la tête d’un nouveau clampin.
Allez, je me suis dit : tiens bon,
Seigneur est dur mais juste au fond,
inconcevable de vivre en Russie
sans tâter de la prison toi aussi.
Je songe, en observant mon frangin d’encoignure,
soiffard, parfait crevard, véritable crevure,
à l’instant où son père hurla à pleins poumons :
« Un garçon ! Elle a accouché ! C’est un garçon ! »
La prison n’est pas simple foule amoncelée,
fosse septique où racaille accablée infuse,
en prison naissent des idées troubles et confuses,
le génie du peuple, pour ainsi dire, éclairé.
Assez conséquent volume de poésie,
un crochet ouvrant les portes du Paradis,
ainsi qu’une colline avec tombe et gravats,
j’échange l’ici contre une nana là-bas !
En prison, tout le monde va te tutoyer,
mais dans les parages aucun ami,
en prison, pas la moindre obscurité,
même la lumière est tenue par l’ennemi.
En lisant un poète oublié et vaincu,
et imaginant ce que put être sa vie,
j’aperçois des mots qui sont comme des saluts,
adressés personnellement à moi par lui.
Allez, je me suis dit : tiens bon,
Seigneur est dur mais juste au fond,
inconcevable de vivre en Russie
sans tâter de la prison toi aussi.