Outre que la croissance a des limites, il a ainsi été démontré que les avancées technologiques ne constituent pas la solution à nos problèmes. Elles nous offrent au mieux un sursis. C’est le fonctionnement de notre système dans son ensemble qui est remis en question.
Il ne fait aucun doute que nous vivons un moment charnière dans l’histoire de l’humanité. Pour la première fois, nous nous sommes mus en agent géologique capable de modifier l’équilibre de la Terre pour des millénaires, voire des millions d’années. Cela a pour conséquence d’étendre nos responsabilités et notre sens moral. De nos actes dépend le destin de notre espèce et de toutes les espèces animales et végétales qui nous entourent.
Nous vivons dans un monde fini, aux ressources et à l’espace finis. Nous ne pouvons pas nous affranchir de la nature et de ses limites. Les techniques ne peuvent au mieux que différer la finitude des ressources.
Plus un système est complexe et possède un haut degré d’interdépendance entre les éléments le constituant, plus il est vulnérable et susceptible de s’effondrer, car il est justement exposé à des effets multiplicateurs et à des effets dominos.
Cette course effrénée au progrès et à la croissance économique est vraisemblablement l’expression la plus forte de la complexité et de la vulnérabilité de nos sociétés, mise en lumière par la crise du coronavirus.
Selon moi, l’effondrement est un phénomène complexe et multiforme qui se décline à différentes échelles d’espace et de temps, à la façon d’une matriochka.
De nos jours, dans les sociétés occidentales modernes, développer son humanité consiste à posséder des objets. Cela va jusqu’à accumuler des amis et des relations virtuels. C’est par la possession et le consumérisme que nous réalisons notre propre humanité.
Dans la pensée moderne occidentale, le couple de l’avenir et du progrès est inséparable. L’imagination de l’avenir est nourrie et structurée par la foi dans le progrès. De ce fait, ne plus croire au progrès conduit à l’effacement de l’avenir, et inversement. Penser la fin du progrès détruit les promesses de bonheur et de justice de l’avenir, et inversement.
C’est pourquoi en heurtant de plein fouet l’idée du progrès, l’effondrement actuel crée un vide. Il prive l’histoire du sens que nous, Modernes, lui avons donné. Si l’on ne peut plus croire en l’avenir, l’idée de progrès s’efface et avec elle l’idée de perfectibilité du genre humain.
Joseph Tainter insiste également sur le fait que l’innovation technologique ne permet pas d’empêcher l’effondrement, car elle est elle-même soumise à la loi des rendements marginaux décroissants.
De nos jours, dans les sociétés occidentales modernes, développer son humanité consiste à posséder des objets. Cela va jusqu’à accumuler des amis et des relations virtuelles. C’est par la possession et le consumérisme que nous réalisons notre propre humanité. Cette spiritualité est inséparable d’une ontologie, c’est-à-dire d’une manière de concevoir le monde. C’est parce que nous adorons les objets que nous sommes prêts à tuer autrui pour aller chercher de l’or, ou des diamants, que nous dégradons le climat, que nous détruisons la faune et la flore sans vergogne. Nous portons un regard de consommation sur le monde, où tout ce qui nous entoure a peu, voire aucune valeur en soi. Ce qui est de la valeur, c’est de transformer la nature par nos activités économiques, de l’exploiter, de produire des objets et de la richesse.