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Citations de Cécile Wajsbrot (56)


J'aimerais me reposer - mais le repos m'est-il donné ? Pas de bancs, pas de haltes, pas d'arrêts, le monde m'est subitement devenu étranger et je cours pour le fuir.
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Les chansons qu’on aime touchent plus encore lorsqu’elles prennent au dépourvu. Quand on ne choisit pas de les entendre, que le hasard décide à votre place. Lorsqu’une voix s’élève du fond du temps. P 10
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C'est cela, le narrateur autobiographique était un observateur installé dans sa barque scrutant la surface des eaux, souvent tranquille comme celle du lac, tandis que le narrateur fictionnel était un plongeur qui s'engouffrait dans les courants sous-marins et attrapait parfois un de ces poissons multicolores dont on croit qu'ils n'existent que dans les rêves. Et cette phrase de Virginia Woolf dans une lettre à Hugh Walpole qui m'avait tant troublée quand je l'avais lue la première fois, " je pense parfois que seule l'autobiographie relève de la littérature ; les romans sont les pelures que nous ôtons pour arriver enfin au cœur de ce qui est vous ou moi, rien d'autre", qui m'avait tant troublée parce que Virginia Woolf n'avait presque écrit que des romans, à quelques exceptions près dont ce texte magnifique , "A Sketch of the Past", une esquisse du passé, l'un des derniers, composé pendant la guerre, où elle se penchait sur son enfance tout en parlant du temps présent et où ce va-et-vient entre le présent et le passé donnait à son "je" une épaisseur, une consistance manquant souvent aux "je" autobiographiques parce qu'ils n'étaient que dans une dimension, celle du récit de l'événement, et que l'absence de distance, temporelle et narrative, liui conférait une fragilité, une précarité qui se sentait à la lecture et donnait l'impression, à mesure des pages, d'une désintégration.
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En repartant, j'ai vu une plaque, près d'un arbre, avec une inscription. Des gens avaient été fusillés là, sous l'Occupation, des résistants ou des otages, je ne sais plus. Et j'ai pensé voilà, une telle paix et un lieu de torture, au même endroit... Combien de fois passons-nous quelque part avec bonheur alors que, quelques jours ou quelques heures auparavant, quelqu'un y a souffert, qu'il s'est passé quelque chose...
Après avoir vu cet arbre dressé comme une conscience impitoyable, j'avais le sentiment que la paix était illusoire, que c'était l'arbre qui avait raison et que nous étions toujours menacés, d'une façon ou d'une autre, par le passé ou l'avenir.
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Je me tais comme vous, aurais-je pu leur dire si je l'avais osé, je me tais comme la France s'est tue quand, par dizaines de milliers, ses habitants ont été emmenés, par sa propre police, et sous ses propres lois, je me tais comme la France s'est tue, des années, des dizaines d'années après, ne faisant ses procès qu'à des hommes devenus des vieillards inspirant la pitié, instruisant des dossiers vieux de cinquante ou soixante ans, je me tais comme la France se tait, vous ignore comme la France m'ignorait et m'ignore toujours - moi, mais aussi tous les délaissés, isolés, rejetés, ceux qu'on appelle les sans-papiers, les clandestins, qui vivent en infraction, moi aussi j'ai vécu en infraction, mes papiers sont trompeurs, certes, je suis de nationalité française mais je me sens aussi peu française qu'eux, aussi peu sûre de votre pays, aussi fragile et pourchassée.
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Devant elles, c'était comme si je n'avais jamais appris à parler et d'ailleurs, je n'avais pas appris à parler car je ne parlais pas leur langue, ce mélange de légèreté et de certitudes, moi, je n'avais appris que la gravité, l'incertitude des immigrés, ceux qui n'ont pas de patrie car celle que leurs parents ont quittée n'existe plus tandis que celle où eux sont nés reste une terre étrangère où nulle racine ne prend.
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Les chansons sont faites pour les absents, les chansons sont des lettres qui restent sans réponse. Le poète hongrois. Toi. Ceux que nous avons côtoyés ou aimés, tous ces gens qui emplissaient nos vies continuent leur chemin loin de nous, peut-être dans une rue voisine, mais nous ne les voyons plus et nous les imaginons tels qu’ils étaient à l’époque sans penser que leur vie a changé ou qu’elle s’est simplement poursuivie, comme la nôtre. P 13
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Disparaître - ce mot m'a toujours plu. En lisant le journal - déjà - je m'attachais aux histoires où les gens ne laissent pas de traces et je me demandais : comment font-ils, comment tiennent-ils, car il ne suffit pas de disparaître, il faut continuer d’avoir disparu.
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Chacun est face à lui-même, seul, disait-il, et composer est une façon de briser la solitude, briser l'encerclement car notre solitude est cernée par ceux qui veulent à la fois s'emparer de nous et nous abandonner. C'est ce que je voulais traduire, la dialectique de l'encerclement et de l'abandon au sein de laquelle il n'y a pas de dialogue possible.
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Je travaillais sur des chantiers, j'aimais construire, et puis, sur les chantiers, on ne parle pas, sauf pour dire des choses utiles.
