J'ai tout de suite aimé cette maison.
À l'époque, pourtant, je n'avais pas d'idée très précise sur la façon de me loger.
J'avais besoin d'un lieu à moi que rendait nécessaire ma rupture récente avec Jean.
Une forme blanche agitée, les draps bouleversés. D'abord, dans l'ombre, contre sa paume ouverte, il a trouvé une chevelure si inattendue, si inhabituelle qu'il a jeté un cri. Et sans bouger, sans respirer, il hésite peut-être un quart de seconde de trop car la main d'Antoinette vient juste de trouver la lampe de chevet qui s'allume.
Au-dessus d'elle, il y a ce visage inconnu, mal rasé, un monstre ou quelque chose de ce genre. Alors, d'un seul coup, sans jeter un cri, comme un ressort qui se détend soudainement, si brusquement, si violemment (on dirait que lit est traversé d'une secousse sismique), elle saute à bas du lit et dans le saut qu'elle fait pour chasser d'elle draps et couvertures, sa chemise s'est relevé très haut, jusqu'au dessus de son ventre, et une bretelle qui glisse le long de son épaule laisse apparaître un sein.
Une seconde, une seconde seulement, Lazzo veut embrasser ce sein, enfouir son visage, son chagrin contre ce ventre, il sent, il sait qu'il va le faire, qu'il le fait, mais la chemise qui se remet en place emporte cette seconde.
Il a seulement pris la main d'Antoinette qui s'est assise sur le lit.
Ouf,
la bonne étape, le relais avant de s'élancer
vers d'autres lieux,
à portée de la main, en sortant de chez lui
la première maison de la rue Granchois,
avec sur sa façade, Vins-Liqueurs-Bois-
Charbon, le Bon-Coing, Maison Frachtou.
D'habitude, mais d'habitude ce n'est pas
neuf heures du matin, M. Frachtou est au
comptoir.
Sa femme, maigre et d'allure maladive,
s'occupe du bois. On dit qu'elle s'en va de la
poitrine, ce qui expliquerait qu'elle n'en ait pas.