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Critiques de Chloé Delaume (493)
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Le Coeur synthétique

°°° Rentrée littéraire 2020 #9 °°°



Cela fait plus de vingt ans que Chloé Delaume publie sous diverses formes, autofictives souvent, expérimentales presque toujours. Avec Virginie Despentes, c'est sans doute une des auteures étiquetées «  féministes » que j'aime le plus à suivre tant sa pensée est vive, contemporaine, incisive avec ce qu'il faut de piquant et d'iconoclaste.



Le Coeur synthétique est sans doute son roman le plus accessible de Chloé Delaume, à la troisième personne cette fois même si on sent le « je » de l'auteure très présent, avec une histoire linéaire aisée à suivre. En fait ce roman est comme une suite romanesque de son manifeste féministe Mes biens chères soeurs ( 2019 ) qui théorisait brillamment le concept de sororité, une solidarité spécifiquement féminine, comme outil de puissance, comme alternative au patriarcat et promesse pour écrire un futur égalitaire.



Dans King Kong théorie, Virginie Despentes disait : « j'écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf ». Chloé Delaume, elle, écrit « de chez les ex-bonnasses, les suffisamment côtées sur le marché pour avoir reçu des appels d'offre et avoir eu le choix des options ».



Chloé Delaume a un réel talent à absorber la totalité des expériences féminines, déclinant en cinq personnages toutes les facettes de l'ex-bonnasse, des quadra cultivées et diplômée  ( mère ou nullipare, hétéro ou pas, célibataire ou en couple ) mais sans jamais que ces cinq nanas ne soient que des stéréotypes calquées sur une thèse qui tournerait à vide. Adelaïde, Hermeline, Clotilde, Judith, Bérangère sont tellement incarnées et éloignées du pensum artificiel qu'on s'attache à elle immédiatement, à commencer par le personnage principal dont on suit les mésaventures : Adelaïde, 46 ans, volontairement sans enfant, attachée presse, fraichement célibataire par choix mais obnubilée par l'idée de retrouver un homme et de se marier.



Ce qui est génial dans ce roman, c'est que si elle va de Charybde en Scylla dans sa quête de l'amour, c'est le ton tragi-comique subtilement trouvé par Chloé Delaume. Tout est terrible dans le constat qu'elle dresse de la date de péremption des femmes passées 40 ans, tout est cruel lorsque Adelaïde réalise qu'elle n'est qu'une « ex-bonnasse » devenue transparente et décôtée sur le marché de la drague, et pourtant tout est raconté avec un sens du burlesque absolument réjouissant. Comme dans une vraie comédie de moeurs, j'ai énormément ri lors des scènes au vitriol sur le milieu de l'édition parisienne ou lors de rencontres masculines désopilantes de tristesse.



Il faut dire que Chloé Delaume est une styliste et que son écriture est jubilatoire, faite de phrases courtes et incisives qui clinquent et claquent. le choix des mots et de leur agencement relève d'un équilibre d'orfèvre miniaturiste attaché à rendre chaque phrase à la fois autonome comme une petite histoire et rattaché à un grand tout qu'elle fait fonctionner. Brillant.



Mais jamais le propos ne se fait amer, aigre, rageux, ce qui est très fort vu la charge sociétale que l'auteure balance. Si les hommes sont peu reluisants dans ce roman, les femmes sont elles aussi pleines de failles et de défauts, Adelaïde notamment avec son épousite aigüe entre le risible et le pathétique. Chloé Delaume convainc car elle émeut profondément, son roman est vivant et vibre de tous ses pores d'une sincérité et d'une acuité rayonnantes.

Toute la démonstration du livre autour de la sororité formée par ses cinq amies culmine dans les dernières pages, superbes et emplies de douceurs. La sororité comme un cri de ralliement pour les années à venir, pour toutes les femmes et leurs alliés !



Coup de coeur sur ce roman réjouissant et vif, cruellement réaliste, terriblement contemporain, puissamment féministe.



Lu dans le cadre du Prix du Roman Fnac 2020

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Le Coeur synthétique

Les nombreuses critiques positives et bien tournées de mes camarades m'ont incitée à lire le Coeur synthétique. Mais, problème d'état d'esprit du moment peut-être, je dois dire que plutôt qu'un emballement, j'ai ressenti une lassitude devant les banalités et les clichés de cette histoire de femme vieillissante cherchant désespérément un mari, et dans la stigmatisation peu subtile du milieu de l'édition (que diable, cette activité essentielle a besoin d'argent pour vivre). Reste des moments d'humour et une forme d'autodérision bien venue qui sauvent ce roman généreusement gratifié du prix Médicis 😊
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Le Coeur synthétique

"Adélaïde ne regrette rien : chez elle c'est une question de principe". A quarante-six ans elle vient de quitter mari et confort, elle n'a jamais voulu d'enfants, elle n'a pas de famille, tout le monde est mort. "C'est toujours elle qui change de vie, elle est moteur et non victime . Elle a confiance en son destin, se croit protégée par Aphrodite ". Sauf que même Aphrodite avec la meilleure des intentions, a des pouvoirs limités au-dessus d'une certaine limite d'âge.......

Adélaïde a heureusement un boulot captivant dans l'édition, non dénué de surprises. Attachée de presse, elle doit défendre des romanciers aux talents très divers mais souvent douteux.....

Adélaïde a heureusement aussi des amies dopées à la cocaïne, aux profils très variés et elles aussi aux équilibres très variés, souvent douteux......

Adélaïde a heureusement tout sauf l'Essentiel 😁: le Vladimir.

Adélaïde n'est pas loin de l'Alba du dernier livre de Ferney........je ne sais que penser de ces femmes qui veulent l'éternel amour ( en plus avec des exigences sur les formes et couleurs des bites 😁), l'éternelle jeunesse, l'éternelle beauté....un idéal de bonheur, un fantasme, qui existe probablement au sommet de la montagne Kaf, comme Simorgh l'oiseau utopique , symbole de l'Esprit Universel qui en faites se trouve en chacun de nous, mais en sommes rarement conscient.



