On peut mettre à l'actif du prince Sihanouk d'avoir su redonner à son peuple un sursaut de fierté nationale. Le nationalisme khmer trouve son expression naturelle dans le développement du bouddhisme; khmer et bouddhiste sont plus que jamais des termes équivalents; le socialisme de Sihanouk est un "socialisme bouddhique". Cependant les autres religions (islam, christianisme), sont acceptées avec tolérance, les rapports entre les fidèles des diverses religions sont généralement bons. Le nationalisme khmer, qui a conduit à l'indépendance, rend les conditions de vie de la minorité vietnamienne (environ quatre cent mille personnes) plus difficiles qu'elles ne l'étaient sous le protectorat: pour demeurer au Cambodge et y gagner leur vie, les Vietnamiens sont astreints à se munir d'une carte de résidents étrangers, ils doivent s'acquitter d'une taxe personnelle annuelle. Parallèlement, la montée du nationalisme vietnamien incite les résidents vienamiens du Cambodge à regagner la terre de leurs ancêtres; environ ving mille personnes, dont un certain nombre de cadres et d'artisans, font ce choix.
En 1959, la langue khmère est rendue obligatoire dans l'enseignement primaire, à l'exclusion de toute autre. En 1967, elle le sera dans l'enseignement secondaire. Le français reste la langue de l'enseignement supérieur. La langue cambodgienne remplace également le français dans l'administration (en principe depuis 1957). Elle s'enrichit de nombreux mots nouveaux créés à partir de racines pâlies ou sanscrites pour répondre aux besoins modernes (khémarayéanakam). A la fin des années soixantes, une vaste mouvement d'alphabétisation vaut au pays la palme d'or de l'Unesco.
Le système scolaire, qui jusqu'alors reposait principalement sur les écoles de pagode pour les enfants des campagnes et sur quelques écoles secondaires dirigées par des Français pour les enfants des villes, se développe à vive allure: écoles, collèges, lycées universités sortent de terre en grand nombre. Cependant, l'expansion de l'enseignement secondaire et supérieur engendre une classe de "semi-intellectuels", selon le terme de Sihanouk, qui ne trouveront pas leur place dans la société khmère trop peu industrialisée: aigris, beaucoup seront attirés par la propagande révolutionnaire.
Une grande partie de la population déportée semble sacrifiée ainsi. Son rôle historique dans le Kampuchéa démocratique aura donc été de construire l'infrastructure économique du pays avec sa chair et son sang. Ainsi doit naître un peuple de purs. Les Khmers Rouges réalisent froidement leur redoutable boutade : " Il suffit de un ou deux millions de jeunes pour construire le Kampuchéa nouveau." p.95
A European passing through Cambodia may have found surprising or even scandalous that there should be sixty thousand bonzes in a total population or 7 millions, but to Khmer peasants it was natural, for under the monks’ religious robes were their own sons or brothers, who were receiving a sort of education obtainable in no other way. The clergy also fulfilled a social function by piling up merits for the villagers who fed them. They gave sense to life, death, and work. In their attitude toward Buddhism, the Khmer Rouge have reacted like Westerners, seeing only the surface, the seemingly parasitic existence of this clergy.
It's too easy to rewrite the history the morning after.