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Critiques de Ian Manook (1551)
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Yeruldelgger, tome 2 : Les temps sauvages

Qu'est-ce que c'est que ce sac de noeuds de 580 pages ??? J'aimerais dire que cela jump the shark très rapidement, mais en fait ça jump the shark tout le temps… (sans parler des What The Fuck ? et des deus ex machina)





L'IGS (ça existe en Mongolie ?), la Sécurité Nationale (ça existe en Mongolie ?), les services secrets chinois, Vladimir Poutine, le FSB et les mafias russes, Angela Merkel et le Bundesnachrichtendienst, David Cameron et le MI6, des enlèvements, des assassinats, des trafics de clandestins, du vol à la tire à l'échelle internationael pour au final un banal règlement de compte entre homines crevarices... OK, on est dans un mélange entre Rocambole et John le Carré avec un John McLane des plaines, mais passé un cap le joyeux délire de la Série B jamesbondienne devient juste un gros nanard à la Steven Seagal et j'ai arrêté de chercher à comprendre la logique du roman policier où criminels et enquêteurs mettent tous la charrue avant les boeufs. Pire, je ne savais même plus pourquoi on avait commencé par deux scènes de crime à la Les Experts Mongolie / NCIS Oulan Bator, dont tout le monde y compris les enquêteurs et les lecteurs finissent par se contrefoutre (qui était le cavalier gelé ? OSEF ! Pourquoi il a été écrasé par yack jeté d'un hélicoptère ? OSEF !! Pourquoi des bidasses en délire ont-ils été tués à cause de cela ? OSEF !!! Bref faire simple et cohérent quand on peut faire compliqué et incohérent…)

Et pour ne rien gâcher, l'auteur se fait plaisir avec Armen l'Arménien (humour j'imagine), le barbouze au placard qui reprend du service. Allez zou, déjà que cela part des tous les sens parfois sans aucun sens, il faut ajouter Laurent Fabius, la DSGE, la BAC et la ferroviaire, OSS 117 et Jason Bourne avec l'inévitable évocation du génocide de 1917... Soupirs



Le personnage principal qualifié de ninja shaolin (sic), emprunte consécutivement à Kojak, Dirty Harry, Starsky et Hutch, Crockett et Tubbs, Rick Hunter, Martin Riggs, Robert Goren, Horatio Caine et surtout Chuck Norris. OK l'auteur l'envoie où il veut le voir sévir à grands coups de révélations à la Docteur House, sans se soucier de la cohérence de l'ensemble (genre le gros délire à la Tarantino sur le hockey européen en pleine séance de passage à tabac…). Mais malgré le second degré et l'autodérision cela se prend quand même au sérieux avec moult passages dignes d'un polar nordique sur la misère urbaine d'Oulan-Bator, la misère rurale des steppes infinies, les cités minières pourries de Russie et les cités dortoirs pourries de France... Yourtes, isbas, banlieues même combat ? L'auteur s'attarde maintes fois pour basher l'héritage du Régime d'Avant aka celui de l'URSS, mais quand on voit le résultat de 25 ans de capitalisation et de libéralisation des pays anciennement soviétiques il faut parfois bien plisser des yeux pour voir les différences… Avant t'étais pauvre et dans la merde, maintenant t'es pauvre et dans la merde, mais avec un i-machin pour aller râler sur les réseaux sociaux et aller voir les überrichs péter dans la soie... Ironie inside j'espère ? Oui parce que dans la Mongolie de Ian Manook, tous les protagonistes de l'intrigue ont un i-phone TM, un i-tab TM, un mac-book TM… Bonjour la suspension d'incrédulité !!! (sans parler de la facilité pour les jeunes diplômés de trouver un emploi dans la conception et la maintenance de sites web, des distributeurs automatiques des derniers sodas light à la mode, des centres commerciaux type mall et des cybercafés dans un pays où un tiers de la population est encore nomade… ou de la couverture intégrale du pays par Google Maps à laquelle n'importe quel quidam peut accéder... mdr)

Sinon que reste-il des autres personnages ? Solongo ne sert à rein, Gantulga est cantonnée au rôle de MacGuffin, et Oyun est de nouveau le centre d'intérêt de toutes les scènes grimdark du récit (censément traumatisée par ce qu'elle a subi dans le tome 1, elle s'envoie en l'air dès les premiers chapitres du tome 2 avec un couple adepte du triolisme à voile et à vapeur… c'est n'importe quoi !)





Plus que jamais on sent le polar occidental mainstream plaqué sur un décor exotique pour être plus vendeur, mais pourquoi raconter une histoire qui se déroule en Mongolie pour se retrouver avec un personnage principal qui cite Victor Hugo, Voltaire, Lamartine et Baudelaire à tout bout de champ ?

Après cela reste un page-turner qui remplit son office grâce aux capacités de dialoguiste de l'auteur, et pas mal de répliques m'ont bien fait rire quand même (genre les truffes de l'opération « Goldorak » ^^)… Mais je ne serai pas du tome 3, car les nombreuses descriptions culinaires mongoles, russes ou françaises ne compensent pas la pénibilité de devoir se caguer le placement commercial de tous les véhicules automobiles ou de tous les i-machins créés par Steve Jobs.





Challenge Pavés 2015-2016
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Yeruldelgger

Un ethno-polar dans lequel la perspective ethnologique prime sur l'intrigue et l'enquête policière. Enquête, construite en courts chapitres, dont certaines ficelles sont parfois un peu grosses, mais que l'auteur arrive à nous faire avaler par (e.a.) un style d'écriture plaisant. Direct quand cela concerne l'intrigue, plus inspiré quand il décrit la nature et les coutumes mongoliennes.



Le personnage principal, Yeruldelgger, flic brisé par la mort de sa petite fille, est une espèce de bulldozer humain, franc, auquel on s'attache rapidement, même si on n'approuve pas toujours ses actes parfois brutaux.



Mais le vrai protagoniste de cette histoire est la Mongolie et ses problèmes socio-politiques : l'exode des nomades vers la capitale Oulan-Bator où, désespérés, ils se réfugient dans les égouts ; les pressions successives des Russes, chinois et riches coréens pour faire main basse sur les trésors (minérales) du pays ; la perte des traditions, croyances et l'identité collective ; le nationalisme galopant...



Or, il existe aussi l'autre Mongolie... celle des steppes immenses que chevaux et vent traversent, celle du chamanisme bouddhique...du thé salé au beurre chaud qu'on déguste près du poêle dans la yourte...et des personnes restant fidèles aux coutumes et leur intégrité, tels des rocs inébranlables... comme Yeruldelgger.
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Yeruldelgger

J'avais déjà eu du mal à retenir les noms imprononçables de la littérature noire islandaise.

Me revoilà à m'entrainer à l'oral avec les patronymes des descendants de Gengis Khan!



Car une chose est acquise: je reviendrai dans les enquêtes de Yeruldelgger si Ian Manook avait la très bonne idée d'en faire un personnage récurrent.



Voici donc venu le temps de Cadeau d'abondance, de la famille de La Chienne au Visage Sale, policier mongol affecté à Oulan-Bator. Enquêteur teigneux, bougon et insolent, au passé chargé de pertes et de famille ingérable (pas très nouveau en revanche, le statut de anti-héros), il s'épuise avec des moyens douteux et peu orthodoxes à résoudre les dossiers du meurtre sanglant de cinq chinois et prostituées et d'un petit cadavre d'enfant déterré par des nomades.



Il faut prendre le temps d' imaginer les visages asiatiques au teint buriné, les décors de carte postale de la steppe qui ondule et des yourtes blanches, la laideur des villes de l'ère post soviétique. Le voyage littéraire est assuré à travers un pays aux dimensions immenses et à la nature violente et magnifique.



Et le livre démarre à l'accéléré, continue en mode nerveux, tout en prenant le temps de nous offrir des personnages périphériques bien construits. Certaines scènes sont savoureuses, pleines d'humour ( tels ces chinois de l'ambassade tournant leur tête en coeur à une table de réunion et se faisant virer proprement), les dialogues claquent, les mots sont rudes, les scènes à rebondissement s'enchainent... Pas de temps mort. Un régal.



Et on ne peut que se féliciter de facette géopolitique du livre qui met en perspective la cohabitation parfois tendue de la Mongolie, état souverain, de la Corée et de la Chine, pouvoirs économiques en rouleau compresseur. La découverte culturelle et sociale du pays est en filigrane derrière la narration, entre modernité et traditions, développement et misère.



Très bon policier, efficace, original et dépaysant.

Une petite escapade en Mongolie, j'en rève depuis longtemps...

De là à me mettre au thé salé au beurre rance, il me faudra un peu de temps quand même!

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Le Chant d'Haïganouch

C’est avec plaisir que j’ai retrouvé les personnages de L’oiseau bleu d’Erzeroum, Agop, Haïgaz, Araxie, Haïganouch, comme on retrouve de vieux amis.