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J’essayais les visages, j’essayais de capter une essence, l’expression, croyais-je, finissait par se révéler ou plutôt, finissait par révéler quelque chose. Le portrait ne ressemblait pas forcément à la personne parce qu’il en constituait la quintessence. P 12
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Cécile Wajsbrot
Je faisais les mêmes choses que la veille et que les autres jours, courir, lire le journal, noter les événements mais tout me semblait vain, comme un quai de gare désaffectée, une plate-forme vide au grand large, les remparts dont je voulais m'entourer n'avaient aucune solidité, le monde était inhabité - il me manquait quelqu'un.
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"À quoi sert une chanson si on ne peut l'écouter dix, quinze fois de suite, si elle n'exprime pas ce qu'on ressent au moment où on l'entend, si elle n'exprime pas mieux qu'on ne le pourrait des choses enfouies ou à fleur de peau, une partie de notre vie ? De retour chez moi j'avais mis un refrain qui me taraudait, une sorte de confidence presque murmurée, once upon a time I was falling in love, now I am just falling apart - autrefois je tombais amoureuse, maintenant je tombe en morceaux. Je n'y peux rien. Totale éclipse du cœur. Rien faire d'autre qu'entendre cette chanson pour la centième fois, trop fort, me laisser submerger par l'orchestration, la voix rauque, et attendre. Attendre qu'il revienne, espérer. Ai-je jamais attendu ainsi ? Quelqu'un que je ne connais pas ? Je croyais avoir renoncé, m'être consacrée à l'art, faire de mon mieux, rendre mon travail unique, en tout cas repérable, voir des expositions, être en contact avec d'autres photographes en pensant toujours à l'art, au métier, atteindre un jour, peut-être, la célébrité, au moins une renommée. Je croyais avoir décidé de donner la priorité aux images et non à ma vie, je faisait des conférences sur l'histoire de la photo, je montrais les premiers reportages, le témoignage lointain de la guerre de Crimée, 1855, la tour de Malakoff prise par Langlois, un fort en ruine et une petite maison de bois qui semble dominer un paysage désertique, une plaine dévastée. Un télégraphe rudimentaire et des ciels retouchés, un ensemble présenté dans un panorama sur les Champs-Élysées - un panorama ? C'est une rotonde où sont exposées des photographies ou des dessins qui permettent de voir un paysage sur 360 degrés. Ou bien Roger Fenton, le photographe anglais apportant son lourd matériel en Crimée, toujours, et cette prise de vues intitulée Valley of the Shadow of Death, vallée de l'ombre de la mort, dont il existe deux versions, l'une où la route est encombrée de boulets de canon, l'autre où la route est vide et les boulets sur le bas-côté. Ont-ils été placés sur la route dans un deuxième temps, pour figurer la présence de la guerre - ainsi que le suggère Susan Sonntag dans une célèbre analyse - ou la photographie vide a-t-elle été prise avant l'autre, les boulets n'étant pas encore tombés ? L'ordre des photos , outre son importance historique, aiderait à déterminer si la photographie des boulets sur la route est une mise en scène - et du point de vue contemporain, une falsification - ou si le reportage montre une réalité. Il m'arrivait de poser ces questions devant un auditoire, et quand je les posais, de m'y intéresser, il m'arrivait de décrypter la fameuse photographie de la prise du Reichstag et du drapeau soviétique flottant sur Berlin, d'Evgueni Khadei, dont on sait aujourd'hui qu'elle ne fut pas spontanée, que le soldat s'y reprit à plusieurs fois pour monter et brandir le drapeau symbole de victoire. Je parlais de guerres que je n'avais pas connues, d'un matériel que je n'utilisais pas, au nom de l'Histoire et de la nécessaire connaissance du passé, mais devant cette ombre d'homme, rien ne tenait plus. Total Eclipse of the Heart, au milieu du refrain - Once upon a time I was falling in love - la pluie avait cessé. And now I am falling apart. Je retourne au café chaque matin en espérant qu'il reviendra. J'y suis à l'ouverture et je n'ose pas partir."
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La contemplation des oeuvres d’art nous aide à sortir de nous-mêmes, du cadre étroit de notre vie.
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Je croyais que vous n'aimiez pas l'air du temps.
Il y a l'air du temps et l'esprit du temps - il ne faut pas confondre. L'air du temps est une question de mode, le souffle qui balaie les rues, vous savez, à l'automne, quand les feuilles sèches sont dispersées par le vent - le bruit qu'elles font en effleurant les trottoirs, les chaussée, est celui de l'air du temps. Mais l'esprit, lui, demeure invisible, ou il faut scruter longtemps avant de l'apercevoir, à cette condition on peut le cerner et l'extraire, comme un objet précieux de fouilles archéologiques... Il est ce qui se dérobe et que vous cherchez inlassablement, jusqu'à ce que, un jour, il apparaisse dans l'évidence - car les choses les plus profondes sont aussi les plus simples.