Que puis-je dire, d'un sujet banal, dans un style simple mais original, un rythme rapide et saccadé qui sied parfaitement à notre temps et au sujet, Chloé Delaume en a fait une histoire truculente à deux volets. La femme single à 46 ans à Paris en quête du Gibier de sa vie, le Vladimir, et les milieux de l'édition où la qualité de la Littérature relayée au dernier plan, on développe les techniques de marketing pour vendre sans grands scrupules, n'importe quel manuscrit . Les femmes et les bouquins transformés en deux produits de consommation dans notre monde civilisé et moderne.

Ce que raconte Delaume finalement ici comme fond est triste et déprimant et pourtant le ton est joyeux, et le mix une comédie aigre-douce que j'ai même terminé un sourire aux lèvres 😆!

Merci Michèle !

Merci Christophe !



"C'est l'histoire d'une fleur bleue qui n'a plus de racines à force d'être dépotée."
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Pauvre folle

°°° Rentrée littéraire 2023 #24 °°°



Clotilde prend le train pour Heidelberg. Cela fait dix-sept mois qu'elle est prise dans un tourbillon émotionnel depuis que son ex, son grand amour, est revenu dans sa vie, jusqu'à en devenir folle tant il brûle et s'échappe. Elle choisit l'itinéraire le plus long possible afin de prendre le temps de réfléchir à la situation, de crever l'abcès et une décision pour avancer, ne plus être submergée, l'occasion d'ordonner sa vie à cinquante ans.



Sujet banal, certes, mais piqué d'une magnifique idée, furieusement poétique, puisqu'on voit Clotilde, comme dans un film de Cronenberg, extirper littéralement de son crâne ses souvenirs les plus marquants sous la forme de petits corps solides qu'elle dispose sur sa tablette de TGV  : certains souvenirs sont en grappe, d'autres isolés, elle les prend entre ses doigts, les triturent, certains palpitent, certains sont métalliques, d'autres gluants, scintillants, couleur sang.



Dans cette autofiction qui abandonne le « je », Clotilde est le double assumée de Chloé Delaume, pas de fausse barbe. Ce sont les premiers chapitres qui m'ont le plus transportés, ceux de l'enfance et adolescence de Clotilde avec le traumatisme fondateur : celui du meurtre de sa mère par son père qui se suicide ensuite sous ses yeux d'enfant (magnifiquement racontée dans le Cri du sablier, le roman qui m'a fait découvrir et suivre cette écrivaine, un choc dans mon parcours de lectrice). Chloé Delaume arrive à toucher tout en étant cru, trash et drôle pour raconter une jeune fille puis femme étrange, suicidaire, diagnostiquée bipolaire, se prostituant sans aigreur.



Elle explore ainsi les effets de ce féminicide maternel sur sa psyché et ses échos sur sa vie amoureuse de quinquagénaire depuis ce rapport déglingué aux hommes. C'est terrible de voir une femme lucide, aguerrie aux feux de l'amour tomber à nouveau dans le panneau, s'entêter, avancer les yeux bandés sous l'emprise d'un amour obsession-addiction-déni qui se fracasse au réel mais qu'elle trouve sublime et qu'elle a envie de vivre malgré sa toxicité, ad nauseam.



Plus largement, à travers son alter ego, elle interroge de façon percutante toutes les questions féministes contemporaines au temps de MeToo, et notamment les dissonances entre un féminisme quasi misandre ou du moins anti-phallocrate et une hétérosexualité difficile à changer (« comment ne pas se dire je couche avec l'ennemi, et se projeter tondue à la Libération ? Clotilde tenait autant à ses cheveux qu'à la chute du patriarcat. »)



Pauvre folle peut se lire comme un condensé de l'oeuvre de Chloé Delaume. C'est souvent très fourre-tout tant il y a de thématiques, foutraque aussi même si on sent que l'autrice sait où elle va. La partie « histoire d'amour toxique sous emprise » est trop longue, mais étonnamment, cela ne m'a pas gênée tant le texte est porté par la virtuosité jubilatoire de l'écriture.



Depuis toujours, j'adore l'écriture de Chloé Delaume qui possède un style unique, inventif, doté d'une spectaculaire sorcellerie langagière qui provoque admiration et enchantement tout en célébrant le pouvoir des mots. C'est le genre de roman dont on a envie d'extraire mille citations, tant pis si l'intrigue en elle-même passe très loin après.



Pauvre folle est une ode à la littérature, celle qui sauve de toutes les épreuves depuis le choc esthétique de Clotilde lisant Ophélie de Rimbaud, celle qui fait se sentir vivant, celle qui, par exemple, fait revivre le souvenir de la mère assassinée :



« Les pensées morbides y poussaient à foison, bouquets d'orties, ronces barbelées. Clotilde les expulsait par l'encre, papier griffe tatoué, ses cahiers à spirale plus noirs qu'une obsidienne. Quant Clotilde écrivait, elle avait l'impression que, quelque part, revivait sa mère. Qu'à part la poésie, sa mère n'était pas morte, ne pouvait pas mourir. Elle lui avait transmis les secrets de la métrique, les battements du coeur de Clotilde martelaient la rythmique du moindre alexandrin.(…) L'esprit de la défunte faisait office de muse, la transe était ouatée et légèrement humide, comme le ciel du 30 juin juste après dix-neuf heures. »
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Le Cri du sablier

C’était un magnifique mois de juin.



Qu’eut lieu le drame qui dissémina la famille de l’aume.

Un père monstrueux ne supportant pas le divorce réclamé par son épouse, un meurtre, un suicide, une scène traumatique pour une petite fille de neuf ans.



La folie d’un couple incompatible pour mettre au monde un enfant, une fille d’autant plus, et la faire grandir dans tout ce qu’il y a de plus normal.



C’était un magnifique mois de juin.



Chloé dite l’enfant fait honte, dérange, est toujours de trop ou pas assez. Le cœur du père est de pierre, imperméable à l’amour et la bienveillance. Il est même plutôt monstrueux et fou a lier.



Le cri du sablier est tout en symbolique et en continuité avec Éden matin midi et soir. L’auteure expie un univers ténébreux, tristement et inexorablement noir.