Contrairement au premier opus qui démarrait incroyablement fort pour s’essouffler ensuite, c’est ici un démarrage poussif, puis un tempo qui s’accélère en deuxième partie avec un sprint final des plus inattendu.

J’ai retrouvé dans ce récit les mêmes ingrédients de réussite et de déception que dans le premier tome.

La réussite, c’est Ian Mook qui nous en apprend encore davantage sur l’histoire des Arméniens, largement inconnue des Français il me semble (enfin de moi en tout cas). Dans les années 50, l’URSS fait miroiter des lendemains qui chantent aux exilés Arméniens en leur promettant un retour aux sources sur leur terre natale pour un nouveau départ. Agop si attaché à son Arménie, décide de quitter sa famille et la France. Il se laisse appâter par les belles promesses, et se rassure, ainsi que ses proches, en cas de désillusion, il sera vite de retour. Cependant, avant même d’avoir posé le pied sur le sol arménien, il a compris sa terrible erreur, il est piégé, sans retour possible, transformé en main d’œuvre bon marché pour les grands chantiers russes qui manquent de bras au sortir de la guerre. Gare à ceux qui sortent du rang, les délateurs veillent, et au premier mot de travers, c’est le camp de travail qui les attend. Mais ce n’est là que le début des déconvenues, le pire est à venir, Agop va devenir un zek.

Les travers du récit, ce sont d’énormes invraisemblances avec des personnages qui n’arrêtent pas de se croiser. Ian Manook use et abuse des heureux hasards et coïncidences à en donner le tournis au lecteur, et cela m’a agacée encore plus que dans le premier tome tant les invraisemblances sont légion, ce qui a gâché mon plaisir de lecture et fait perdre en crédibilité au récit.

Cependant, une fois de plus, Ian Manook réussit son pari de nous faire découvrir un nouveau pan de l’histoire du peuple arménien en nous emmenant dans les pas d’Agop. D’Erevan à la Sibérie, il nous raconte la peur, les camps, et les destins des uns et des autres se mêlent entre la France, l’Arménie, la Sibérie.

L’auteur donne un brusque coup d’accélérateur à la fin du roman, les évènements se bousculent et certains dénouements tant attendus sont pour finir très vite expédiés, j’en ai été déçue après l’interminable démarrage du début. La fin appelle clairement un troisième tome, je ne suis pas certaine de suivre cette fois…

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Yeruldelgger, tome 2 : Les temps sauvages

Nous sommes en Mongolie, sous le vent, la neige, le « dzüüd » pour utiliser le terme adéquat. L’inspecteur Oyun est sur une scène de crime : on a découvert le cadavre d’un Yack, sous lequel git un cheval dans le même état et ce qui reste de son cavalier, « la jambe bottée, le pied encore dans l’étrier qui dépassait entre le dos gelé du cheval mort et la panse vitrifiée du yack ». Un militaire l’a rejoint sur une antique auto chenille datant de l’ère soviétique.

Ailleurs, sur une zone Strictement Protégée du massif de l’Otgontenger, Yeruldelgger a été appelé par un professeur qui étudie les comportements des oiseaux, en particulier les gypaètes, auxquels il a donné des noms d’auteurs français des Lumières, car il a trouvé un bout d’os humain. Intrigué par le comportement d’un des rapaces, il a vu, avec ses jumelles d’ornithologue, un corps suspendu dans un crevasse dans la montagne. Deuxième scène de crime ?

Mais, notre ami se fait arrêter par la « police des polices » pour le meurtre d’une prostituée qui l’a aidé dans ses enquêtes et dont le fils a disparu. Complot ?

Rapidement relâché mais pas encore libre de ses mouvements, il enquête sur ce meurtre, et apprend que l’escort-girl avait adopté un garçon des rues et celui-ci a disparu, en même temps qu’un autre gamin des rues, Gantulga, que Yeruldelgger a pris sous son aile, le confiant à un monastère Shaolin par lequel il est passé lui-aussi.

C’est le premier roman de l’auteur Ian Manook que je lis et je suis sous le charme. Il se passe en Mongolie, Oulan Bator, sous l’œil de Gengis Khan, dans des conditions climatiques hors du commun pour nous Occidentaux.

C’est un dépaysement total parmi les yacks, les Nomades, leur hospitalité malgré leurs faibles moyens et leurs coutumes au pays des yourtes richement décorées, les loups.

Au fil de l’enquête, on va voyager dans ce pays à l’abandon depuis l’implosion de l’ex URSS, où la pollution et la corruption règnent, mais également en Chine et en Russie avec une description de la ville de Krasnokamensk sidérante avec les commerces illégaux, les politiques, les pots de vin, la recherche du pouvoir.

L’auteur nous emmène aussi en France, au Havre, à la recherche de Gantulga, où la découverte des cadavres de 6 jeunes garçons dans un container va donner à cette affaire une toute autre dimension.



Une frustration : j’ai choisi ce livre car le titre et le lieu de l’action me plaisait mais, je ne savais pas qu’il y avait un premier tome. Cela ne m’a pas gênée dans la compréhension, mais il manquait des éléments pout tout bien apprécier. Alors devinez quoi ? je me suis acheté le premier tome, illico car j’avais vraiment envie que rien ne m’échappe dans cette histoire.

Un pavé de plus de 523 pages qui se dévore avec la même gourmandise (et parfois la même difficulté à digérer) que les pâtisseries dont j’ai parlé plus haut. L’histoire est haletante, et on apprend beaucoup de choses sur ces pays, ce qui me plaît beaucoup, comme d’habitude.

Une intrigue captivante donc, malgré des scènes dures, des façons de torturer particulières, et le tout dans une belle écriture, des descriptions à couper le souffle et une étude plus approfondie sur mon blog


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L'oiseau bleu d'Erzeroum

Après la série « Yeruldelgger », un très bon policier en pays mongol où se mêlent suspense, paysages sauvages et traditions, je découvre Ian Manook dans un registre bien différent. En effet, « L'oiseau bleu d'Erzeroum », premier tome d'une trilogie, est incontournable pour ceux qui veulent comprendre le génocide arménien par les Turcs en 1915 et la diaspora qui suivra.

A travers le regard de sa propre grand-mère, l'auteur raconte l'enfer de la déportation vers le grand désert de Deir-ez-Zor et l'extermination du peuple arménien autour de personnages nuancés et parfaitement dessinés.



*

Ce livre est d'une puissance évocatrice telle que même si l'auteur a enlevé les scènes les plus dures, le premier tiers du roman est difficile à lire. Malgré ces coupes, les descriptions d'une violence brute et impitoyable montrent l'ampleur de la tragédie, la violence et l'acharnement à éradiquer tout un peuple.



« La haine est un gaz lourd. Il traîne sur la plaine longtemps après la fin des combats. »



Il existe des mots pour décrire la chaleur, la faim, la soif, les agressions physiques et sexuelles, les blessures, la peur, l'épuisement et les corps qui renoncent. Il existe des mots qui brisent, abîment, exterminent, massacrent. Il existe des mots qui montent la détermination, la ferveur, le fanatisme, la haine à nuire, à détruire.

Et dans ses mots, le lecteur encaisse de plein fouet le désespoir, l'incompréhension, le courage, la peur et la souffrance des uns, la haine et l'inhumanité des autres.



Totalement chamboulée par cette lecture, je reste sans voix, trouvant difficilement les mots pour dire combien ce récit m'a touchée, émue, remuée, bouleversée. Je crois sans peine tout ce que dit l'auteur, mais j'ai du mal à réaliser comment des êtres humains peuvent faire preuve d'autant de barbarie, de sadisme et de cruauté envers d'autres êtres humains. Et pourtant, chaque jour, les images des conflits actuels nous frappent par leur monstruosité, montrant combien l'homme est capable du pire : purification ethnique, tortures, viols, exécutions, tueries, dans la plus extrême dénégation de l'humanité des autres.



« L'abattement de leurs victimes donnent aux hystériques le courage des lâches. »



*

L'histoire commence en 1915 en Arménie turque près d'Erzeroum, alors que le ministre de l'Intérieur turc Talaat Pacha déclenche un plan « Expédition » visant la purification ethnique par l'effacement des chrétiens arméniens et la confiscation de leurs biens afin de fonder une nation turque. L'histoire s'achève au moment où débute la seconde guerre mondiale.

L'auteur nous raconte comment deux soeurs, Araxie, dix ans, et Haïganouch, six ans, vont réchapper du génocide qui causera la mort de plus d'un million et demi d'Arméniens, dont la famille des deux fillettes.



« Vienne la nuit, sonne l'heure

Les jours s'en vont, je demeure… »

Guillaume Apollinaire



*

C'est un récit sans rancune ni colère, un récit plein d'humanité mais sans oubli non plus, un récit qui oscille entre douceurs et atrocités. Malgré une ambiance sombre et tendue, les petites orphelines croiseront sur le chemin de la déportation, des personnages lumineux, d'une grande bonté, tout comme des monstres.



