26 févr. 2023
Rencontre en ligne Un endroit où aller du 13/02/2023 avec Céline Lapertot pour son roman "Les chemins dexil et de lumière" paru aux éditions Viviane Hamy.
Elle est interviewée par Nathalie Couderc.
Je suis ce que j'ai fait, je suis née quand j'ai tué.
Donnez-moi autre chose que de la souffrance.
Il n’y a rien de pire que le regard des hommes. Rien de pire que le fait de se sentir jugé, acculé à la justification, devoir sortir de soi des trésors d’intelligence pour parvenir à faire entendre sa petite voix jusqu’à cette masse informe qui n’a pas envie d’écouter. Il pense au juge d’Outreau. À sa pâleur morbide face aux questions de la commission d’enquête parlementaire, ses cernes si noirs qu’on pouvait y lire la liste de ses chagrins et de ses dépits. Il ne veut pas ressembler à ça. Il ne veut avouer sa défaite que s’il prouve qu’il est capable de se relever. C’est à ce prix que s’avoue une défaite, sinon, hors de question d’abdiquer. Ce trait de caractère-là, il le conçoit aussi chez Thibault.
Ma dignité, songe-t-il.
Qu’importe le reste, qu’importe tout, pourvu que je conserve ceci : ma dignité.
"Quiconque étouffe mes mots, je le tue."
"L'ami aime en tout temps; dans le malheur il devient frère".
La haine exige tellement moins de force que le pardon. (p159)
Roger savoure ce qu'il appelle sa pyramide ascensionnelle.
Après plusieurs belles années, habillé de sa robe de magistrat, la cage thoracique noircie par les strangulations des uns, les bébés congelés des autres, la maîtresse qui disparait, l'enfant qui n'est jamais rentré de son après-midi passé chez sa copine Chloé, il remise sa robe au placard, l'âme un peu sèche, pour se murer dans un costume gris clair, arpentant comme un fantôme les cages dorées du ministère de la justice place Vendôme.
On est aveugle à la beauté quand on la côtoie tous les jours
Crever de fatigue et de peur est une violence d’une douceur inouïe quand on a le sentiment de la vie, quand elle coule dans nos veines et qu’on mesure notre chance, quand on en a vu temps d’autres la gorge tranchée.
Comment font-elles, ces mères, pour couper leur cœur en une telle quantité de morceaux parfaitement identifiables. Un morceau pour la haine, un morceau pour l’espoir, un morceau pour l’amour. L’irréductible amour.
Ce qu'il ignore, mon père, c'est que désespérée, je ne le suis pas. (p115)