Mémoires de députés : entrevue avec François Gendron - 1ère partie
Je suis tout à fait conscient qu'une période d'apprentissage est nécessaire pour apprivoiser les fonctions de député. Quand j'ai été élu, en 1976, j'ai eu besoin d'au moins 18 mois pour devenir à l'aise. J'ai eu la chance d'être nommé à la régie interne de l'Assemblée nationale avec des séniors comme Robert Burns, Robert Lamontagne et Jean-Noël Lavoie, qui m'ont permis d'apprendre la joute parlementaire plus rapidement. J'ai également participé à l'étude du projet de loi 125 sur l'aménagement et l'urbanisme, déposé par Jacques Léonard, qui avait eu l'intelligence de donner une tâche précise à chaque député membre de la commission. Il m'avait dit : « Toi, Gendron, tu prends les chapitres 6 et 7 pour les présenter en commission. » J'avais répondu : « Hey, c'est pas moi le ministre ! » Il avait répliqué : « Si tu ne veux pas avoir l'air inutile, prépare-toi. »
Tout au long de nos rencontres, mon jeune ami Samuel Larochelle et moi avons parfois eu des discussions plus vives - mais toujours très respectueuses - sur nos visions de la société. Quand un gars comme lui, début trentaine, affirme que les Québécois des générations X, Y et Z ressentent moins viscéralement la différence avec les autres Canadiens, je ne peux faire autrement que d'être d'accord avec sa lecture de la situation. Les jeunes d'aujourd'hui parlent bien l'anglais, ils ont beaucoup voyagé et ils n'ont pas connu l'époque où les francophones et les anglophones étaient en opposition sur beaucoup de valeurs, de principes, d'interprétations de l'histoire et sur le fond de la question qui se pose depuis trop longtemps: le fédéralisme est-il réformable dans le sens des revendications du Québec? Ces jeunes n'ont pas vécu les injustices que leurs parents, leurs grands-parents et leurs arrière-grands-parents ont subies de la part du gouvernement fédéral. Tout cela soutient mon opinion - et ma déception - qu'on n'enseigne pas en détail tout ce que le Québec a vécu dans les cours d'histoire au secondaire. En tant que nation, nous devrions avoir une bien meilleure connaissance de notre histoire et de nos revendications traditionnelles.
L'un des préceptes auxquels je crois le plus en politique, c'est la nécessité de suivre les règles de son équipe: la fameuse ligne de parti. Ça peut sembler contre-intuitif pour tous les gros ego qui se lancent dans le domaine, mais c'est la réalité. Bien sûr que leurs valeurs et leurs idées valent quelque chose, puisqu'ils veulent représenter leurs concitoyens avec leurs convictions. Tout le monde souhaite poser sa pierre en société. Je ne connais personne qui n'aime pas rayonner, c'est dans la nature humaine. L'objectif est donc de trouer l'équilibre entre son ego et le travail d'équipe.
Selon moi, tout est dans l'attitude. N'oublions pas que règle générale, on embauche quelqu'un pour ses aptitudes et qu'on le congédie pour ses attitudes. Quand une personne manifeste de l'aisance dans ses relations avec les autres, c'est beaucoup plus facile pour elle d'acquérir de la crédibilité à leurs yeux, de marquer son territoire et d'agrandir sa zone d'influence.
J'ai la conviction que les meilleurs politiciens, au sens noble du terme, sont attachés à des principes axés sur la rigueur, la droiture et l'engagement social. Ce sont des personnes qui sont là pour servir et non pour se servir. Leur objectif ultime consiste à encadrer la société pour le mieux être collectif et à promouvoir une société plus juste, plus ouverte, plus moderne et plus équilibrée. C'est exactement pour ça que je me décris comme un social-démocrate. Je crois qu'il faut amener les individus qui se trouvent au sommet de la pyramide à contribuer davantage, sur le plan des impôts et de la fiscalité, afin de faire monter ceux et celles qui sont au bas de l'échelle.
Selon moi, les personnes de tête arrivent toujours à s'organiser. Ne demandez pas aux gens qui n'ont rien à faire de vous donner un coup de pouce, parce qu'ils n'ont pas le temps. À l'inverse, la plupart des individus qui travaillent tout le temps ont l'habitude de fixer leurs priorités et d'avoir plein de cellules du cerveau en ébullition. Donc, ils n'ont qu'à ouvrir les bons tiroirs au moment propice pour faire ce qu'on attend d'eux.
Avoir été un politicien actif de 1976 à 2018 m'a permis de participer à plusieurs grands moments politiques et sociaux de l'histoire du Québec ou d'en être un témoin privilégié. Soit je prenais part aux réflexions et aux décisions, soit j'avais accès à ceux et celles qui y étaient directement mêlés. Ma compréhension de l'État et des tractations politiques m'a donné l'occasion de bien saisir certaines nuances de ce qui se passait.
Peut-être que, de l'extérieur, quelqu'un pourrait imaginer qu'un homme de ma génération, qui est issu d'un milieu rural relativement conservateur, pourrait être réfractaire à l'avancement des femmes, mais ce n'est pas le cas du tout. J'ai toujours été ouvert à l'égalité entre les hommes et les femmes et au fait que les femmes ont envie, elles aussi, d'être autonomes et d'exploiter leur potentiel.
Le contexte scolaire dans lequel j'évoluais m'a aussi poussé à devenir indépendant très tôt. J'ai vite compris que, pour avoir du succès, je devais créer des liens avec les autres. Je suis rassembleur de nature et plein d'initiative.
Par chez nous, si on n'est pas soudés et convaincus, on risque de s'éteindre tranquillement. Alors, quand on adhère à une cause commune, on la porte avec force et conviction, en faisant tout ce qu'on peut pour obtenir gain de cause.
Il ne faut pas abandonner la lutte pour obtenir des investissement ciblés qui permettraient un développement plus varié et une croissance importante de la diversification de notre secteur agroalimentaire et celui de l'énergie verte.