Ce livre a été laborieux et pourtant il m’a hypnotisée. Le débit de mots savants limés au scalpel d’une douleur insoutenable, une centaine de pages d’une expérience littéraire hors du commun. Les mots balancent dans tous les sens, les phrases amputées de leurs déterminants, ponctuations, majuscules, c’est asphyxiant et pourtant quel exercice impressionnant, quelle prouesse de style !



Tout n’a pas été simple à suivre, à cerner, à digérer ici. Des passages entiers sont restés un mystère pour moi.



« Le temps est élastique la vérité cenelle a la baie étendue qu’importe l’anachronisme qui grimpe en lobélie du moment que les glaires couronnent le mémorial du moment que florale reste l’expectoration. »



D’autres passages sont plus éloquents avec une finesse époustouflante. Comme si Cioran et Jim Morrison se contorsionnaient dans une larve désespérément noire.



« Condensation voltige Papa Tango Charly le triangle avorté les Bermudes à la buée tu ne répondras pas, plus personne ne te cherche. Non, papa. Plus personne. Tu es mort. Entends-tu. »



Chloé barbote dans la boue noire, elle crie, elle scalpe, elle accouche, elle avorte, elle fait saigner, elle balance les verbes sans se soucier du reste, c’est une suite de phrases décousues, extirpées de ses viscères enflammées.



« Ma vie s’engluait dans la déconfiture : quand pourrait-on m’aimer, moi l’Antigéniture. »



Et au lasso de sa rage, elle crache sur ce père.



« Mon père, mon haut-le-cœur, mon sale chaos, mon plomb salin, ma soude caustique, mon savant rance, ma plaie mesquine, ma belle charogne. »



Maintenant il est temps de régner pour Chloé. Bientôt, le mois de juin sera magnifique.

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Pauvre folle

Comme moi, vous devez probablement avoir des auteurs dont vous ne ratez aucune de leurs nouveautés. Pour moi, mon écrivaine chouchou c'est Chloé Delaume. Ses mots résonnent en moi comme jamais. Son parcours chaotique, son enfance traumatique, ses souffrances psychiques me ressemblent tant et plus. J'attendais donc avec grande impatience le prochain livre de cette auteure.



Le personnage central n'est autre que Clotilde. La pauvre folle qui n'aime ni les enfants ni les hommes, ni le réel, Clotilde "flotte en société comme l’ombre d’un astre mort", elle vit seule dans son petit appartement parisien avec son chat siamois Citrouille. Et puis ses petites pilules car Clotilde souffre de bi-polarité. Clotilde est aujourd'hui une femme déboussolée et perdue dans un train qui, de gare en gare, l'emmène à la fin du monde... Elle doit régler son histoire de coeur avec Guillaume, homosexuel, une histoire toxique qui l'a probablement rendue folle et qui la ronge depuis des années.



Elle plonge dans le puits sans fond de sa mémoire pour tirer à la surface les cicatrices qui l'habitent. Elle fait appel aux souvenirs d'une enfance meurtrie et retrace méthodiquement l’origine de sa bi-polarité, marquée par le féminicide tragique de sa mère quand elle avait dix ans. Le thème omniprésent de la santé mentale est un fil conducteur récurrent dans les livres de Chloé Delaume (comme son enfance fracturée dans "Le cri du sablier" et ses pulsions suicidaires dans "Eden matin midi et soir"). Sous le couvert d'un pamphlet sociologique, médical ou même féministe, l’auteure dissèque le psyché complexe de Clotilde.



La première partie du livre, centrée sur les troubles mentaux déchirants de Clotilde, m’a indubitablement captivée.



Cependant, la suite m'a plongée dans une perplexité croissante. L’auteure semble se perdre dans un enchevêtrement confus de sujets variés (le célibat, la sonorité, les mouvements metoo et LGTB, l’homosexualité, la prostitution, l’amour toxique,...), tout cela grouillant anarchiquement sans suivre une trame littéraire cohérente.



L'auteure se disperse à mon sens à tous vents. La vie détaillée de Clotilde semble perdre toute connexion avec sa maladie au fil des pages. Le côté médical disparait pour faire apparaitre une héroïne sexiste, qui juge, qui broie, qui un jour déteste les hommes pour ensuite tomber raide dingue d'un homosexuel.



Malgré ces réserves, j'ai retrouvé la plume audacieuse et provocatrice typique de Chloé Delaume qui manie les mots comme des armes et joue avec les codes traditionnels du genre littéraire avec une facilité déconcertante. Sa prose audacieuse résonne contre les murs; elle fait couler le sang des mots sur le papier; elle balance entre réalisme cru et beauté sordide; elle assombrit tout sur son passage. Certains passages offriront un certain réconfort à ceux qui souffrent de pathologies mentales tandis que d'autres défieront les conservateurs puritains un peu trop frileux.



"À user ses souvenirs on ne peut pas être vivant : le cimetière des amours mortes est son seul horizon, dans sa cage thoracique s’épuise son cœur zombie."


Lien : https://coccinelledeslivres...
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Eden matin midi et soir

Des pensées qui nous font vivre un enfer, les griffes de la mort qui tailladent la chair, l’envie de tout arrêter. L’envie de taire l’ennui, l’envie de taire le cœur, l’envie de taire la vie. Tu sais j'ai mûrement réfléchi, et je sais vraiment pas quoi faire de toi.



Hier soir, j’ai voté la mort. Je me suis longuement concertée et dedans on était d’accord, toutes d’accord, pour une fois. La mort et qu’on n’en parle plus.



Bonjour. Je m’appelle Adèle. Adèle Trousseau. J’ai 28 ans et juste avant que vous n’arriviez je convervais avec ma pulsion de mort. Je suis née parasitée par un virus funèbre.



Vouloir mourir. Vouloir. Mais putain, bande de cons, vous ne voyez pas que c’est déjà fait ?



Le suicide, dans mon cas, n’est qu’une confirmation. Je ne suis pas faite pour vivre, je crois que c’est structurel. Je suis née amputée de toute pulsion de survie et de toute appétence. Juste du vide, en moi. Du vide et de l’ennui.



J’en appelle à la pulsion de mort. Celle qui vrombit et gronde, celle qui attire les mouches. Le souffle de la pulsion de mort, un courant si puissant, strangulation des voix éparpillées en miettes.



