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Citation de Charybde2


« Retour au réel par la case désastre ».
Ces sept mots pourraient être un résumé lapidaire de l’œuvre de l’écrivain de science-fiction Philip K. Dick, ainsi que des films et des séries télé qu’il a inspirés, de Blade Runner peu avant son décès en mars 1982 aux quatre saisons du Maître du Haut Château de janvier 2015 à novembre 2019.
Mais ce n’est que le titre de l’éditorial d’un numéro du Monde d’octobre 2008, alors qu’au coeur de nos sociétés occidentales explosent les bombes spéculatives des subprimes et autres crédits véreux, déposés auparavant dans les banques et les temples boursiers de la Terre.

« Confinement : un douloureux retour au réel ».
Tel est le titre d’un nouvel éditorial du Monde, daté de mars 2021 alors que se profile en France un troisième confinement… Cette accroche, telle tant d’autres dans les médias, rejoue encore et toujours le couplet du « retour au réel ». Avec cette fois, dans le rôle du désastre suscitant un réveil épouvantable, un virus aux très grandes facultés de mutation, source d’une épidémie planétaire aux conséquences inédites.

Dans ses plus de cent vingt nouvelles et quarante-cinq romans, Philip K. Dick n’a prédit ni la crise des subprimes ni celle du Covid-19. Littéralement, il n’a pas non plus « deviné » l’irruption de la notion d’Anthropocène depuis la toute fin du siècle dernier, puis la collapsologie et les théories de l’effondrement, largement partagées en France depuis l’essai de Pablo Servigne et de Raphaël Stevens en 2015. Dick, pourtant, aurait pu faire sien le titre de leur livre : Comment tout peut s’effondrer. Pour preuve : dès 1978, il a commis une conférence intitulée : « Comment construire un univers qui ne tombe pas en morceaux au bout de deux jours ». Il y avouait, comme en écho à sa capacité à raconter depuis déjà longtemps des histoires de collapse : « J’aime créer des univers qui tombent vraiment en morceaux au bout de deux jours. J’aime les voir se désagréger, et j’aime voir ce que font les personnages du roman lorsqu’ils sont confrontés à un tel problème. J’ai comme une secrète prédilection pour le chaos. » Dans la plupart de ses textes, les effondrements s’apparentent moins à des événements appréhendables rationnellement, évitables même, qu’à des décors permanents désormais impossibles à nier. Ils forment le contexte, nécessairement chaotique, avec lequel les êtres n’ont plus d’autre solution que de composer. Les causes de la catastrophe en ressortent neutralisées, oubliées donc, car mille fois moins cruciales que ses conséquences, vécues au quotidien par les personnages des textes de Dick, comme aujourd’hui nous vivons les effets du réchauffement climatique ou de la pandémie de Covid-19. Le roman ou la nouvelle qui mettent en scène le désastre deviennent alors des fables de toutes nos apocalypses, passées, en cours ou à venir. D’où ce sentiment, pour le lecteur de Dick, du caractère intemporel voire très actuel de ses descriptions du réel.
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