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Citation de SZRAMOWO


Je tourne la tête, je vacille, diffère, regarde par la fenêtre les grands hêtres derrière la haie d’aubépines, j’hésite, je tape sur mon portable, fais défiler les mails et les nouvelles, la guerre, les retraites, un assassinat dans une école primaire de Nashville, les oiseaux qui disparaissent de façon inquiétante, une astuce pour nettoyer les oreilles d’un chat. Le cœur toujours en feu je regarde encore vers le jardin, les églantines se sont ouvertes à nouveau, comme chaque matin, les feuilles du tilleul bougent lentement (il a été planté l’année de ma naissance), j’arrange le bouquet d’anémones, me refais un café. Et dans le goût âcre d’une des gorgées, voilà qu’une ribambelle de bruits, de visages, de mots, de couleurs, de jardins et de rues, d’objets oubliés ou délaissés m’apparaissent, ils se disputent et veulent tous entrer, en farandole, à la même seconde, ils gesticulent, joyeux et maladroits, comme venant de naître : comment les calmer, comment les trier ? Alors je m’entends répéter : comme je voudrais comme je voudrais.
Comme je voudrais quoi ? Tout recommencer ? Tout raconter ? Tout corriger ? Tout répéter ? Tout oublier ? Tout découvrir ? Tout aimer ? Tout abandonner ? Tout revivre ? Oui, développer cette série de verbes, tous ensemble au même moment. Quelque chose de choral, d’irrégulier, de quantique, que je ne connais pas encore, du tout neuf à partir de ce que je crois avoir vécu. Du désordre et de la rigueur, quelque chose de beau et de violent qui embrasserait en un seul geste et en un seul temps les points brûlants de ma vie, parce que oui, ma vie a été violente malgré les apparences. Je n’en dirai rien de cette violence, ça ne regarde que mon corps et moi, je ne suis pas là pour régler des comptes. C’est autre chose que je voudrais, et puis un livre se tient toujours ailleurs de la vie, même s’il s’en sert largement. Mais je n’y arriverai peut-être pas.
Quelque chose de doux aussi parce que je n’ai jamais quitté de vue la douceur, c’était et c’est encore toujours un point à atteindre, presque à chaque instant. Beau, doux, violent : voilà pourquoi je dois avant tout convoquer des fleurs, car elles contiennent la beauté, la douceur et la violence. L’éphémère aussi. Un cortège de fleurs, fraîches et silencieuses, qui auraient passé leur vie à protéger des secrets, des beaux et des moins beaux. Avec elles, je pourrai peut-être ? Je me revois mettre de la musique dans la cuisine pour aider le mouvement, je portais ma longue veste en coton bleu de Kyoto, ce bleu particulier qui contient les nuances du chemin qui mène au Ginkakuji, le Pavillon d’argent, avec juste au-dessus la montagne de l’Est que je touche encore du regard.
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