Si j’étais une saison je serais hiver de givre, si j’étais une musique je serais un drone funèbre, si j’étais un tombeau je ne pourrais qu’être mien.



Éden matin midi et soir.



Soufflez très fort sur la bougie et le vœu s’accomplit. Il est dit, un suicide toutes les 50 minutes, ce matin ça y est, c’est mon tour.



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Le Coeur synthétique

Quel étrange roman...

Je ne sais si je l’ai aimé ou pas mais en tout cas, j’ai bien ri !

Alors que ce roman est d’une tristesse infinie, je me suis pris des fous rires. Car si vous ouvrez ce livre, vous devrez choisir : déprimer ou rire de bon cœur.



L’histoire est donc triste à mourir. Adélaïde est obsédée par l’amour. Elle n’a jamais vécu seule, elle ne se sent exister que si elle est aimée. Fraîchement séparée, elle goûte pour la première fois à la solitude. Tous les clichés de la femme célibataire et malheureuse y passent, c’est peut-être tous ces clichés qui m’ont fait rire. Le 24 décembre, seule, sans famille, sans amis, sans amoureux, Adélaïde déprime et va s’acheter un chat... qu’elle baptisera... Perdition (son précédent chat s’appelait Xanax).

Adélaïde s’accroche et veut trouver un bon gars. Les copines préparent un philtre d’amour, Adélaïde prie Aphrodite, Adélaïde se met au vert et à l’épilation intégrale mais elle ne rencontre qu’un gay, qu’un homme qui bande mou et lui dit au lit « je t’aime mais je ne te désire pas », un autre qui est marié et lui aurait dit « je te désire mais je ne t’aime pas ». Ah qu’elle est compliquée la vie quand on cherche l’amour à quarante-six ans et qu’on se prend les statistiques en pleine figure.



Adélaïde cherchera l’amour ou cherchera à gérer sa vie et son célibat comme une grande féministe. Son travail d’attachée de presse dans une grande maison d’édition m’a beaucoup plu également. L’auteure y décrit l’envers du décors avec moult détails croustillants. Certains veulent à tout prix le Goncourt et d’autres comme Adélaïde veulent l’amour.



Les citations pleuvent sur Babelio et donnent une bonne représentation de ce livre. Je crois que je suis la seule à avoir tant ri mais bon, étant seule depuis des lustres, j’ai eu gentiment pitié de cette pauvre Adélaïde incapable de vivre seule.



« A l’heure de #metoo, Chloé Delaume écrit un roman drôle, poignant, et porté par une écriture magnifique. ».



C’est à peu près ça, et me voilà soulagée de trouver cet adjectif « drôle » sur la quatrième de couverture. Ouf.

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Le Coeur synthétique

Adélaïde n’a rien vu venir. Mais à quarante six ans, après une rupture amoureuse, elle découvre que sur le marché de la séduction, les années entrainent une décote rédhibitoire. Et pourtant entre la solitude peuplée des amies de toujours et la traque du prince charmant, le choix n’est pas cornélien. Il faudra donc un cortège de déceptions et de désillusions pour que cessent les parades amoureuses.





Adélaïde travaille dans une maison d’édition et c’est donc l’envers de ce décor que l’on découvre comme l’autre volet de la vie de l’héroïne. Intrigues, manipulations, exercice abusif de pouvoir, comme un peu partout, le milieu professionnel constitue un terreau fertile pour toutes les manigances et les luttes intestines. L’auteur dresse un portrait assez chargé de l’univers éditorial.



C’est écrit avec beaucoup d’humour et d’autodérision, surtout en ce qui concerne la première partie. La lecture en est ainsi très agréable et facile.



Mais en filigrane apparait l’importance de l’amitié, de la sororité, seules bouées de sauvetage et refuge sûr pour les femmes quel que soit leur âge. Les impératifs de la séduction ne sont finalement qu’un épisode dans la vie d’une femme qui ne trouvera de salut que dans les relations fortes et intemporelles avec ses comparses féminines.





Belle écriture et sujet fort, couronné par le prix Médicis 2020.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Dans ma maison sous terre

Dans ma maison sous terre, Chloé Delaume se penche une fois de plus sur le poids de ses souffrances et de son passé familial.



Auprès de son ami Théophile, elle passe son temps au cimetière à souhaiter la mort de sa grand mère, elle laisse entendre les voix des morts afin d’assembler des bouts de peau, des bouts d’âme, des bouts de malheur.



La plume de Chloe reste fidèle à ses traumas et sa sensibilité, d’une noirceur et profondeur sans précédent. L’orgie de ses mots en ébullition est une évidence. Ses pulsions de mort la conduisent à une émergence qui n’en finit pas : l’écriture ou la vie ? La vengeance ou le pardon ?



Les âmes meurtries qui n’en ont pas fini avec leurs cicatrices, je n’ai qu’un conseil, foncez lire Chloe Delaume. Elle parle avec ses tripes sans pincette et la mort guette sans relâche.
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Mes bien chères soeurs

Aurores sororales🌅👭

Insurrection féministe versus « couillidés» en perdition, il était vraiment temps d’aérer😊

Formidable Chloé Delaume. Si originale, vraie et malgré son parcours souvent scabreux, d’un d’optimisme communicatif et d’un enthousiasme revigorant.

Ce manifeste analyse la fin du patriarcat, la montée en puissance du féminisme et encourage à la sororité lien égalitaire et horizontal, comme arme absolue et éthique de vie faisant au passage des pieds de nez au conservatisme.

Ici, le féminisme est prescrit et décortiqué, le machisme démantibulé.

C’est vif, incisif, cash et sans compromission.

Son but: mobiliser dans la bienveillance sororale et le pacifisme pour que cesse cette infériorisation. Elle se livre à un exercice de style brillant et drôlissime malgré le sérieux du sujet, des statistiques à l’appui.

A l’ère du numérique le pouvoir digital écrase peu à peu tous les autres, permettant une immédiateté dans la solidarité. Le mâle alpha « ne contrôle plus rien à part la taille de sa barbe » il est « pris dans les fils de la Toile ».

Dans ce nouvel open space l’intime est à la fois privé et public, la cellule familiale se transforme et la maltraitance féminine s’expose.

