C'est à ce moment que l'animal, que l'on désignait jusque-là simplement par l'expression " la créature mysterieuse ", se vit attribuer un nom. Il y avait dans le Japon des années 1960 et 1970 un attrait particulier pour les monstres, perceptible notamment dans les émissions télévisées destinées aux enfants et dans certains programmes de divertissement comme les sentai (connus chez nous pour regrouper Bioman, les Power Rangers, etc.). Toute une série de créatures populaires portaient un nom se terminant par le suffixe « gon ». Suivant ce fonctionnement lexical, l'entité inconnue apparue dans les monts Hiba fut donc baptisée " Hibagon " (le monstre des monts Hiba). C'est un journal départemental, le Chügoku Shinbun, qui l'appela ainsi pour la première fois.
L'un des préjugés les plus tenaces concernant le Japon est I'idée qu'il serait le " pays des traditions ". Enfin, ça, c'est ce qu'en disent les agences de voyage et les documentaires Arte, parce qu'en fait il n'y a ni plus ni moins de traditions au Japon qu'en France, au Congo ou en Nouvelle-Zélande. Mais, effectivement, on reconnait plus facilement ce qui relève de la tradition quand cela ne se déroule pas dans la bourgade où vivent papi et mamie et où l'on faisait les quatre cents coups, enfant, avec les cousins, pendant que les parents beurrés chantaient des chansons paillardes jusqu'à trois heures du matin et que tonton José discutait avec la cuvette des toilettes. Pourtant, au Japon, ça danse, ça chante et ça festoie aussi, mais pas dans la même langue ni avec la même nourriture. Le cliché du " pays des traditions " est donc un argument marketing utilisé de façon éhontée par les organismes touristiques et les médias culturels, japonais compris.