« La morale, c'est pour les faibles. La politique, c'est justement la victoire de l'efficacité sur la morale. »



Leurs deux voix vont se mélanger à d'autres, amenant des regards croisés et complémentaires sur cette tragédie : il y a la vieille Chakée douce et généreuse ; la jeune Assina, femme-enfant mariée à un Turc d'une grande brutalité ; Agop et Haigaz, de jeunes Arméniens ; Christopher Patterson, un soldat américain, et encore d'autres qui chacun à leur manière élargissent la vision du conflit et apporte un nouvel éclairage.



*

L'écriture d'Ian Manook est belle de simplicité, terriblement émouvante, forte et âpre tout en étant lyrique, prenante mais parfois insupportable.

De ces histoires d'enfance crues et éprouvantes, beaucoup d'émotions se télescopent. Parfois, une lumière perce les ténèbres et la noirceur humaine. D'autres fois, fusent quelques lignes poétiques d'une grande beauté, jusqu'à ce que les images fassent sens et se teintent d'horreur.



« C'est un trou de verdure au creux des collines bleues, brodé de mûriers et d'aubépines. Au fond chante un ruisseau limpide. Il court dans l'herbe verte qui bruit sur ses berges du silence léger des fleurs de pavot sauvage. Leurs corolles rouges sont des papillons écarlates. Krikor est le premier à rouler dans l'herbe, sa chemise blanche mouchetée de trois taches de sang. Comme des coquelicots. »



Le texte abonde d'images, mais aussi de sons, de couleurs, d'odeurs, de sentiments, de peurs, de désirs, d'envie de survivre et de se reconstruire.

Le thème central sur le génocide arménien est lourd et violent. Néanmoins, l'oiseau bleu d'Erzeroum tatoué sur les deux fillettes survole le temps, l'histoire avec un grand H et transmet de beaux messages d'amour, d'amitié, d'identité, de résilience, de sacrifice, d'espoir et de survie.



« … chacun de leurs bourreaux a été, un jour, cet enfant innocent promis à l'amour et à la paix. »



*

Pour conclure, ce que je retiens de ce magnifique roman, c'est cet oiseau bleu si petit mais si lumineux, symbole d'espoir et de résilience de tout un peuple. M'étant attachée aux personnages, je referme ce roman en pensant à sa suite, « le chant d'Haïganouch ».

Un roman indispensable pour tous ceux qui souhaitent en apprendre davantage sur le génocide arménien, un pan de l'histoire trop peu évoqué et mal connu.
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Yeruldelgger

Dans la steppe mongole, des nomades mettent au jour le cadavre d'une petite fille, une étrangère, enterrée là avec son tricycle. Arrivé sur les lieux, le commissaire Yeruldelgger prend en charge le corps et l'âme de la défunte et lui fait la promesse de retrouver celui qui l'a tuée et abandonnée. Le policier est particulièrement touché par ce crime qui lui en rappelle un autre, celui de sa propre fille, Kushi, jamais élucidé.

A trois heures de piste de là, à Oulan- Bator, son adjointe, Oyun, doit gérer la découverte de trois chinois tués et émasculés suivie de celle de deux prostituées connues pour fréquenter des chinois. La piste des nationalistes semble la plus probable mais leur leader a un alibi de taille puisqu'à l'heure des crimes il était en compagnie de Saraa, la fille aînée de Yeruldelgger...Saraa, rebelle mais manipulée, Saraa en danger, Saraa ciblée pour l'atteindre lui, le flic qui dérange, qui cherche, fouille, creuse, ne laisse jamais tomber, ne se laisse pas corrompre. Et encore une fois Yeruldelgger va enquêter, faisant fi d'une hiérarchie qui le désavoue, contournant les lois, jusqu'au bout de lui-même, jusqu'à la vérité.



Embarquement immédiat pour la Mongolie, terre de traditions et de violences qui a vu naître Gengis Kahn. Un voyage des steppes sauvages jusqu'aux bas-fonds d'Oulan-Bator dans un pays de contrastes où coutumes ancestrales et modernité cohabitent avec plus ou moins de bonheur. Convoitée, exploitée par ses voisins qui en ont fait leur terrain de jeu, la Mongolie n'échappe pas au nationalisme, parfois extrémiste. Mais la politique n'est rien face, comme partout dans le monde, au profit. La richesse des sous-sols attire les convoitises et chasse troupeaux et nomades qui se sédentarisent. Oulan-Bator, polluée, surpeuplée, voit fleurir, à sa périphérie, des camps de yourtes où vivote une population privée de ses terres. Les égouts de la ville sont habités par des exclus dans l'indifférence des autorités qui, au mieux ferment les yeux, au pire nient les faits. État des lieux peu brillant que Ian MANOOK nous invite à découvrir dans ce polar dur et souvent violent, à l'image de son Yeruldelgger, flic brisé, cabossé par la vie, qui puise dans sa culture les forces pour tenir debout et chercher la justice. Car MANOOK sait aussi se faire lyrique quand il évoque les étendues sauvages de la steppe, le mode de vie des nomades, leurs coutumes, leurs croyances. Bien documenté, il nous dit tout de l'aménagement des yourtes, des us de leurs occupants, de la surprenante gastronomie mongole. Et c'est bien la découverte de la Mongolie qui fait toute la force et l'originalité de ce polar dont l'intrigue est par ailleurs conventionnelle (crimes, fric, corruption, etc.). Cela, et aussi ses personnages, Yeruldelgger bien sûr, mais aussi, Oyun, jeune fliquette intègre et fidèle, Solongo, légiste plus ou moins compagne du commissaire, Gantulga, gamin des rues débrouillard et attachant.

Sombre et féroce, Yeruldelgger n'en est pas moins drôle par moment, instructif souvent et dépaysant à souhait. Un coup de coeur pour ce livre et ce pays. Chaudement recommandé à tous les amateurs de polars et de contrées lointaines.
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Yeruldelgger

Du yaourt... à la yourte (1)



Avant de d'entamer la première ligne de ce roman débarquant de Mongolie, il est impératif de posséder quelques notions de base afin de digérer ne serait-ce que le fil conducteur du récit.



Vous vous souvenez des années 60 et du célèbre « L'école est finie » de Sheila, les fameuses années YÉ-YÉ !



Si c'est vraiment trop dur pour vous de retenir le mot en entier, rappelez-vous au moins du début… ça ROULE pour vous !



Bon d'accord pas vraiment, vous avez pour le moins bouchonné dimanche en revenant de vacances plombées par trois jours de pluie alors que vous vous pensiez bronzer comme sur la Costa DEL Sol.



Mais rassurez-vous, j'ai un formidable remède contre la morosité ambiante et toutes les horreurs de GUERRE que vous entendez le matin à la radio avant de repartir au boulot.



En quatre mots et avec un accent prononcé, YÉ ROULE DEL GUERRE. Pour les puristes en mongol ou plus simplement pour trouver le roman chez votre libraire préféré, épelez-le Yeruldelgger !



Alors, vous allez me dire que le titre et le héros d'un roman imprononçable (mais que vous aurez bien prononcé au moins une fois) ne font pas pour autant un grand roman !



Mais si je vous dis que la couverture est particulièrement moche avec un homme dessiné à coups de rayures. Et qui plus est, l'auteur Ian Mannok d'origine surement mongole (2) en est à son premier coup d'essai, je pense que tout est réuni pour que vous passiez votre chemin !



Que nenni !



YÉ ROULE DEL GUERRE va vous plonger au cœur de la Mongolie, ce pays aux contrastes saisissants, vous faisant traverser la capitale Oulan-Bator, une des villes les plus polluées au monde, pour déboucher à quelques centaines de kilomètres plus loin aux steppes les plus belles et reculées du monde.



La principale enquête du roman tourne autour d'une petite fille enterrée vivante sur son tricycle il y a plus de cinq déjà. Où est-elle morte ? Comment et surtout pourquoi cette petite fille est décédée ?



Sans vous dévoiler le dénouement de cette histoire, je trouve la construction du roman plutôt réussie et aboutie, mettant en valeur particulièrement les personnages secondaires sans jamais faire trop d'ombre au héros.



Néanmoins, la seule ombre au tableau se nicherait dans le suspens réel du récit et sur la véritable identité des coupables des crimes perpétrés, ce qui n'est pas forcément le but poursuivi par l'auteur.



Qui qu'il en soit, si vous voulez vous évader du quotidien pendant 545 pages, foncez sur cette histoire mongole dont la suite, « Les Temps Sauvages », est également passionnante !





Note : 4,5





(1) De la prononciation yaourt de Yeruldelgger à la yourte mongole (pour ceux n'auraient pas compris)

(2) L'auteur Ian Manook est le pseudonyme de Patrick Manoukian, natif de Meudon et d'origine arménienne.



