Je n'attends rien de vous: ni un retour, ni une correspondance, ni une revendication: mais vous portez encore du sang nasride, le seul sang nasride non contaminé qu'il y ait sur cette terre. Mes ancêtres ont fait Grenade, et c'est moi qui l'ai défaite; lisez sans hâte ces pages afin que vous sachiez de quelle façon. Mais si vous n'en avez pas le gôut, jetez-les à la mer ou jetez-les au feu: cela n'a pas d'importance, rien ne se perdra.
Nous donnons, par exemple, le nom de « vie normale » à ce que nous avons transformé en véritable immondice : à un leurre, à un appât, pour nous faire travailler, pour nous rendre dociles et gouvernables, pour nous faire fabriquer des armes et qu’il y ait des guerres et des gouvernants qui nous y conduisent ; qui y conduisent nos hommes, comme si les hommes étaient faits pour autre chose que les femmes. Nous nous sommes habitués à l’horreur, à la suite de milliers de générations d’enfants mystifiés qui, leur heure venue, mystifieront à leur tour leurs propres enfants. La vie est comme un luxe de la mort, une ferveur qui la précède ; la mort apparaît dès que de nouveaux êtres viennent au monde…
À pied vont mes soupirs
À pied vont mes soupirs
chemin de mon bien
Avant qu’ils n’arrivent
j’arriverai
Mon cœur avec des ailes
mes soupirs à pied
Tiens la porte ouverte
et ouverte l’âme aussi
Avant qu’ils n’arrivent
j’arriverai
Mon cœur a des ailes
mes soupirs vont à pied
(Traduit de l'espagnol par Colette Museur)