Les conseils de Dominique Paravel aux apprentis écrivains .
Lors de la rentrée littéraire de septembre 2013, Dominique Paravel a publié son premier roman Uniques (éd. Serge Safran), le récit de personnages qui cohabitent et se croisent dans une rue de Lyon. Dans cette vidéo, Dominique Paravel donne des conseils aux apprentis écrivains.
Avec l'âge se perd l'évidence d'être en vie, le corps se flétrit, se salit, réclame des attentions, il faut l'entretenir comme un appareil ménager qui n'est plus sous garantie.
Des jours et des jours de voyage et au terme Venise l'avait reçu dans sa lumière inouïe, une ville sans aucune ligne droite, où la perspective est sans cesse faussée, fantasmée, un coquillage spiralé au fond d'une lagune compliquée qui est sa seule défense, une île multipliée d'îles, ceinturée d'eau et de solitude.
Les choses n'existent que par ce qu'il y a des mots pour les dire.
Il est devenu frileux, sa peau trop grande pour son squelette ne lui tient plus chaud. Le lien avec le corps se défait peu à peu, le lien avec la vie se dénoue. Il ferme les yeux, se réfugie dans l'immensité de la nuit, là où la différence entre l'enfant indistinct du passé et le septuagénaire trop présent d'aujourd'hui disparaît, là où ne demeure qu'une sensation flottante et apaisée de l'être.
Venise est un chantier, elle est construite dans un marécage, sur des terrains boueux compactés par les ordures, mais, les façades des palais sont colorées comme des tapis d'Orient, la lumière est une coulée d'or, les hommes portent des habits de brocart et le femmes des soies moirées, il veut cette ville, il veut sa place à n'importe quel prix.
Hautement inflammable est la haine, et quand elle brûle, peu de chance que le feu s'apaise, sauf événement exceptionnel, solidarité obligée en situation de catastrophe, inondations, tremblements de terre, crash aérien.
À cette occasion il avait découvert qu'un pancréas était une masse granuleuse, coincée entre l'estomac et l'intestin, vaguement comparable à une langue tirée ou à un pénis ballant.
Sa voix n'exprimait rien de particulier. Ni soulagement, ni anxiété. Cet homme, il aurait fallu le fendre en deux pour en connaître le contenu.
Il a dû demander son chemin plusieurs fois, les rues finissaient dans les canaux qu'il fallait traverser sur des planches en bois jetées d'une rive à l'autre, à certains endroits un îlot en voie d'assèchement et entouré de palissades lui coupait le chemin.
Il y avait quelque chose de surhumain dans la réalisation d'une statue équestre, quelque chose qui échappait à la dimension normale, aux gestes ordinaires du sculpteur. Et puis, le corps des hommes, des femmes, des adolescents, des enfants lui était connu, il avait passé sa vie à les observer, à les dessiner, mais il ignorait le corps de la bête. Il ignorait la tension de ses muscles, le plissé charnel de sa robe, l'odeur de sa peau échauffée.