D'ordinaire, les batailles navales se passent assez loin des côtes.
En dehors des acteurs, le drame ne comporte pas de spectateurs.
Quels que soient les récits des témoins agissants, en l'espèce les marins des équipages, ils ne possèdent jamais la couleur, l'intensité de la chose vue.
Dans la malheureuse affaire de la Hougue, il en fut tout autrement.
Une dizaine de navires brûlant simultanément, à quelques encâblures de la côte, formèrent autant de torches, dont les flammes montant vers le ciel, étaient visibles de très loin.
Ce terrifiant spectacle avait de quoi frapper l'imagination des populations riveraines auquel il était donné pour la première fois.
Gravé dans leur souvenir, il fut propagé de bouche en bouche, avec toutes les variantes et les aggravations ordinaires.
Il y eût là de quoi alimenter les heures creuses des longues veillées du prochain hiver ...
Au théâtre, trois coups frappés derrière le rideau annoncent que la pièce va commencer.
Sur la scène des actions maritimes, il en va de même ; mais ce sont trois coups de canon précipités.
Ce signal, chacun l'attend.
Qui va le donner ?
L'anglais ou le français ?
Au fond, personne ...
Ce n’est pas un des moindres regrets que nous devions avoir, surtout nous les marins, que la pensée de voir transformée en désastre une des plus belles pages dont aient le droit de s’enorgueillir les annales de la marine française.
Vous voyez la presqu’île du Cotentin, elle se termine par deux caps qui lui font comme ceux cornes. Tout navire venant de Bretagne, rencontre d’abord celui de La Hougue (1), puis celui de Barfleur. Presqu’à égale distance entre les deux se trouve Cherbourg…
(1) Je pense qu’il faut lire la Hague…