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Yeruldelgger

Yeruldelgger est certainement un enquêteur hors pair, pourtant le vrai héros de ce roman est sans conteste la Mongolie : ses steppes, ses yourtes, ses traditions et ses symboles, ses spécialités culinaires étonnantes, mais aussi ses difficultés économiques et sociales actuelles, fruits d'un passé d'oppression sous la coupe des Soviétiques et des Chinois. Rien que pour ce reportage passionnant, Yeruldelgger vaut le coup d'être lu... avec une belle tasse de thé au beurre salé et une tartine de myrtilles à la crème !



L'autre intérêt du roman réside pour moi dans les personnages secondaires. En effet, si le commissaire abîmé par la vie et son enquête contre les trop-puissants sont des plus classiques, ils sont accompagnés par une foule de héros du quotidien : des nomades fiers et purs fans des Experts Manhattan, une femme médecin légiste si sereine que son nom suffit à apaiser, un enfant des rues aussi joyeux et dégourdi qu'une mascotte, des flics droits et honnêtes ou encore quelques moines combattants...



Au final, ce roman assez sombre dégage beaucoup d'humanisme et d'optimisme, à l'image d'ailleurs de la préface où l'auteur explique comment il a achevé ce roman sous les menaces tendres de sa fille.

Bravo Yeruldelgger !



Challenge Pavés 18/xx et challenge Variétés
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Le Chant d'Haïganouch



Selon l’éditeur, Albin Michel, ce roman relate "l’odyssée tragique de la diaspora arménienne en Russie"

C’est effectivement tout à fait cela, car l’action se passe essentiellement à Erevan, la capitale de la république soviétique d’Arménie, et Iakoutsk en Sibérie, la ville la plus froide du monde, entre 1947 et 1960.



Point besoin de présenter ici Patrick Manoukian, alias Ian Manook, né à Meudon en 1949, comme Aznavour d’origine arménienne, et très apprécié sur Babelio avec 21 livres et 1045 critiques, parmi lesquels "Yeruldelgger" de 2013, en tête.



Ce roman fait suite à "L’oiseau bleu d’Erzeroum" sur le génocide arménienn, paru l’année dernière et qu’il vaut mieux lire d’abord, puisqu’il nous présente la survie miraculeuse des massacres de 1915 des sœurs Araxie et Haïganouch.



Sur le génocide arménien, toujours contesté par les autorités turques, j’ai fait le 3 avril 2018 un billet de l’ouvrage important de Taner Akçam "Ordres de tuer : Les télégrammes de Talaat Pacha". Talaat était le grand vizir ottoman et organisateur principal du génocide, tué à son tour à Berlin par un étudiant arménien, en 1921.

Ces ordres prouvent la responsabilité des Jeunes-Turcs dans l’opération atroce d’annihilation de tout un peuple durant la Première Guerre mondiale, quoique puisse en penser aujourd’hui monsieur le président Erdoğan.



Le récit proprement dit commence par le départ en bateau de Marseille du fils d’Araxie, Agop Tarpinian, vers l’Arménie, qui sous contrôle des bolcheviques sous la conduite du meurtrier de masse Staline (1878-1953) et son horrible acolyte, le chef du KGB Lavrenti Beria (1890-1953), ressemble plutôt à un grand camp de prisonniers, où règnent la famine et l’arbitraire.



Relativement vite, Agop envisage un retour rapide en France, vers sa douce moitié et leurs 2 enfants, Anaïd, 13 ans, et Josig 11.

Seulement, sortir du bloc soviétique est loin d’être simple. Les frontières sont "hermétiques et meurtrières"....



Simultanément avec le pénible séjour d’Agop à Erevan, nous suivons les événements tragiques auxquels se trouve confrontée sa tante, la poétesse aveugle Haïganouch, en Sibérie, où son époux Pliouchkine est assassiné par l’aide de Beria, l’affreux Anikine.

Dans cette taïga immense le long du fleuve Léna gelé, c’est la poésie de Viktor Dodourov, Marina Tsvetaïeva et Anna Akhmatova qui la font tenir debout.



À un officier russe de passage, la pauvre Haïganouch déclame un chant de son enfance :

Je demande à la lune

D’avaler cette triste nuit

Et au soleil lui aussi

De brûler cette infortune.

(page 120).



Rien que pour la beauté poétique de la langue d’Ian Manook, ce roman, paru le 28 septembre dernier, mérite tout le succès qu’on connut ses best-sellers précédents.

Il s’agit, en plus, d’une page d’histoire hautement dramatique et fort méconnue dans nos régions.

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Yeruldelgger, tome 2 : Les temps sauvages

Les premières aventures de Yeruldelgger ont rencontré un succès aussi phénoménal qu’inattendu, succès qui ne se dément pas avec la sortie récente du roman au format poche.



Lire un tel récit, ce n’est pas seulement plonger dans un roman noir et violent. C’est rencontrer des personnages vraiment atypiques et également une invitation à un voyage extraordinaire au plus profond de la Mongolie.



Yerul 2, le retour (sous-titré Les temps sauvages), enfonce le clou (mais pas avec le même marteau). Il eut été en effet facile de reproduire le même schéma, mais se serait faire injure à Ian Manook.



Bien sûr (et heureusement !) on retrouve les mêmes ingrédients qui ont fait de la recette initiale un thriller (roman noir ?) hors norme : ces personnages étonnants et cette Mongolie si dépaysante, mis en lumière par une plume éblouissante.



Mais l’auteur ne tombe pas dans la facilité et sa tambouille prend cette fois-ci d’autres saveurs et d’autres couleurs, cette fois-ci.



Ne vous étonnez pas si j’use de métaphores culinaires durant cette chronique. La cuisine et les repas prennent une place importante dans ce récit (entre recettes connues ou d’autres beaucoup moins). Et qu’est-ce qu’il peut ingurgiter ce commissaire Yeruldelgger !



Ce choc des cultures culinaires est à l’image de l’intrigue de ce Yerul 2 : une enquête qui peut sembler démarrer classiquement (mais avec des meurtres totalement inhabituels), dans un cadre exotique où se mélangent tradition et modernité. C’est tout le paradoxe de cette Mongolie du XXIème siècle et des romans de Ian Manook.



Comment classer ce roman ? Polar ? Thriller ? Non, juste Yeruldelgger !



Au diable les classifications, Manook propose une nouvelle fois une immersion dans un monde tellement loin de nos « belles » certitudes occidentales.



Un récit original, aux vraies dimensions humaines, sociétales et spirituelles (et j’en passe pour ne rien déflorer de l’intrigue). Bref, une histoire totalement inclassable, absolument rafraîchissante (au sens propre comme au figuré, il fait moins 30°) et qui peut tout à fait se lire individuellement du premier tome.



Je le répète, Yerul 2 révèle une autre teinte de noir, un autre type d’enquête, des personnages qui ont vraiment évolué et même une autre écriture parfois.



Car l’intrigue policière prend assez vite un virage (d)étonnant, avec des enquêtes qui s’imbriquent dans l’enquête. Elle sort de la seule Mongolie pour s’étendre dans la région des trois frontières (avec la Russie et la Chine) et même jusqu’à une contrée bien moins exotique pour nous ;-).



Eh oui, le monde devient ridiculement petit quand on parle d’escroquerie.



Et quels personnages incroyables que ces individus tous plus étonnants les uns que les autres. A l’image de l’inspectrice Oyun qui prend une place prépondérante dans ce second tome (au point d’être sur la magnifique couverture). Avec Yeruldelgger bien sûr ; un Yerul colérique qui a bien du mal mettre en application ce que les moines lui ont inculqué par le passé. Et puis un sacré nouveau venu également, du même acabit que notre commissaire (et je ne parle pas des méchants de l’histoire…).



Les temps sauvages est un roman où se succèdent des scènes plus ahurissantes les unes que les autres, le tout mis en mots de manière éblouissante.



Manook est un vrai conteur qui sait de quoi il parle, donnant une vraie profondeur et ce coté si crédible au roman. Il s’appuie sur ses propres expériences de voyages, complétées par la moisson de témoignages de personnes rencontrées lors de ses pérégrinations. On est très loin du banal recopiage de Wikipedia.



Le ton général est lui-même assez différent du premier tome, plein d’humour (décalé souvent), bourré de traits d’esprit et même de sarcasme. Une écriture spirituelle, parfaitement en phase avec ce coté spirituel qui plane toujours au dessus de cette Mongolie si ancrée dans ses traditions.



Et puis vous en connaissez beaucoup des romans où un personnage scande du Voltaire au fin fond des steppes, en pleine tempête ? ;-).



Alors ce Yerul 2, aussi bon que le premier ? Franchement, bien que la surprise liée à la découverte de ce pays ne soit plus aussi vive, j’ai vraiment envie de répondre par l’affirmative. Oui, mille fois oui, ce roman est un sombre bijoux, une merveille noire, et une lecture tout simplement indispensable.



Alors, mettez vos moufles et habillez-vous chaudement durant ce voyage, parce que vous allez vraiment avoir l’impression d’y être.
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Krummavísur

Je viens de tourner, enfin, la dernière page de ce roman de Ian Manook, et je pousse un gros soupir.