Aux réseaux sociaux s’associe un journalisme féministe, la Toile devient dépositaire de témoignages salutaires.

L’auteure revient sur les quatre vagues féministes et leurs avancées dont la 4ème, actuelle, s’érige contre le sexisme.

Tout devient possible à l’ère du féminisme 2.0 où l’on balance son porc en un clic, on soutient en un like on informe en un tag et l’on répand l’information dans un « marc d’hastags » car « Internet a libéré la femme là où Moulinex a échoué »😆.

Tour d’horizon de la cause : des suffragettes au MLF en passant par viedemeuf.fr jusqu’aux fameux #balancetonporc et #metoo. La parole à portée de tous « l’équivalent de la rue derrière les écrans » malgré les dérives éventuelles de la délation.

-Sororité- « utiliser ce mot c’est modifier l’avenir » elle nous livre des propositions d’actions pour entretenir la déferlante et œuvrer « au-delà de l’écran et du clavier ». En prime un chant des partisanes.

Génial.

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Pauvre folle

Un livre totalement déroutant, et chose rare de ma part je peux dire que j'ai vraiment détesté, un véritable calvaire à lire, mais je suis allée jusqu'au bout, un grand ouf à la fin. Avant toute polémique cela reste mon ressenti, et vous laisse le découvrir. J'ai du passer à travers quelque chose.

Clothilde, entame, un long voyage en train pour essayer de reconstruire sa vie, tel un puzzle. Orpheline trés jeune, son côte psychique est atteint, elle vient d'être diagnostiquée bipolaire., une relation toxique avec Guillaume qui est gay .Une vie qui part en vrille, et moi aussi je me suis perdue dans l'histoire et impossible de me reconnecter.

Il ressort que des points négatifs de cette lecture, c'est vraiment difficile de faire un retour.
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Le Coeur synthétique

Ce livre et moi, c'est comme une rencontre sur Tinder qui vire à la désillusion : virtuellement, ça matchait, mais dans la réalité, plus du tout.

Adelaïde, Parisienne de 46 ans qui travaille dans l'Edition, vient de divorcer (à son initiative) et s'empresse de rechercher un nouvel homme dans sa vie. Las !, elle se rend vite compte que son âge la rend "invisible" et que le choix se restreint avec le temps. En plus, elle galère dans son boulot et dans son appartement riquiqui, mais heureusement qu'elle a ses copines pour tenir le coup.

Oh là là, mais où me suis-je embarquée ? Je voulais comprendre pourquoi certaines femmes sont si dépendantes du regard masculin pour se sentir exister, et j'ai subi la platitude consternante d'une quadragénaire de 15 ans d'âge mental, entourée de stéréotypes (la poétesse sorcière, la féministe lesbienne, la mère de famille au bord de la crise de nerfs...). Je n'ai ressenti aucune sympathie envers ces personnages, je n'ai pas ri, alors que ce roman est présenté comme émouvant et drôle -je me suis juste ennuyée.

Heureusement, il est court et se lit rapidement, même si l'alternance de présent/futur m'a parfois perturbée, et bien que sa construction m'ait semblé un peu déséquilibrée (pourquoi tant de pages consacrées à l'activité d'une maison d'édition et à ses différents auteurs ? Quoiqu'au final, ce sont ces pages qui m'ont le plus intéressée).

En ce qui concerne ce livre et moi, c'est donc l'histoire d'un rendez-vous manqué.
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Le Coeur synthétique

La nature humaine doit être cruelle: c'est toujours drôle, le malheur des autres.

Quand il est raconté avec humour.

Quand il est présenté avec talent.

Quand il est disséqué avec intelligence.

Et  quand il renvoie au vôtre, là, c'est encore meilleur!



J'ai ri! J'ai tellement ri! Rire de son malheur, ça fait avancer : on se regarde avec un oeil décapé, ironique,  on prend du champ, on s'émancipe, on se libère !



J'ai donc empathiquement souffert avec Adélaïde,  mais j'ai aussi souri de ses affres et dilemmes, ri de ses déboires et mésaventures. 



Pauvre Adélaïde Berthel, quadra-presque-quinqua qui a largué son compagnon avec qui elle commençait à trouver le temps long et les habitudes pesantes,  et qui se trouve brusquement devant le temps infiniment long et la monotonie terrifiante de la solitude...à un âge où retrouver chaussure à son pied n'est plus aussi facile ni délicieusement pimenté qu'au temps de la séduction triomphante des femmes, finalement bien court,  à l'en croire...



Pauvre Adélaïde Berthel qui n'a que 46 ans, quand même,  faut pas pousser, habite dans le Paris bobo et branché,  travaille dans l'édition, croule sous les bonnes -copines -inséparables- qui-se-disent-tout-et- ne se-laissent-jamais-tomber- !



Elles sont cinq, habitent dans un mouchoir de poche, se retrouvent aux mêmes fêtes, avec rails de coke sur le bord du lavabo ( plusieurs scènes, très cocasses), fréquentent les mêmes magasins bio ( une scène hilarante), vont aux mêmes vernissages. Fréquentent les mêmes bistrots, assistent aux mêmes représentations et projections..Seules les vacances les séparent de façon saisonnière.  



Bref, il y  a plus drastique et plus radical comme solitude, c'est moi qui vous le dis!. ..



On se délecte à  lire ce discours  de la solitude volontaire,  ce journal d'une quadra des villes sans l'ombre d'un quad-rat des champs à  l'horizon, à éprouver ce  vertige de l'amour ... manquant, à vivre cette chasse à  l'homme idéal-  ni pervers, ni narcissique, ni éjaculateur précoce, ni goujat, ni monomaniaque, ni obsédé sexuel-   homme idéal que dans ses rêves les plus fous Adélaïde a appelé Vladimir,( sans doute parce qu'Estragon ça faisait un peu culinaire), Vladimir qu'elle ATTEND comme ce dernier attendait Godot...



J'ajoute que la plume de Chloé Delaume est fine, imprévisible, virtuose. Rien en elle qui pèse ou qui pose,  dirait Verlaine.



