Ajoutée le 22 sept. 2014
Les coulisses de la cohabitation Mitterrand / Balladur.
Un Docu-Fiction réalisé par Jérôme Korkikian produit par Endemol Fiction.
Laurent Claret dans le rôle du Président et Didier Bezace dans celui du Premier Ministre.
Diffusion France 5 et LCP.
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Films et animations
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Ayant quitté de Gaulle, début 1959, pour reprendre ses activités professionnelles, Pompidou fut trois ans nommé Premier ministre, sur l'insistance répétée du Général qui lui dit, après qu'il eut plusieurs reprises refusé sa proposition :" Si vous persistez, vous le regretterez toute votre vie." Argument sentimental auquel de Gaulle recourait à dessein,sachant qu'il serait le seul à avoir raison de l'obstination de Pompidou. Ce fut un Premier ministre exceptionnel non seulement par sa compétence et son esprit de mesure, par son intuition des attentes des Français, par la vigueur de son caractère, qui l'amena parfois à s'opposer de Gaulle, mais surtout parce qu'il avait une vue très claire de ce que qui lui paraissait essentiel: doter la France d'une force économique sans laquelle, affirmait-il, rien ne serait possible ni pour améliorer le progrès social, ni pour assurer l'indépendance nationale. A ses yeux, tout devait être subordonné à cet objectif; le renouveau industriel qu'a connu la France pendant les onze années de sa présence au pouvoir est largement dû à l'acharnement avec lequel il mit en œuvre tous les moyens nécessaires pour y parvenir
Mercredi 29 juin 1994
(...)
Je lui parle du projet de loi de Pasqua sur l'organisation, parmi les élus et la population proches de la majorité, d'élections primaires sont l'objet affiché serait de leur permettre de choisir eux-mêmes un candidat unique pour l'élection présidentielle. Giscard d'Estaing et Chirac y sont hostiles, car ils redoutent qu'une telle consultation ne les favorise pas.
"Ce projet, me dit-il, est très certainement anticonstitutionnel ; je ne prendrai pas la responsabilité de l'inscrire à l'ordre du jour du Conseil des ministres. J'ajoute que ce serait un risque pour vous, car vous voyez bine qui voterait lors de ces primaires : ce ne serait pas forcément vos partisans. Il y a eu des sondages, ajoute-t-il, montrant que je serai battu à l'élection présidentielle et par vous, et par M. Chirac, et par M. Giscard d'Estaing. Sondages absurdes, puisque je ne me présenterai pas ! La vérité, c'est que vous seriez le seul en mesure de ma battre.
- C'est une hypothèse peu réaliste, en effet. Il y a vraiment peu de chances que nous soyons candidats l'un contre l'autre.
- Pourquoi ? me demande-t-il avec vivacité.
- De votre fait, ou du mien, ou des deux.
Il reprend :
"Je n'ai rien contre Chirac, mais il n'a pas le niveau nécessaire. Quant à Giscard, il n'existe plus ; il a gâché sa carrière. S'il s'était tenu tranquille après 1981 et qu'il s'était présenté en 1988, il m'aurait battu...Il est toujours trop pressé, il n'a pas assez de finesse dans l'esprit. Cela marche bine, pour vous, en ce moment, dans l'opinion. Dans le paysage actuel, vous êtes le seul qui compte. Cependant, faites attention, vous avez deux choses contre vous : le RPR, d'une part, mais les partis n'ont plus grande audience ; et, d'autre part, votre situation de chef du gouvernement, qui vous expose à des difficultés souvent imprévisibles. Ne vous illusionnez pas sur les sondages : la gauche atteindra, quoiqu'il arrive, 47 à 48 % le jour de l'élection.
- Je le pense comme vous, si bine que je ne crois pas que nous ayons beaucoup d'erreurs à commettre.
- Jusqu'à présent, vous n'en avez pas commis."
À la violence des attaques, à la calomnie dont j'étais l'objet, j'opposai ensuite le silence d'une conscience sans reproche. Il me semblait que le calme et l'indifférence étaient les meilleures réponses aux attaques, que, tôt ou tard, lorsqu'on a raison, l'opinion redevient favorable, consciente, sans l'avouer, de réparer une injustice. Je me trompais. L'on a vite fait de travestir la pudeur en dédain, le mépris des injures en mépris de l'opinion. De nos jours, il faut toujours répondre à tout : aux turpitudes inventées, aux mensonges propagés, bref, se justifier sans cesse. Voilà qui transforme l'homme politique en être sans liberté, sommé de s'abaisser pour affronter toutes les agressions, sauf à sembler reconnaître la véracité de ce qui lui est imputé.
(Page 381).
Lors de la conférence de presse finale, à une question d'un journaliste demandant comment se passe la cohabitation, Mitterrand répond :
"Je citerai saint Thomas : voyez et touchez !"
J'interviens pour faire remarquer que ce n'est pas saint Thomas mais le Christ qui a dit : " Voyez et touchez" - remarque qu'il n'accueille pas d'un air satisfait. Il ajoute à l'intention de quelques journalistes, poursuivant ses variations sur le thème évangélique : " Je ne pouvais pas mettre en doute la présence réelle du Premier Ministre."
J'ignore ce que le Christ et saint Thomas auraient pensé de cet échange...
(Page 82).
Mitterrand aimait tellement la politique, à laquelle il consacrait une bonne moitié de nos entretiens, le jeu des relations entre les hommes, leurs variations, qu'il les observait avec minutie et gourmandise, toujours prêt à s'en amuser au prix de quelque simplification. Il avait l'esprit caustique, ou de l'esprit tout court, rapide, vif, sans illusion sur les autres ; pour tout dire, il était porté à la médisance.
(Page 341).
Ainsi, Chirac était-il parvenu à ses fins. Sa politique fut celle qu'on pouvait attendre ; elle connut des fortunes diverses.
(...) Toutes ces déceptions le convainquirent que son action devait désormais prendre le visage d'une sagesse apaisante ; elle laissa aux Français le sentiment d'une interminable immobilité.
(Page 421).
Du côté de Chirac, les choses étaient limpides : je n'étais pas depuis trois mois à Matignon qu'il redoutait en moi un rival, il ferait tout pour que je trébuche et ne puisse entrer en compétition avec lui dès lors qu'il n'avait pu empêcher mon accession à Matignon ni me donner à croire que je lui en étais redevable. Il estimait avoir seul le droit d'être candidat, considérait le pouvoir comme son bien exclusif, mon échec comme une nécessité pour y atteindre.
(Page 107).
C'est de la liberté dont nous sommes partisans et non du libéralisme considéré comme un système clos, parfait, ayant réponse à tout en toute circonstance.