Voilà 10 jours que je peine à le lire, moi qui aies tant aimé jusqu’à présent tout ce que j’ai découvert de cet auteur sous ses différents pseudos.

Comment exprimer de façon objective les sentiments mitigés que m’a inspiré cette histoire ?



Commençons par tout le positif : l’écriture, toujours magnifique, imagée et précise à la fois, hyper documentée (même si comme moi vous n’avez jamais posé un pied en Islande, vous « verrez » parfaitement les glaciers, la mer, les volcans ou encore les quartiers de Reykjavik où se déroule le récit). L’histoire et la géopolitique de ce pays, ainsi que celle du Groenland et du Danemark qui sont intimement liées n’auront presque plus de secrets pour vous. Vous comprendrez également pourquoi les services secrets américains sont très contrariés par le réchauffement climatique plus rapide que prévu, qui fait émerger à l’air libre « Iceworm », cette base militaire secrète abritant des missiles nucléaires, construite dans les années 50-60 dans le cadre de la guerre froide qui opposait les USA à l’Union Soviétique. Honnêtement j’ai appris une foule de choses et j’ai découvert ces pays dont j’ignorais presque tout, n’étant pas très attirée à priori par le froid.



Parce là-bas, quand il fait 10°, on considère que c’est le bon moment pour faire un pique-nique ! Ou pour aller faire un tour dans le « hot-spot » ; et plonger dans le lac glacé d’à côté juste après… Non, pas mon trip tout ça… Mais Ian Manook vous donnerait presque envie, tout comme vous goûteriez presque du kiviak, dont je préfère ne pas vous donner la recette, je n’ai pas envie que vous vomissiez sur votre écran.



Les personnages à présent, que l’auteur sait rendre si vivants qu’on a l’impression de les connaître, et de les comprendre, même parfois les plus ignobles tant leur psychologie est fouillée, et leur âme mise à nu. Et d’abord le pire meilleur flic d’Islande, je veux parler de Kornelius Jacobsson, surnommé le Troll à cause de son physique imposant. Suite à ses actions controversées dans les deux premiers tome de la trilogie qui lui est consacrée (que je n’ai pas lus, mais ce n’est pas gênant), il a été mis à l’écart par sa hiérarchie, mais pour les besoins de l’enquête on lui demande de devenir consultant. Il va donc épauler le jeune inspecteur Ari (et non Harry!), talentueux mais qui a le don d’agacer tout le monde en citant à tout bout de champ des proverbes farfelus inventés par son grand-père . Exemple : « qui aime les œufs ne mange pas de poule », ou « il n’y a pas plus ridicule qu’un chat qui pète ». Le grand-père en ayant pondu plus de sept cents, on va donc en retrouver régulièrement, ce qui donne une touche d’humour à l’histoire.

Une autre enquêtrice marque de sa personnalité attachante, il s’agit de Botty, surnommée Bottyful non seulement à cause de son physique avantageux, mais aussi parce qu’elle n’a pas froid aux yeux. D’ailleurs on la découvre dès le début du roman accrochée par un filin à un hélicoptère au-dessus d’un bateau en pleine tempête, et à elle toute seule elle va maîtriser deux salopards qui s’apprêtaient à balancer le corps d’une jeune fille de 15 ans dans la mer déchaînée.



Qui dit flics dit enquête, et vous en aurez même deux pour le prix d’une. La première, dirigée par Ari et Kornelius, concerne la découverte de trois cadavres pris dans un glacier, suite à l’effondrement d’un paroi dudit glacier. La seconde, chapeautée par Botty, a pour objectif de découvrir les circonstances et le mobile du meurtre d’Anika, la jeune fille évoquée ci-dessus.

Bien entendu les deux vont s’entremêler puisque qu’on y retrouve les mêmes protagonistes, politiciens pourris, intérêts financiers plus que douteux et autres vices pas toujours cachés.



Je n’ai évoqué pour l’instant que les aspects qui m’ont plus, passons maintenant à ce qui m’a fait traîner la patte sur ce roman. Et commençons par le titre et la couverture. Quand j’ai été sélectionnée pour cette MC privilégiée, je n’ai vu que l’auteur, auquel je voue un amour jusque là sans restriction. Je suis donc ravie quand j’apprends que je suis sélectionnée. Et à la réception, je déchire l’emballage, et voilà que ce corbeau me saute à la figure...et que j’apprends la signification du titre (la complainte des corbeaux, une sorte d’invocation qui les attire). Ceux qui me connaissent comprendront sans peine mon désarroi.



Et ces corbeaux, et cette complainte, je vais les retrouver à maintes reprises dans le livre, jusqu’à la fin ! Déjà que je n’étais pas en super-forme, ce n’est pas cette histoire qui aura favorisé un sommeil réparateur . L’histoire n’est pas réjouissante en soi, mais là n’est pas le problème, je suis plutôt amatrice du très noir, tant que ce n’est pas du noir corbeau !



L’autre point qui m’a dérangée, c’est la complexité des intrigues et leurs intrications, ainsi que le nombre de personnages avec leurs noms à l’ orthographe et aux sonorités si peu familières à nos yeux et nos oreilles. Je m’y suis un peu perdue, j’avoue, mélangeant les diverses « dottir » (fille de) et « sson « (fils de), tant il y en a. C’est que je ne suis guère habituée à la littérature nordique. Mais Ian Manook est un auteur français, pourtant ! Certes, mais il s’immerge tellement bien dans l’environnement de ses romans qu’on pourrait le croire islandais ici, mais aussi habitant des Appalaches, de l’Alaska ou de la Louisiane dans la trilogie « Hunter », écrite sous le pseudo Roy Braverman. Ou quand il nous conte l’histoire de sa propre famille, on est transporté en Arménie turque dans les années 1915-1920, en plein génocide. En général je suis totalement dans l’ambiance, et je ne décroche pas jusqu’à la fin du bouquin. Mais là, différents éléments ont fait que la magie a moins bien fonctionné.



Je ne mets pas de note pour l’instant, j’ai écrit ce retour trop à chaud pour décider. Je remercie bien évidemment Babelio et Flammarion de m’avoir offert l’opportunité de découvrir ce roman en avant-première (il vient de sortir).



Ce billet est un peu particulier pour moi, puisque je l’écris après m’être retirée de Babelio. Mais je m’y étais engagée, tout comme pour un autre livre que je m’apprête à commencer et dont j’écrirai un ressenti prochainement. N’y voyez donc pas un retour, même si je n’exclus pas totalement de revenir plus régulièrement...un jour.

J’en profite pour remercier du fond du coeur tous mes amis, ma petite communauté de babelpotes que j’adore et qui m’ont vraiment émue par leur réactions à l’annonce de mon retrait. Les amis, je vous le redis, je vous aime et je n’oublierai pas tous ces bons moments de rigolades et d’émotions partagées autour de nos lectures (mais pas que!), et tous ces délires auquel nous nous sommes livrés, ça a été une expérience merveilleuse.
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Le Chant d'Haïganouch

Il existe des destins singuliers, des récits de vie inimaginables, de ceux qui participent au mouvement de l'Histoire.



« Être l'enfant d'une diaspora, c'est devenir un nomade culturel, même si le nomadisme n'est en fait qu'une technique de survie en milieu hostile… »



Ce deuxième tome, qui retrace l'incroyable parcours de vie des grands-parents de l'auteur, est une belle histoire de survie, d'identité, de famille et de résilience.

C'est en compagnie de NicolaK (@NicolaK) que j'ai poursuivi cette fresque familiale qui court de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à la déstalinisation et l'arrivée au pouvoir de Khrouchtchev. Je te remercie Nicola car il m'est difficile de dire si je l'aurais lu seule, tellement le premier tome contenait plusieurs scènes quasiment insoutenables. Je l'ai commencé avec appréhension, mais très vite, la maîtrise parfaite de la psychologie de ses personnages, leur sensibilité, leur vie emportée par le flot de l'histoire m'ont absorbée.

Quel récit instructif et émouvant ! Ce roman construit sur l'alternance de deux voix m'a plongée littéralement dans le régime stalinien autour des années 50, avec, en toile de fond, le rapatriement de la diaspora arménienne en URSS, les répressions politiques et la déportation de masse des Arméniens dans les goulags d'Iakoutsk en Sibérie.



*

Si « L'oiseau bleu d'Erzeroum » m'a entraînée dans l'enfance de Araxie et Haïganouch, deux soeurs rescapées du génocide arménien, « le chant d'Haïganouch », lui, débute en 1947 : à l'appel de Staline, du PC français et des instances arméniennes, Agop décide de quitter la banlieue parisienne pour rejoindre la République Soviétique d'Arménie et voir si un avenir est possible pour sa famille.

Il rêve de participer au grand projet de construction d'une nouvelle Arménie, de redevenir arménien dans son propre pays. C'est un dur à cuire et certainement pas une personne naïve, pourtant, il va se laisser séduire par les promesses mensongères de Staline et se laisser prendre dans les rets de la politique et du pouvoir.