La 3eme personne, la construction avec les variantes amusantes de ses conclusions de fin de chapitre, le rituel bobo parisien joyeusement égratigné ainsi que l'univers impitoyable des maisons d'éditions  à l'heure des prix littéraires ( une mise en abyme savoureuse, Chloé Delaume connaît bien ce microcosme, elle y travaille . .et le prix qui vient de la couronner n'est pas un des moins recherchés...), tout contribue à  créer les conditions idéales d'un recul ironique et d'une aimable satire.



D'une lecture plaisante.



 Mais pas que...Le livre est plus profond,, plus percutant, plus grave qu'il n'en a l'air.



Et si, à la façon d'un Perec, d'un Butor,  l'auteure s'amuse à imaginer des fins possibles, on sent bien vers laquelle elle penche, et ce qui émerge en définitive de cette quête harassante du Graal masculin: une sororité indéfectible, l'amitié,   seul îlot de solidité et de vraie tendresse dans le monde de brutes des relations amoureuses..



 Ce n'est pas moi qui la contredirai...
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Le Coeur synthétique

Adoré ce roman… jubilatoire, plein d'humour et d'auto-dérision alors que le sujet aborde une réalité sociale douloureuse… : la Solitude des Femmes…lorsqu'elles , comme notre anti-héroïne,Adélaïde, ne sont pas mariées, n'ont pas fondé de famille… qu'elles ont du mal à trouver « leur » place…et un véritable équilibre…Repenser un autre « Féminisme »… loin des anciens stéréotypes !



« Adélaïde consulte les statistiques. En France, 14 % des hommes en couple ont rencontré leur partenaire sur leur lieu de travail. 12 % d'une autre manière. 11 % dans une fête ou une soirée privée entre amis. 10 % sur leur lieu d'études. 10 % via un site ou une application de rencontre. 9 % dans un bar ou un restaurant. 7 % dans un bal, une fête publique. .............Adélaïde se demande ce que c'est, ces 12 % rencontrés d'une autre manière. Ce que ça laisse comme champ à part chez le boulanger ou peut-être le dealer. »



Un texte étonnant, percutant, mordant, caustique d'une presque quinqua…Adélaïde qui se sépare de son compagnon, Elias, au bout de quelques années… Libre, elle déchantera vite, constatant que la solitude la submerge violemment et frontalement !



Heureusement, Adélaïde est attachée de presse dans une maison d'édition, adore son métier, elle défend des livres, surtout des auteurs, les « chouchoute », les fait connaître… Ce qui nous vaut des morceaux savoureux sur le monde de l'édition et des parisiannismes…En sus de son métier très absorbant, Adélaïde a un groupe d'amies, fidèle...



Un style original, tonitruant, drôle et grinçant, à la fois, empreint aussi de tendresse et d'empathie pour le personnage central féminin, Adélaïde, pleine de vie et de vaillance, qui fonce, en dépit de ses doutes, de ses gros coups de bourdon, elle bouscule les chemins tout tracés , se bat pour se construire un équilibre personnel , une vie un tant soit peu harmonieuse, sans l'objectif obsessionnel qu'elle avait jusqu'alors du regard des hommes, des jeux de séduction ! !...



« Adélaïde adore Noël, mais hélas elle est orpheline. Elle n'a plus de couple, plus de famille, personne avec qui partager la dinde et ensuite ouvrir les cadeaux. Elle marche dans les rues et se dit : Mon coeur est un sac à sapin. (...) Pour la première fois de sa vie, elle n'a nulle part où se greffer. (...) C'est le 23 décembre, Adélaïde est seule et elle marche dans Paris pour faire semblant de vivre. (p. 83)”



Le style très efficace nous rend la solitude de la narratrice quasi palpable “physiquement” !!



« C'est comme ça qu'elle s'achève, l'histoire d'Adélaïde. Une communauté de filles, parce qu'il faut être lucide et toutes s'y préparer. Il y a plus de femmes que d'hommes et ils meurent en premier. À défaut d'être lesbienne, il faut être inventive.”



Un texte, reflet assez saisissant des rapports hommes-femmes, du célibat des uns et des autres…dont celui des femmes, moins facile à assumer, en dépit de l'évolution des mentalités!...



On assiste à l'évolution d'Adélaïde qui au début de l'histoire, fête ses 46 ans, anniversaire marqué par sa séparation d'avec Elias… elle continue à s'activer pour se remettre au plus vite en couple… Elle ne se voit pas autrement… et puis de désillusion en aventure inaboutie, elle trouve, chaque fois réconfort auprès de ses amies-femmes pour « apprivoiser son célibat »…et au final, c'est dans cette complicité, cette sororité qu'elle retrouve un sens à son nouveau statut de « Femme sans homme » , à sa vie de femme enfin autonome, existant enfin, en dehors du « regard des hommes »…



« Ainsi peut se poursuivre le parcours d'Adélaïde. Elle n'a besoin de personne, si ce n'est de ses amies. Seule la sororité est au centre de sa vie. Elle se consacre à son travail et devient une machine de guerre. Elle ne regrettera jamais rien, saura se satisfaire de son sort, ou mieux encore: l'optimiser. La solitude sera son habitacle naturel, sa liberté de mouvement, tout son écosystème. » (p. 192)



Un fort moment de lecture sur des thèmes qui nous prennent de plein fouet, nous interpelle toutes , et tous (d'ailleurs)… L'apprentissage d'une solitude positive, créative : ce n'est pas une mince affaire , dans une société où la normalité reste le couple, la famille…!!...Inventer de nouveaux schémas féminins de parcours de vie…Un texte passionnant, nous retranchant dans une succession de questionnements, de remises en cause, d'observations sociétales…



« Ca peut être ça aussi, le destin d'Adélaïde, elle a connu le couple, des décennies d'amour, s'est toujours ennuyée. Elle sera à jamais une femme célibataire, ce statut finira par la sécuriser. le célibat n'est pas du tout le mot solitude, pour qui sait le remplir autant que s'y déployer. Adélaïde Berthel, une femme comme un tas d'autres. Qui n'a pas besoin d'homme pour se sentir exister. (p. 192)



*****N.B: ajout le Jeudi 10 décembre 2020

l'ami harvard, ayant eu la gentillesse de me parler de la présence forte et convaincante de Chloé Delaume , dernièrement, à La Grande Librairie... j'ai été chercher sur Youtube..Je viens de réussir à écouter un morceau de l'émission... J'aime beaucoup une formule très juste de Chloé Delaume concernant "son coeur synthétique"...Une comédie où " on rit le coeur serré" !! . C'est exactement ce que j'ai ressenti: on rit... et en même temps, l'histoire d'Adélaïde prend aux tripes !... Un texte qui reste joyeux de par la formidable "déclaration d'amour" de notre "anti-héroïne" à sa bande d'amies, indéfectible !!
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Mes bien chères soeurs

Ah quel régal! Si tous les essais avaient cette allègre pertinence,   tous les pamphlets cette savoureuse impertinence et cette  provocation joyeuse,  tous les récits plus ou moins ouvertement  autobiographiques  cette distance,  cette élégance et cette renversante franchise!



