Citations de Aharon Appelfeld (434)
Quand on rencontre quelqu'un, c'est signe qu'on devait croiser son chemin, c'est signe que l'on va recevoir de lui quelque chose qui nous manquait. Il ne faut pas ignorer ces rencontres. Dans chacune d'elles est contenue la promesse d'une découverte.
Adam et Thomas
Dans le ghetto et les camps, j'avais vu des gens dans tout leur égoisme, leur bassesse, mais aussi dans leur générosité....
Ces instants rares ne faisaient pas qu' élever une lumière dans l'obscurité, ils ancraient en vous la foi en l'idée que l'homme n'est pas un insecte.
Nous devons accepter l’incompréhensible comme une part de nous-mêmes.
Chaque être qui a été sauvé pendant la guerre l'a été grâce à un homme qui, à l'heure d'un grand danger lui a tendu la main. Nous n'avons pas vu Dieu dans les camps mais nous y avons vu des justes.
La séparation entre les vivants et les morts est une séparation fictive. Le passage est plus simple que nous ne l'imaginons. C'est juste un changement de lieu, et le gravissement d'un degré.
Seul l'art a le pouvoir de sortir la souffrance de l'abîme.
- La peur n'est qu'une ombre. Si on abat l'arbre, il n'y a plus d'ombre.
Elle fut choqué par la métaphore :
- Je ne comprends pas!
- La peur n'est pas réelle, elle est imaginaire.
- Toi, tu n'as pas peur?
- Une nuit, je me suis dit : la peur est inutile, il faut l'ignorer. Depuis, elle ne m'embête plus.
Plus de cinquante ans passé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le coeur a beaucoup oublié, principalement des lieux, des dates, des noms de gens, et pourtant je ressens ces jours-là dans tout mon corps.
La mémoire a des racines profondément ancrées dans le corps. Il suffit parfois de l'odeur de la paille pourrie ou du cri d'un oiseau pour me transporter loin et à l'intérieur. Je dis à l'intérieur, bien que je n'aie pas encore trouvé de mots pour ces violentes tâches de mémoire.
La faim nous ramène à l'instinct, à la parole d'avant la parole. Celui qui vous a tendu un morceau de pain ou un peu d'eau alors que vous étiez effondré, terrassé par la faiblesse, la main qu'il a tendue, vous ne l'oublierez jamais.
Les gens de ma génération, en particulier ceux qui étaient enfants pendant la guerre, ont développé un rapport méfiant aux humains. Moi aussi, pendant la guerre, j'ai préféré la compagnie des objets et des animaux. Les humains sont imprévisibles. Un homme qui au premier regard a l'air posé et calme peut se révéler être un sauvage, voire un meurtrier.
Nous nous trompons toujours lorsqu’il s’agit des êtres qui nous sont vraiment chers.
Le fantasme penche le plus souvent vers le sentimental et le sublime.
Ce n’est pas la peine de parler, disaient ceux qui avaient été dans les camps. La parole ne permettra pas de mieux comprendre.
Une nuit j'entendis l'un des réfugiés dire : "il y a des horreurs dont il est interdit de parler.
Pourquo ?i s'étonna un autre réfugié.
Je ne peux pas t'expliquer.
Nous sommes obligés de tout raconter, afin que tout le monde sache ce que l'on nous a fait subir...
Si nous ne sommes pas témoins, qui témoignera ?
De toute façon, on ne nous croira pas.
Mordechaï n'avait pas terminé le lycée, ni étudié à l'université, mais les études au monastère avaient imprégné son âme. La vie là-bas l'avait orienté vers le peu et le nécessaire, et cette règle était toujours sienne : moins et encore moins de paroles. Comme si le péché originel était dissimulé dans les mots.
Les paroles convaincues agissent en secret et arrachent imperceptiblement les pousses fragiles plantées dans nos jardins secrets.
J’ai dit : « Je ne me souviens pas », et pourtant je me souviens de milliers de détails. Il suffit parfois de l’odeur d’un plat, de l’humidité des chaussures ou d’un bruit soudain pour me ramener au plus profond de la guerre, et il me semble alors qu’elle n’a pas pris fin, qu’elle s’est poursuivie à mon insu, et à présent que l’on m’a réveillé, je sais que depuis qu’elle a commencé elle n’a pas connu d’interruption.
Comment parler à nouveau une langue baignée de sang juif ? Ce dilemme, avec toute sa gravité, n'entama pas le sentiment que mon allemand n'était pas la langue des Allemands mais celle de ma mère. C'était clair : lorsque je la retrouverais, je lui parlerais dans la langue que je lui avais parlé depuis qu'elle m'avait nourri.
Vivre privé de livres équivaut à une mutilation.