Agop se sent en effet trahi par la France de Vichy : pour lui, elle n'a pas tenu ses engagements en considérant les Arméniens comme des étrangers alors qu'ils ont combattu dans l'armée française ; de même, en suspendant les naturalisations et en les plaçant sur la liste des déportations vers les camps allemands.

Alors, malgré les mises en garde de sa famille, il embarque pour l'Arménie soviétique, sur le Rossia, un ancien paquebot ayant appartenu au 3e Reich.



Très vite à son arrivée, Agop déchante : l'administration soviétique les abandonne dans un pays qui ne veut pas d'eux. Cette terre d'espoir n'était en définitive qu'une chimère, un joli songe auquel il se raccrochait éperdument.



« Les ordres du camarade Staline sont clairs : il ne doit rester en Arménie que des Arméniens communistes et nés en Arménie soviétique. »



Livré à lui-même, Agop décide de revenir en France, mais les portes de l'URSS se referment sur lui.

Alors que beaucoup d'Arméniens partis de France se résignent à vivre en URSS dans la misère et la soumission, Agop décide de s'évader.



*

La deuxième voix est celle de la plus jeune des deux soeurs, Haïganouch, séparée de son aînée lors du génocide de 1915. C'est en union soviétique que le lecteur la retrouve. Devenue poétesse et pianiste renommées, son destin croisera plusieurs fois celui d'Agop sur le chemin de l'exil. J'ai aimé leur force morale à tous les deux, les valeurs qu'ils défendent.



« Ô pays que j'aime et quitte à la fois

Dans ma tête leur haine éteint le soleil

L'exil est une mort à nulle autre pareille

Je t'aime dans le noir, et te quitte malgré moi



Des scarabées dorés sous les eucalyptus

Ne reste qu'un bâton tombé dans la poussière

Maman est morte, dans la cour, sans prière

À leur rage qu'aurions-nous pu donner de plus ?



De viols en abattoirs, à manger l'immonde

De haines en offenses, sans pitié ni remords

On nous a chassés loin, on nous a voulus morts

Sous le même ciel que le reste du monde. »



*

À travers le destin de cette famille arménienne, c'est aussi un récit lucide et triste sur notre condition humaine et le poids du déracinement.

Il se dégage beaucoup d'émotions dans ces pages où les déportations et l'enfer des camps de travail russes, les arrestations arbitraires et l'exil forcé, les purges et les massacres tentent d'anéantir toute trace d'humanité. Les atrocités commises et les exécutions sommaires, les conditions de vie et de travail dans les goulags, l'usure physique et psychologique, la peur et les lâchetés, les humiliations, révèlent en même temps ce qu'il y a de plus beau dans l'homme : la dignité et le sens de la solidarité, la force et le courage, l'amitié et l'espoir, l'amour et la tendresse.



« En 1949, Staline a fait déporter vers la Sibérie 40 000 Arméniens dont une très grande partie des rapatriés de 1947… »



*

Entre mélancolie et nostalgie, ce roman puissant et prenant, douloureux et émouvant, m'a tenu en haleine jusqu'à la toute dernière page. L'écriture, sensible et profonde, rend les personnages beaux et touchants. Plus romancé, certains moments du livre sont tout de même bouleversants, même s'ils n'ont pas la dureté et la puissance émotionnelle du premier tome.

Entre instants de bonheur et tragédies, les destins d'Haïganouch et Agop semblent s'entremêler, se répondre en un jeu de miroir où la destinée humaine rencontre l'universel.
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Le Chant d'Haïganouch

Cette suite de "L'oiseau bleu d'Erzeroum" était depuis un bon moment à mon programme de lecture, j'attendais juste un déclic, un signal pour me signifier que c'était le bon moment. Et c'est @Gwen21, en m'invitant à rejoindre un groupe de LC sur cette saga, qui m'a donné ce signal, je l'en remercie ainsi que nos autres complices (@tomsoyer, @sylvaine, @catherineCM).

Les souvenirs sont vite revenus, même si ma lecture du premier volume remonte déjà à un an et demi. Il faut dire que les personnages, inspirés de la famille de l'auteur, sont plutôt marquants ! On les retrouve au sortir de la seconde guerre mondiale (en 1947), alors qu'Agop, le mari d'Araxie (grand-mère de l'auteur), cède aux sirènes soviétiques qui promettent aux arméniens exilés en France de leur rendre leur terre. Il s'embarque à bord du Rossia, en compagnie de 3500 autres compatriotes pleins d'espoir, certains avec femme et enfants. Lui au moins a eu la sagesse de partir seul, heureusement car il va vite déchanter. Les belles promesses vont se transformer en années de galère, d'emprisonnement arbitraire et de persécutions, nombre de ses compagnons de misère y laisseront leur vie.

En parallèle, nous retrouvons la trace d'Haïganouch, la poétesse aveugle soeur d'Araxie, dont elle avait été séparée lors d'évènements tragiques précédemment. Elle s'est mariée, a eu un fils, Assadour, mais son bourreau Anikine l'a retrouvée et a de nouveau plongé sa vie dans le chaos et la terreur. Elle se retrouvera déportée en Sibérie.

Les trajectoires d'Agop et d'Haïganouch ne cesseront de se croiser sans qu'ils le sachent, chacun endurant son lot de souffrance, et ignorant du sort de sa famille. C'est d'ailleurs un des aspects que j'ai trouvé parmi les plus terribles dans toutes les "péripéties" subies par les héros de l'histoire : cette perpétuelle ignorance du sort de ceux qu'ils aiment, parfois des années durant à ne pas savoir si le fils, l'époux ou la femme aimée sont encore de ce monde, et dans quelles conditions. Il y a peut-être un peu moins de scènes d'horreur crue que dans "L'oiseau bleu d'Erzeroum", mais la violence psychologique est omniprésente, en plus de la violence physique. Et nous en apprenons encore une fois beaucoup sur les "méthodes" des dirigeants soviétiques successifs (mais pas que), pour asservir le peuple et tuer dans l'oeuf toute vélléité de rébellion. Et surprise, certains politiciens français débutants à l'époque vont aussi en prendre pour leur grade, ainsi d'ailleurs que le Parti Communiste Français, qui a poussé les Arméniens de France à repartir vers un avenir illusoire.

J'ai été un peu moins emportée par ma lecture que pour le premier opus, peut-être parce qu'il y a beaucoup de personnages secondaires qui interviennent, on s'y perd parfois. Et les moments de respiration ou d'humour sont aussi plus rares, même lorsqu'on revient dans la famille restée en France, l'atmosphère ne s'allège que lors des banquets où la communauté prépare d'innombrables plats traditionnels (je les connaissais presque tous par coeur à la fin !). Par contre j'ai apprécié les intermèdes musicaux initiés par le jeune Zazou, compagnon d'infortune d'Agop qu'on suivra également tout au long du roman et qui prendra une place prépondérante dans l'histoire.



Cette lecture restera certainement marquante pour moi, et j'espère que l'auteur ne nous laissera pas sur la cruelle incertitude induite par la dernière phrase du roman ! Je l'ai rencontré au festival du Livre de Colmar alors que j'étais en pleine lecture de son histoire. J'ai vraiment regretté le lendemain de ne pas avoir achevé un peu plus vite les derniers chapitres, je crois que je l'aurais "cuisiné" jusqu'à savoir si un troisième tome allait paraître bientôt !

J'espère que c'est le cas, parce que pour moi ça ne peut pas s'arrêter là.





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Yeruldelgger, tome 2 : Les temps sauvages

Après ma première escapade avec le commissaire Yeruldelgger en Mongolie, j'avais choisi de continuer mon voyage dans ce pays aux horizons indéfinis...

Et ça s'amorçait plutôt bien, avec quelques cadavres tombés du ciel dans un enfer de glace et de neige et des débuts d'enquêtes embrouillées à souhait en compagnie de l'inspectrice Oyun à la langue bien pendue et Yeruldelgger plus bougon et imprévisible comme jamais.

Mais après que le robuste commissaire est accusé d'un sanguinolent méfait qui le fait voir rouge... après que quelques gamins (dont un proche de Yeruldelgger) décident d'aller voir si ailleurs le monde se porte mieux... -"ailleurs" qui se trouve en France où un flic français d'origine arménienne (et très sympa !), parfait reflet "surhommien" de Yerul', débute une enquête à contresens-... le lecteur subodore une implication belliqueuse de différents services et organismes hauts placés, forts en gueule, et surtout convaincus de leur pouvoir...



"Embrouillés" devient alors embrouillaminis... et ma concentration vaguait de plus en plus souvent dans le néant (très mauvais signe, ça !). Je revenais (en soupirant) régulièrement des pages en arrière pour tenter de repêcher le fil de ce sac de noeuds.



Or, même si je suis restée sceptique quant aux déroulements parfois insolites des intrigues, les exploits improbables des mâles inspecteurs et l'endurance fantastique de la féminine Oyun, ce roman noir est indubitablement bien écrit et sans fadeur !