Grâce au billet si convaincant  d' Afleurdelivres, j'ai passé un grand moment de jubilation! Merci à toi, Afleurdelivres,  Chloé Delaume, dont j'ignorais tout avant de lire son dernier opus couronné par le Médicis, c'est quelqu'un! Euh pardon, c'est quelqu'une!



Féminisons, féminisons, il en restera toujours quelque chose!



Ne laissons pas les couillidés nous voler le langage, notre arme ultime, en cette quatrième vague de révolution féministe! Ils ont déjà fait passer à la trappe pendant quatre siecles le mot sororité forgé par le savant, le réjouissant, le libre humaniste de la Renaissance , François Rabelais, alors que fraternité , de même irréprochable formation latine , a connu des siècles de gloire sans partage!  Ils nous soumettent encore, via la grammaire,  à des accords grammaticaux iniques- un contre mille, et c'est quand même le masculin qui l'emporte!-  Il y en a même eu pour trouver que #balancetonporc avait un relent nauséabond de délation rappelant la collaboration et les persécutions antisémites (!!) et  les mêmes,   sans craindre l'incohérence, pour défendre le porc, cet animal innocent ( et si peu casher pourtant)!



Tout cela, Chloé Delaume ne vous l'envoie pas dire!



Elle le dit, crûment,  franchement, sans mâcher ses mots, appelant une chatte une chatte et le sceptre du couillidé-Roi  menacé de guillotine,  une bite !  Experte en savoureux pastiches- celui  d'un poème de Rhénanes d'Apolinaire et un autre, parfaitement tordant ,  d'un sonnet à  Hélène de Ronsard m'ont fait frôler l'apoplexie!*- , impitoyable historienne de nos mentalités assujetties, et s'impliquant toujours personnellement  avec force, courage et sans le moindre apitoiement sur elle même, n'hésitant pas à nous lâcher quelques vérités bien senties tirées de sa propre experience - proprement terrible! -, Chloé Delaume,  oui, vraiment, c'est quelqu'une!



Mes bien chères soeurs, célébrons,  en la lisant,  notre sororité retrouvée ! Rendons à ce beau vocable  présence, efficience et chair, mes bien chères soeurs! Nous n' avons que trop attendu, hésité,  louvoyé. Dire c'est agir!



Sororisons donc, sororisons à fond les ballons, sororisons nous les unes les autres!



* je vous les ai glissés tous les deux dans mon choix de citations...à vous de les retrouver!
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Pauvre folle

L'histoire pourrait être terriblement banale : une jeune femme égrène dans le train qui l'emmène à Heidenfeld les souvenirs de ses amours passées, tout en attendant la fin du monde.



"Trop tard, chacun est au courant, alors elle se demande comment font toutes ses bouches pour prononcer encore sérieusement le mot Avenir.",





avec mélancolie, avec colère, avec désespoir, avec toute une gamme de sentiments négatifs. Décrit de cette façon, on a déjà perdu une partie des lecteurs potentiels. Mais voilà : c'est sans compter la magie qui imprègne chaque mot, chaque phrase de ce récit enchanteur.



Car tous ces malheurs, ces bleus à l'âme que ne manquent pas de générer un sentiment de tristesse, se transforment par le langage en un récit plein d'humour, de poésie, de joutes oratoires jubilatoires, qui font sourire, et parfois, même rire pour ce qu'il ose dire (je n'écouterai plus jamais Wannabe des Spice girls de la même façon !)



Le propos se permet même de devenir sérieux, faisant appel à la neurophysiologie :



"Ça vaut le coup d'attendre au mieux vaut-il tout de suite arrêter les conneries ? L'amygdale basolatérale et le cortex préfrontal dorsomédian s'apprêtaient à lancer le choix de l'évitement, quand une vague d'entêtement balaya à leur message. Ce qui se passait complètement au sein de son ciboulot, les neuroscientifiques n'en n'ont peut-être pas la clé."



Ce qui n'empêche pas Chloé Delaume d'aborder sans concession les thèmes porteurs de la littérature et de la vie en société de notre époque : #meetoo, sexualité, et statut de la femme.





C'est brillant, drôle, déjanté. Un vrai bonheur.



233 pages Seuil Août 2023
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Le Coeur synthétique

Adélaïde Berthel est une femme sans enfants, choix assumé, "pour ne pas être emmerdée". Elle est autonome, et pour la première fois de sa vie, elle a son appartement à elle, maintenant qu'elle vient de divorcer d'Elias.



Jusque là, lorsqu'Adélaïde quittait un homme, c'était toujours pour d'autres bras.



Cette fois, en partant, elle savait qu'elle renonçait au confort et à un certain niveau de vie, mais elle se veut seule et libre, désormais affranchie du carcan conjugal.



Maintenant, "Adélaïde est sûre que très bientôt quelqu'un va venir à sa rencontre. Adélaïde à tort. Si elle tirait les cartes, elle en serait informée."



"C'est l'histoire d'une fleur bleue qu'on trempe dans de l'acide. Adélaïde Berthel, c'est une femme comme une autre. Qui, à quarante-six ans, entend sonner le glas de ses rêves de jeune fille."



A mon avis :

Partant de ce constat qu'il y a plus de femmes que d'hommes et qu'ils meurent en premier, Chloé Delaume nous fait entrer dans la peau de l'une d'entre elle, qui décide de refaire sa vie à un âge où les statistiques ne lui donnent plus beaucoup d'espoir.



