« Cette boîte de conserve rouillée de métro a redémarré et je suis propulsé en avant. Mon visage entre directement en collision avec le cou bronzé et musclé du garçon. Je vais mourir d’humiliation. Sa main droite, sans lâcher son sac, me rattrape par l’épaule.
Enfin, je recouvre l’équilibre. De minuscules décharges électriques se dégagent de là où il m’a touché. Sa poigne était forte et assurée. Il ne m’aurait jamais laissé tomber.
— Désolé.
Je ris. Une odeur aquatique, propre, m’a suivie après la collision. Je détourne le visage. C’est presque douloureux de le regarder en face, surtout après ce qui vient de se produire. C’est comme si on était directement passés au rencard numéro trois.
Il lâche un rire en réponse. Profond. Les basses de sa voix font vibrer mes oreilles.
— Ah ! le vieux coup de « Oups ! les secousses m’ont fait perdre l’équilibre », hein ?
IL FLIRTE AVEC MOI !
Je prends une profonde inspiration et plante mes yeux dans les siens.
— La formule a fait ses preuves.
Je n’ose pas ciller. Il faut qu’il sache que je flirte aussi. »
« Contrairement à mes amis, je n’ai jamais cessé de croire aux contes de fées. Je ne les trouve ni bêtes ni illusoires. À un garçon queer qui se sent seul, ils semblent aussi vrais que le reste. Voire plus, puisque je contrôle l’histoire. En réalité, je suis un désastre. Je ne sais pas parler. Je ne parviens même pas à regarder dans les yeux les garçons qui me plaisent. Je ne contrôle rien. Mais dans les contes de fées, l’amour peut être aussi idéalisé que je le souhaite. Je peux être n’importe qui.
Quand je dessine, je suis moi. »
Cette sensation que je prenais pour de l'amour se dénoue tel un lacet de chaussure : en réalité, ce n'était qu'un coup de cœur à sens unique. L'amour, c'est réciproque.
Je nous imagine, Numéro 100 et moi, faisant du bénévolat à la clinique vétérinaire avec Elliot. Nous lavons des chiots entêtés, Numéro 100 m'éclaboussse alors qu'il sait que j'ai horreur d'être mouillé ! L'un des chiens abandonnés est si pataud et gentil, on est obligés de l'adopter. Nous allons tous les trois courir le long du lac, en finissant chaque fois chez Audrey's...
Je suis fière de ce petit garçon. Ce n’est pas facile pour nous de demander un truc de princesse, aussi cool soit-il. Avant, j’étais terrifiée de parler de trucs de conte de fées. Quand j’étais dans une boutique, que je voyais un article de princesse, je négociais longuement avec moi-même avant d’invoquer le courage de demander à l’avoir.
Why is it so much easier to execute someone else’s vision than to realize your own?
Évidemment, c'est un gay à chien, un pitre charmant, avec ses cheveux ébouriffés et son côté blagueur.
Chez les Summers, on est plutôt chat : indépendants, prudents, toujours prêts à déguerpir.
Ce n’est pas vraiment le carrosse qui se transforme en citrouille à l’heure fatidique, mais c’est un conte de fées gay, alors c’est normal qu’on soit un peu en retard.