Il aborde aussi, comme dans le premier, des différents sujets problématiques auxquels est confronté la Mongolie actuelle : l'auteur sait faire ressentir à merveille la regrettable influence soviétique d'avant 1990, sur les paysages, les architectures et les mentalités des autochtones... raconte de quelle abominable façon le pays à été dépouillé de ses ressources naturelles, focalise les intrigues policières sur les agissements véreux, maquignonnages et machinations d'une poignée d'hommes qui espère tirer profit d'un pays en réédification.



Et il reste quoi alors de ce peuple mongolien, aux traditions ancestrales, à la spiritualité dictée par les vastes espaces, fier de sa culture orale, sa cuisine, sa hospitalité..., aujourd'hui rendu vulnérable par ces temps "modernes" et donc, sauvages !





Un grand merci à Babelio et Albin Michel pour ce voyage dans les steppes asiatiques.
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Krummavísur

Les pays du froid m'attirent de plus en plus. Je trouve leurs paysages emplis de magie et de poésie, de force et de grâce, ils s'accordent à mon âme rêveuse. J'aime ces magnifiques drapés de blanc à la beauté presque irréelle qui forment un contraste saisissant avec la pierre volcanique noire et rugueuse aux accents lugubres et hostiles.

Alors ces histoires qui m'emmènent dans ces immensités glacées me ravissent.



« Krummavísur », troisième opus de la trilogie islandaise de Ian Manook, fait suite à « Heimaey » et « Askja ». Je n'avais pas encore abordé ce cycle et je n'aime pas lire les séries dans le désordre mais lorsqu'on m'a proposé la lecture de ce policier dans le cadre d'une masse critique, je n'ai pas hésité bien longtemps je l'avoue, et j'ai espéré secrètement le recevoir. Je remercie très sincèrement Babelio et les éditions Flammarion pour leur envoi.



C'est donc sans rien connaître les deux premières enquêtes que je suis partie à la rencontre de l'enquêteur peu conventionnel Kornelius Jokobs. En définitive, je n'ai pas été gênée, l'auteur dit l'essentiel pour que le lecteur ne soit pas perdu et ait envie de revenir sur les deux premiers volumes.



*

Krummavísur est une chanson appartenant au folklore islandais, une complainte triste qui raconte l'histoire d'un corbeau gelé et affamé pris dans la tempête.



1995 – Un petit avion survole en pleine tempête le Vatnajökull, le plus grand glacier d'Islande. En difficulté, il s'écrase sur le glacier avec à son bord, le pilote et un passager menotté à une mallette.



« le corbeau s'est endormi dans une fissure

Dans la nuit noire et sa froidure »



2002 – Deux hommes encordés sur l'Helka, le volcan le plus actif de l'île, découvrent deux corps figés dans la glace.



« le corbeau s'est endormi dans une crevasse

En attendant qu'hiver se passe… »



Aujourd'hui – La jeune inspectrice Botti enquête sur la jeune Anika retrouvée morte à l'intérieur d'un chalutier.



Aujourd'hui encore – Une secousse sismique dans l'océan atlantique engendre un tsunami qui remonte jusqu'aux côtes islandaises. Ce spectacle à ciel ouvert a attiré de nombreux curieux venus voir le mascaret glisser jusqu'au glacier. Parmi eux, se trouve l'inspecteur Kornelius Jokobs, venu filmer la vague. Une partie du glacier soumis à l'énorme pression s'effondre, libérant trois corps enchâssés dans la glace.



Le lecteur se doute bien qu'il existe un le lien entre tous ces évènements mais lequel ? Et si lien il y a, et si comme moi, vous faites le calcul, ne devrait-il pas y avoir quatre cadavres ?

En tout cas, il n'en faut pas davantage pour que la curiosité du policier soit éveillée, lui qui a été poussé à une retraite anticipée dans le tome précédent.



*

C'est ainsi que j'ai fait connaissance avec cet inspecteur qui fredonne sans cesse la complainte du corbeau. Il s'avère très vite que, très bon enquêteur, il est cependant peu apprécié de ses anciens collègues de travail. En effet, ce géant amateur de femmes, opiniâtre et solitaire, est peu respectueux ni de la hiérarchie, ni des procédures.

J'ai tout de suite apprécié cet inspecteur intègre, grande gueule, frondeur et impulsif dont la vie sentimentale est plutôt décousue.



Les autres personnages qui composent l'équipe de Kornélius sont également bien campés : l'audacieuse Botty, Ida la légiste et Ari Eiriksson, un tout jeune inspecteur en charge de l'affaire des trois hommes retrouvés morts. Sa description haute en couleur a retenu mon attention, me faisant sourire à maintes reprises par sa manière étrange de penser et de parler.



*

Le récit est particulièrement prenant avec des rebondissements tout au long de l'intrigue, d'autant que la plume d'Ian Manook, nerveuse et sombre, très cinématographique, donne à voir la beauté sauvage et âpre de l'Islande. L'auteur plante parfaitement le décor où la terre de feu et de glace, le ciel gris ardoise et la mer d'un bleu glacial et translucide sont omniprésents et entrent en collision.



Cet endroit inhospitalier m'a donné des envies de voyage. Ian Manook dépeint si parfaitement la nature islandaise que l'on pourrait croire qu'il est natif de ce pays. J'avais eu cette même impression avec sa trilogie « Yeruldelgger » où il décrivait la Mongolie de manière admirable.



« C'est l'Islande. Un nuage ventru comme un édredon étouffe le soleil. Tout se fige aussitôt et l'homme se tait, surpris par le froid soudain. le paysage tout entier s'éteint en noir et blanc. »



On aurait envie de se perdre dans la contemplation de ces paysages grandioses et imposants, si on ne ressentait pas également une note de tristesse devant notre responsabilité face au réchauffement climatique particulièrement visible en Islande où la fonte des glaciers s'accélère à une vitesse inquiétante.



« Kornélius regarde ce glacier que les Islandais considèrent comme un être vivant et qui meurt doucement, comme un être qui a vécu. Quelques mois plus tôt, dans l'Ouest, au nord de Reykjavik, on a "enterré" un glacier. le premier des quatre cents du pays à avoir disparu. Fondu. »



L'auteur a également réalisé un travail de documentation important sur les relations compliquées entre le Danemark et les Etats-Unis, la corruption des hommes politiques, la violence et les vices des hommes influents.



*

Voici un roman policier bien mené, fluide et terriblement efficace. L'intrigue passionnante, addictive à souhait, est marquée par la présence continuelle de la nature. Je me suis laissée emporter par le chant lugubre du corbeau survolant ces lieux transpercés de lumière et d'ombre.



« Tant de choses peuvent le blesser

Tant de choses… »



Un très bon moment de lecture.



En lien, je vous mets Krummavísur, la très belle complainte du corbeau :

https://www.youtube.com/watch?v=TdYQu-pB3nU
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Nous sommes Charlie : 60 écrivains unis pour ..

Tout juste un mois après les terribles événements qui ont changé la France et ont insufflé un élan citoyen incroyable, Le livre de poche sort ce recueil de textes. 60 écrivains unis avec la même volonté de défendre la liberté d’expression.



L’ensemble des acteurs du livre a donné de son temps et de son argent pour que vive cette belle initiative dont les bénéfices seront reversés à Charlie Hebdo. 5 euros, ce n’est rien pour un tel recueil.



Dans un délai incroyablement court, l’éditeur a réussi à rassembler cette meute d’auteurs, regroupés sous une même bannière et brandissant leurs stylos comme arme. Leur intelligence et leur liberté de penser aussi.



60 textes forcément inégaux, certains se contentant d’une ou deux maigres lignes, d’autres de plusieurs pages. De l’analyse au cri de ralliement, du souvenir au texte très personnel… il y a de tout dans ce recueil.



L’éditeur a eu la bonne idée d’entrecouper les textes des auteurs actuels, d’extraits de Voltaire, Diderot ou encore Hugo. Pour prouver que le sujet de la liberté d’expression n’est pas neuf et qu’il faut défendre cette liberté jour après jour contre l’obscurantisme.



