Elle repartait avec de beaux moments à garder en mémoire, de belles images. Plus que jamais décidée à lire la beauté du monde, même quand elle se cache un peu.
-Écrire des livres ? Être assise derrière un ordinateur à inventer des histoires, c'est un travail ça ?
-Oui monsieur, c'est un travail. Tout comme peindre des tableaux, sculpter des visages, composer de la musique, jouer des symphonies, dessiner des paysages...
-Mais ça sert à quoi ?
-À exprimer la beauté du monde, répondit-elle.
Par le travail, les humains se transforment aussi eux-même pour devenir meilleurs.
Philomène expliqua au bouleau que les arbres n'étaient pas seulement utiles au bon fonctionnement du monde: ils l'embellissaient. Un monde sans arbre ni feuille serait triste, si laid. Les bouleaux comme les chênes, les hêtres, les cyprès, les saules pleureurs ou les charmes travaillent aussi à rendre le monde plus beau.
- Ecoute, il y a plein de choses que je ne sais pas, reconnut-elle, mais il y en a une à laquelle je crois. Mes parents me disent toujours qu'il faut donner un sens à sa vie.
- Un sens ? Moi, je pousse vers le haut, dit le hêtre, et toi ?
Philomène réfléchit un long moment avant de répondre.
- D'une certaine manière, oui. Mais pour nous les humains, vois-tu, il ne s'agit pas seulement de grandir de quelques centimètres par an. Être et exister, c'est aussi élever son esprit.
La beauté était-elle quelque chose que l'on pouvait plier, glisser entre les pages d'un livre ou faire rentrer dans une trousse ? Fallait-il que cette chose plaise à tout le monde pour être considérée comme belle ? La beauté était-elle une affaire de mode ou au contraire intemporelle ?
Boudeur, le charme haussa les branches.
- Ah, si seulement j'avais un tronc plus mince et des branches plus longues ! Je serais tellement plus beau si j'avais des feuilles bleues. J'en ai marre de ce vert foncé, je trouve qu'il me donne mauvaise mine. Et puis ces branches marron, ça me vieillit, tu ne trouves pas ?
[…]
- Arrête un peu. Moi je te trouve très bien. Et je t'aime comme ça.
- Vraiment ? s'étonna l'arbre.
- Voilà, lui dit Philomène, la beauté, c'est un peu quand ce sont nos yeux qui pensent.
Seuls les êtres humains font des choix pour donner à leur vie un sens, des couleurs, une dimension... même s'ils ne font pas toujours ce qu'ils veulent.