Elle nous fera vivre le renoncement progressif d'Adélaïde, du fait de ses nouvelles déceptions amoureuses ou du constat de la pauvreté des...



la suite sur mon blog :
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Le Coeur synthétique

Adélaïde Berthel, « une femme comme une autre » de quarante-six ans, vient de se séparer de son mari Elias. Elle essaie de retrouver l'amour, et, pourquoi pas, un nouveau mari. Elle est aidée dans ce projet par quatre amies intimes dont l'une pratique l'art de la sorcellerie. ● C'est une excellente surprise que ce livre auquel je suis venu à reculons (car je n'aime qu'avec parcimonie la littérature expérimentale que Chloé Delaume pratique d'habitude), et que je me suis décidé à lire grâce au prix Médicis. L'écriture est allègre et l'on suit avec un grand plaisir les mésaventures sentimentales d'Adélaïde, ainsi que ses démêlés avec le monde de l'édition auquel elle appartient en étant attaché de presse chez un grand éditeur parisien -- milieu très finement et comiquement décrit. ● Mais attention, ce « roman d'amour » cache un sous-texte très ironique, flaubertien. En prenant du recul par rapport à ses personnages, notamment Adélaïde, l'auteur s'amuse et nous amuse, ce qui est de plus en plus apparent à mesure que l'on chemine dans le roman, jusqu'à une fin formidable qui n'en est pas vraiment une. C'est délicieux. On se croirait dans un roman de Diderot revu par Flaubert. Ainsi elle écrit à propos d'Adélaïde (nom qui sonne bien XVIIIe) : « Ce qu'elle va devenir, difficile de trancher » : ne se croirait-on pas dans Jacques le fataliste ? Ou encore, à propos d'un des amants d'Adélaïde : « Nous l'appellerons Grégoire, c'est un joli prénom pas encore employé. » ● Ce roman plein d'humour m'a fait penser à un autre de la rentrée littéraire, que j'ai aussi beaucoup aimé : La Demoiselle à coeur ouvert de Lise Charles, lui aussi inspiré du XVIIIe siècle (Les Liaisons dangereuses). ● Un excellent moment de lecture, je conseille !
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Le Coeur synthétique

Obtenir un grand prix littéraire pendant le confinement était peut-être une chance. Le Cœur synthétique, prix Médicis 2020, a fait beaucoup parler de lui. On a pu en connaître un peu l’histoire, elle promettait d’être croustillante. Adélaïde vient de divorcer après sept ans de vie commune, un choix assumé sous prétexte que son quotidien conjugal était devenu ennuyeux. La jubilation d’une liberté retrouvée s’effacera vite devant l’appréhension d’un célibat solitaire. Car Adélaïde ne conçoit pas de vivre sans être en couple avec un homme.



Hélas, ceux-ci sont rares. Les chiffres sont implacables, les femmes sont plus nombreuses. Rien qu’à Paris, elles sont plusieurs milliers à ne pas trouver de compagnon. Sur le marché de la rencontre amoureuse, la concurrence est rude. A quarante-six ans, Adélaïde ne se sent plus compétitive… Un simple problème de marketing ?



Ce serait comme au bureau ? Adélaïde est attachée de presse dans une maison d’édition. Là aussi, la concurrence est rude pour arracher un prix littéraire, seule façon de colmater les pertes sur un marché où il est plus rentable de publier de la chick-lit que de la poésie expérimentale.



Le problème d’Adélaïde est éminemment féminin. Autour d’elle, on est intellectuel.le, progressiste, bobo, féministe, et elle-même ne se voit pas autrement. Son problème est qu’elle aime les hommes et que ses velléités identitaires se heurtent à des aspirations sentimentales et romantiques de midinette fleur bleue. Une fleur bleue coupée et recoupée, qui craint d’être bientôt fanée et séchée, et qui part en quête désespérée d’un prince charmant introuvable.



L’auteure – j’ai du mal avec autrice – raconte sur un ton badin les pérégrinations d’Adélaïde, dans sa vie privée comme dans sa vie professionnelle, deux univers dans lequel tout ce qu’elle subit est pathétique et en même temps désopilant. Car il faut de l’humour pour supporter les contrariétés et y faire face. Le roman n’est pas une autofiction, mais on imagine ce qui relie les deux femmes.



L’ouvrage ne se limite pas à une narration romanesque. La solitude, l’isolement, le repli sur soi sont mortifères. Pour y échapper en l’absence d’une vie en couple, Chloé Delaume suggère aux femmes la sororité, une « solidarité fraternelle » en petit groupe, conçue pour durer à la vie à la mort, cimentée au besoin par le partage d’un rituel secret plus ou moins métaphysique.



Chloé Delaume. C’est le nom sous lequel l’auteure de ce roman très agréable à lire a construit son identité de femme et d’artiste complète. Son écriture est superbe, tout en légèreté et en simplicité. Aucun artifice visible dans la construction ni dans le style. Les chapitres et les phrases semblent venir naturellement, comme lorsqu’on se raconte une histoire à soi-même. Le ton est libre, juste, cru s’il le faut. Un rythme musical semble se dégager du phrasé, court, et je me suis pris à prononcer silencieusement ma lecture, comme quand on lit de la poésie. Virtuosité spontanée ou travaillée ?



Après mon sentiment de lecteur, je tiens à donner mon ressenti d’homme, et tant pis si je n’ai pas la légitimité pour, tant pis s’il s’agit d’une appropriation culturelle déplacée, car comme homme, je suis tout ce qu’il y a de plus détestable : blanc, pédégé, sexagénaire (et plus), hétéro, marié depuis quatre décennies et j’en passe…



J’ai lu Le Cœur synthétique en voyeur, comme une chronique d’échecs féminins annoncés. Je me suis amusé des mésaventures d’Adélaïde… mais elles m’ont aussi attristé. On a beau être un homme, on peut faire preuve d’empathie. Et s’imaginer soi-même lâché tardivement sur le marché de la rencontre… Un dernier point, sur lequel je m’inscris en faux : de nos jours, les femmes ont la possibilité de rester jeunes et belles, compétitives donc, bien au-delà de quarante-six ans...



Et puis n’y a-t-il pas d’autre solution à l’ennui que la rupture ?


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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