- Tu dois me trouver terriblement simple. Je n'ai ni beaux habits ni bijoux. Tu devrais chercher quelqu'un qui a de la culture, de la fortune, de la naissance. (les mots avaient jailli tout seuls.) Quelqu'un avec des... chaussures.
En Europe, un homme incompétent et de caractère faible pouvait atteindre les plus hautes sphères de la société du moment qu'il était bien né, tandis qu'un homme manifestant de grands dons pouvait croupir éternellement dans sa condition de paysan. Chez les Ottomans, seuls le mérite et la compétence importaient.
Il repensa à une autre parole de Leonardus: "Il arrive un moment dans la vie d'un homme où celui-ci doit choisir entre ce qui est juste et ce qui lui permet de vivre." Et il réalisa que le choix n'était peut-être pas si limité.
Il idolâtrait sa soeur, le soleil de sa vie. Elle le protégeait de la colère de leur père, du désespoir de leur mère et de tous les tourments d'un monde hostile. Elle ne ressemblait pas aux filles de son âge, vraiment pas du tout. La plupart d'entre elles se couvraient le visage d'un barnuza et restaient à la maison. "Une femme ne devrait être vue que deux fois en public, disait la mère de Maria. Le jour de son mariage et celui de son enterrement."
Il attendit que la file de Touaregs s'évanouisse dans la distance et la chaleur. Les silhouettes pitoyables des prisonniers disparurent derrière les chameaux. Il s'allongea à plat ventre et, le menton sur ses bras, regarda fixement la plaine déserte en cherchant à éclaircir la réaction de Dianous.
C'était une époque de grandes tensions religieuses. Pas seulement à Malte, mais dans tout le monde environnant la mer du Milieu. Martin Luther avait placardé ses thèses, non pas sur la porte de la chapelle d'un château, mais au coeur même de l’Église. Et les responsables corrompus de cette dernière regardaient son hérésie se répandre depuis l'Allemagne jusqu'à menacer l'entièreté de leur monde.
Et c’était comme ça que fonctionnait le système médical : ceux qui lisaient des ouvrages spécialisés touchaient rarement les patients, tandis que ceux qui les manipulaient en lisaient rarement.
Lorsqu'ils eurent fini de trier les rats encore indemnes, le camelot leur compta leur dû. Moussa et Paul regardèrent la petite pile de centimes le cœur serré. Le commerce des rats était plus difficile qu'ils ne l'avaient cru. Enfin, ils avaient tout de même trouvé Fritz et flanqué une déculottée aux Prussiens.
Moussa était malheureux, sœur Godrick lui menait une vie d'enfer. On n'était encore qu'en septembre et il avait déjà l'impression que l'année n'en finissait pas. Et il en arrivait à croire que seule l'Apocalypse pourrait mettre un terme à sa torture puisque l'arrivée des Teutons n'avait rien changé.
Ces hommes demeurés insoumis, forment un des peuples les plus nobles et les plus farouches de cette terre. Mais si leurs femmes sont encore fortes et leurs hommes toujours fiers, si leur race reste celle des poètes et des romantiques, ils ne sont plus que l'ombre de leur magnificence disparue. Leur existence n'est plus rythmée que par la pauvreté et la sécheresse, leur héritage se limite à des rêves perdus. Quelques rébellions isolées surgissent encore aujourd'hui, mais leur style de vie appartient désormais au passé.