Sans vouloir détailler tous les textes proposés, j’ai une pensée plus particulière pour les mots de Maxime Chattam qui résonnent cruellement par rapport à son roman en cours d’écriture, pour Ian Manook et son texte si touchant, pour Frédérique Deghelt qui pense à la mère de ces terroristes, pour Dominique Fernandez et Marc Lambron qui nous font prendre conscience à quel point cet événement a touché le monde entier, pour Fabrice Humbert et Romain Puértolas avec leur belle idée de parler du sujet à travers une fiction (grave ou drôle), pour Katherine Pancol et son poème enjoué, pour BHL et son texte très juste, pour Eric-Emmanuel Schmitt et son mordant manuel du fanatique…



Quoi que vous cherchiez, et même si vous ne cherchez rien, vous en trouverez un bout dans ce livre. Une lumière contre l’obscurité qui tente de nous éteindre. Voilà ce qu’est ce recueil. Continuons à allumer de telles lumières.
Lien : https://gruznamur.wordpress...
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L'oiseau bleu d'Erzeroum

Premiers mots premières phrases et l’enfer s’abat sur le lecteur brutalement. C’est violent, choquant et rien ne peut préparer à ça, comme rien ne peut préparer un peuple à se faire exterminer par ses voisins encore inoffensifs et aimables quelques jours avant que la fureur ne s’empare d’eux. J’ai été saisi à la gorge par tant de sadisme et de perversité. Une haine gratuite et absurde dont seuls les humains sont capables. Tuer celui que l’on considère comme l’ennemi est une chose mais pousser la perversité jusqu’à lui infliger un maximum de souffrance physique et psychologique en est une autre. Je suis toujours atterrée de voir à quel point en la matière l’être humain est inventif. Une scène m’a beaucoup marquée au début du livre. Un combattant abat un cheval pour abréger ses souffrances mais pas l’homme qui le chevauchait. Je me suis surprise à penser que le cheval ne méritait pas de souffrir, l’homme par contre je n’en étais pas convaincue compte tenu de ce qu’il venait de faire. La puissance de ce roman de Ian Manook pour moi est là. Dans cette faculté à nous pousser à l’analyse, à nous pousser dans nos retranchements, à nous emmener là où c’est dérangeant.



En effet, loin de se résumer à une succession de descriptions de l’horreur, l’auteur nous offre une réflexion profonde sur la guerre. Ce n’est pas qu’une question de relations humaines, de différence de modes de vie et de point de vue. Ici ce sont les Turcs Musulmans qui ont tenté d’exterminer les Arméniens Chrétiens. Pendant des siècles ces deux peuples ont pourtant vécu en paix, ce n’est pas qu’une question de religion. Le reste du monde a fermé les yeux parce que leur intérêt économique et politique était que cette guerre continue, peut importe les souffrances et la mort. Quelque soit le camps tout le monde a les mains couvertes de sang particulièrement les décideurs. Un génocide ce n’est pas le fait d’une seule personne, de ses idées de sa propagande. C’est la conséquence d’un tout. Le contexte économique, politique, religieux, prime sur les idées des bourreaux. Il faut un terreau fertile de haine pour arriver à un tel déchaînement de violence.



J’ai appris beaucoup de choses sur le plan historique et j’ai été surprise de voir à quel point le génocide juif s’était inspiré du génocide Arménien. Ça fait froid dans le dos. Je l’ignorais. Pire je ne savais rien de cette partie de l’Histoire.



J’ai beaucoup aimé l’absence de manichéisme chez l’auteur. Peut importe la nationalité, la religion, les croyances il nous montre à travers cette histoire qu’il y avait des hommes bons et des hommes mauvais dans les deux camps. Il nous montre aussi à quel point il est difficile d’aller à l’encontre des traditions, bien souvent celles ci se justifient par la religion donc s’y opposer revient à blasphémer. De même que s’opposer au pogrom fait de vous un ennemi de l’État et de dieu. Donc un homme à abattre.



Souvent l’Histoire nous raconte la guerre du début à la fin. Mais après ? Ces gens n’arrêtent pas de vivre. L’auteur prolonge son récit au-delà du génocide et évoque la vie des réfugiés. Cette succession d’abandon, de renoncement, de résilience, d’adaptation, de fuite en avant, de concessions, de recommencement et toujours derrière soit un avenir définitivement avorté. Une vie dont il a fallut faire le deuil. Un avenir volé, qui n’a pas pu être.



Mais ce livre c’est aussi l’histoire de plusieurs vies. Celles d’Araxie, Haïganouch, Agop, Haïgaz, et tous ceux qui croiseront leur route. C’est l’histoire de ces hommes et ces femmes farouchement décidés à vivre et pas seulement à survivre. Ce livre ce n’est pas que de l’horreur, c’est aussi des joies, des sourires, des larmes, des moments drôles, de la poésie. Il y a autant de lumière que de ténèbres dans ce livre que l’on referme avec un pincement au cœur.



Merci à ma copine Nico (NicolaK) de m’avoir fait découvrir ce livre.
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Yeruldelgger

Et flûte, je ne ferai pas partie des admirateurs de Yerulbidule. Même si j'ai pourtant réussi à m'enfiler les quelques 600 pages sans trop de difficultés. Mais une énigme me pourrit le crâne depuis la dernière page : pourquoi un tel engouement?



Alors oui, le dépaysement est total. Pas tous les jours qu'on a l'occasion de se balader dans la Mongolie 2.0. Ian Manook jongle entre traditions locales et mondialisation, entre vastes steppes vierges de toute culture et la big town d'Oulan-Bator aux mains d'investisseurs corrompus et sans scrupule. On entre dans les yourtes, on partage le thé salé, on flirte avec la misère des égouts insalubres et on chevauche vers les grands espaces en revivant avec nostalgie les enfances heureuses de nos protagonistes, alors loin des turpitudes économiques et politiques. Et on peut même, pourquoi pas, déceler un (léger) éclairage sur L Histoire géopolitique et sociologique de ce pays tout neuf d'une double décennie.

 

Mais quid de l'intrigue? Des personnages? de l'écriture? Les premiers mots qui me viennent : pauvre, caricatural, gratuitement violent, inabouti. Méchante moi? Arf...sûrement. Mais comme d'hab' quand je suis contrariée. Donc faut pas me contrarier et pis c'est tout.

Car il faut dire que j'attend d'un polar un peu plus que des scènes de crimes où la surenchère de la violence tient bonne place. Un peu plus qu'un héros robocop meurtri dans sa chair mais invincible, et 🎵 toujours debout, toujours vivant 🎵. Un peu plus qu'une enquête aux rebondissements tirés par toutes les tignasses réunies des festivaliers du Hellfest. Un peu plus que des personnages féminins humiliés, bafoués et soumis (la scène de la collègue agonisante sur la banquette arriére avec Yerultruc et le petiot qui trouvent toujours le moyen de se bidonner me laisse pantoise). Et un peu plus que des criminels crapuleux caricaturaux, des flics corrompus caricaturaux, des nazillons violents et sans cervelle euh.. ok pas caricaturaux.



Seul le jeune Gantulga sort son épingle du jeu. Touchant et plein d'humour, il m'a pour le coup conquise ce sale gosse.

Sans détester franchement, le cadre y étant pour beaucoup dans ma modération (si si j'ai modéré...), on peut tout de même conclure que j'ai moyennement aimé l'ensemble. Déçue me semble le mot le plus juste pour définir ce sentiment désagréable qui m'a accompagné durant cette lecture, m'a collé aux basques telle une bernique à son rocher, et persiste encore quelques jours plus tard.

Lu trop tard peut-être, après trop d'éloges qui auront propulsé Yerulmachin sur mon échelle des attentes beaucoup trop haut.

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L'oiseau bleu d'Erzeroum

Erzeroum, Anatolie turque 1915. D'Istanbul, deux politiciens turcs Enver et Taalat ont décidé de purifier leur empire déclinant en éradiquant les Arméniens , soupçonnés de complotisme avec le voisin russe.

La purge est brutale , massive et inhumaine , comme toutes les purges. Araxie et Haïganouch sont d'un convoi, vite orphelines mais prise en charge par une vieille dame . C'est leur histoire qui nous est racontée ici, Araxie étant la grand mère de l'auteur.



Il y a clairement deux parties dans ce livre , la première martelant l'inhumanité turque et kurde et la seconde faisant part à la survie dans la diaspora du peuple arménien , que ce soit en France ou dans l'ex Russie.



C'est un livre très fort qui s'appuie sur des faits puisqu'il est en partie autobiographique Les personnages sont entiers, entiers dans leur cruauté mais aussi dans leur générosité comme ce médecin turc ou cet officier lui aussi turc , meneur de convois et qui sauvera trois innocents au péril de sa vie. L'auteur crédibilise son récit en n'étant pas binaire .



Et puis , il y a l'histoire : le génocide, la conquête du pays par Atatürk, l'avidité des charognards occidentaux sur la dépouille de l'empire ottoman , la montée d'Hitler , les purges staliniennes , qui peuvent s'apparenter à un auto génocide, le front populaire... C'est dans un tourbillon que l'on est convié à travers ces arméniens qui tentent de vivre après l'horreur.



Bien entendu, on vibre avec les héroïnes , Araxie , sa maitresse turque , au passage elle aussi victime de la folie des hommes , les rebelles arméniens , Haïganouch, les militaires oscillant entre l'abject et la légion d'honneur. On plonge dans la culture arménienne, la solidarité dans la diaspora et l'émigration, on s'émeut , on croise les doigts, on vibre !



C'est bien écrit, mais l'essentiel est ailleurs , dans la narration d'une histoire personnelle qui côtoie celle du monde. Et raconter des histoire , Manook le fait très bien, même si les personnages finissent en 640 pages par trop se croiser dans un monde sans doute plus vaste qu'il n'est dans ce livre.

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