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Tu ne peux pas savoir que ces paysages de destruction sans ruine sont à l'image de notre monde et des temps à venir, on croit reconnaître le danger, mais il prend un autre visage, à chaque fois, si bien que nous restons les yeux fixés sur le passé, hypnotisés par certaines formes, sans savoir en tirer la vraie leçon. Chaque époque se lit avec le regard de l'époque antérieure, parce que les gens mettent du temps à venir au pouvoir, parce qu'ils sont marqués par leur enfance ou par les évènements que leurs parents ont vécus, et c'est cela qu'ils ont à digérer, qu'ils mettent du temps à assimiler.
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- Après la guerre, un an après, un enfant a disparu.
- Et le bruit a couru, ce sont eux, toujours les mêmes, qui enlèvent les enfants pour fabriquer leur pain rituel, pour leurs cérémonies.
- Leur religion déicide.
- Un an après la guerre, c'est-à-dire l'extermination, eux qui formaient plus de la moitié de la population...
- Eux, c'est-à-dire nous, tu comprends ?
- N'étaient plus que quelques dizaines, ils avaient survécu et étaient revenus.
- Ils s'étaient réfugiés dans un bâtiment, au bord de la rivière, n'avaient pas eu le temps de retrouver une maison, une habitation, les quartiers détruits n'étaient pas encore reconstruits.
- C'est là qu'ils sont.
- Il faut leur faire payer.
- Et ils allèrent, fouillèrent la maison de fond en comble, nulle trace de l'enfant, bien sûr, et ils frappèrent, tuèrent, cherchèrent dans toute la ville - nulle trace de l'enfant, mais ce n'était plus l'enfant qu'ils cherchaient, c'était eux, leurs ennemis de toujours, les rares qui avaient échappé au massacre, les rares qui s'étaient obstinés à revenir, croyant encore à une patrie.
- Croyant à un avenir, mais l'avenir s'arrêta brutalement, quarante-deux morts et autant de blessés.
- Certes, ce n'était pas grand-chose au regard des six millions.
- Mais c'était après, et chaque mort désormais comptait double, chaque mort comptait dix, cent, mille.
- La police laissait faire.
- Et les cadavres furent jetés à la rivière.
- La rivière qui traverse la ville et qui passe presque au centre.
- Ils cherchèrent dans toute la ville, non pas l'enfant, mais les survivants, les soi-disants complices d'un enlèvement qui n'avait pas eu lieu, pour les éliminer.
- Certains, affolés, coururent vers la gare prendre le premier train.
- On les arrachait des wagons et des compartiments, on les jetait sur le quai.
- Dans la ville, il n'y en avait plus un seul.
- Plus un.
- L'enfant était revenu, entre-temps.
- Il avait fait une fugue.
- Cela arrive.
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Les voyages ne sont pas si faciles, pas aussi simples qu'on fait semblant de croire, chacun essaie de transporter son monde, de préserver sa vie et son identité, de s'entourer d'une protection invisible comme la mandorle des icônes, pour traverser, indemne, toutes les intempéries, et arriver exactement tel qu'il est parti, niant ainsi l'essence du voyage. Non, il n'était pas si simple de laisser, de quitter, et de s'abandonner à ce qui pouvait se produire.
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Chacun vit dans son univers, disait le maître. Ce n'est pas une fatalité mais une donnée de départ. On peut chercher à le quitter, on peut le refuser - on finit par être rattrapé.
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Ils ont beau protester, les uns, les autres, ils ont beau se révolter, la famille a le dernier mot comme un aimant puissant qui attire, quelle que soit la distance. Les nuages défilent, poussés par un vent marin, chaque rôle se construit, se consolide à mesure des années. Dans les familles, les fleuves coulent toujours dans la même direction, les affluents apportent les mêmes alluvions, chaque événement confirme une opinion et, quoi qu'on fasse le reste de sa vie, les dés sont jetés. Ah, l'amour des mères et des pères, vous nous faites par hasard ou par ennui, par goût de la vie, dites-vous, ou souci de vous prolonger, nous arrivons sans avoir rien demandé et voilà que, dépendants de votre bon vouloir, exposés comme il ne faudrait l'être que devant des saints, nous devenons les réceptacles, les projections, les illusions de reflets et de jeux de pouvoirs, les otages d'une guerre entre le père et la mère, entre des aspirations contradictoires, seuls nous cherchons désespérément un ancrage, quelqu'un qui accepterait ce que nous sommes alors que nous l'ignorons encore, quelqu'un qui ne nous voudrait pas à son image.
Après vouv vous dites déçus, contrariés, vouv vous êtes sacrifiés et pour quels résultats, mais qui vous l'a demandé, nous pèserions moins lourd sans votre sacrifice. Nous partons dans la vie, lestés de votre histoire, après cela, quelle chance d'arriver à bon port, au cours des tempêtes il faudra jeter quelques sacs, provisions inutiles, nous aurons l'impression de trahir, de lancer à la mer une part de vous-mêmes et une part de nous alors que c'est à ce prix seulement que nous ne serons pas submergés. Vous-mêmes, peut-être en avez-vous fait autant et nous, à notre tour, sans le vouloir, nous pèserons sur nos enfants avec le sentiment de faire tout pour eux.
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