« Enfants des rues. Jour après jour, mois après mois, la guerre crache par milliers. Telle une mer en furie larguant sans relâche de tout petits coquillages sur ses rives. Les orphelinats – il y en a trois douzaines ici, dans le ghetto – craquent de partout. Le nôtre aussi, après que le dernier mois nous a apporté trente nouvelles entrées… Et cependant : quand je marche dans les rues et que je vois les enfants mendier sur le trottoir, je ressens une profonde impuissance. Je me sens responsable de chaque injustice qui leur est faite. Et je ne peux rien faire de plus que leur caresser brièvement la tête. Moi, le grand Docteur. »
« Je dois jouer Sudha. Une jeune fleuriste. C’est un petit rôle, mais mademoiselle Esther a dit que Sudha ne doit pas porter pour rien ses petites clochettes aux pieds. Elle va m’apprendre une danse. (…) Madame Blimka a promis de me faire une robe. Mademoiselle Esther a juste décousu sa robe d’été. Sa plus belle robe, dont elle disait toujours qu’elle la porterait le jour où la guerre serait finie. »
Un garçon m’a dit en adieu : « Sans ce foyer, je ne saurais pas qu’il y a des gens honnêtes dans le monde et que l’on peut dire la vérité. Je ne saurais pas qu’il y a des lois justes dans le mondes ». Combien d’épaules courbées cette maison aurait pu redresser s’il n’était pas arrivé. Ce mois de septembre 1939. Et avec lui… barbelés, tessons de verre, menaces et fusils.
Enfants des rues. Jour après jour, mois après mois, la guerre les crache par milliers. Telle une mer en furie larguant sans relâche de tout petits coquillages sur ses rives. Les orphelinats – il y en a trois douzaines ici, dans le ghetto – craquent de partout.
« Mademoiselle Esther. Elle a dit un jour qu’elle voulait une belle vie, ni amusante, ni légère. Aider, être utile, être là pour les autres. C’est comme si avec son sourire elle voulait dire : ce qui est bien c’est d’aller au-delà de ses forces. »
« Dans le coin tranquille, une place se libère. Je vais là-bas, la (sa boîte souvenirs) pose doucement sur la table, dénoue le cordon… Une promenade du dimanche… Moi tenant la main de papa… Mon frère Aaron. Mon journal. Et elle… »
– (..) Elles ont de la visite.
– Regarde, Tola, je n’en ai pas, moi, dis-je en les déposant – l’un après l’autre – dans la boîte : Maman, Papa, Aaron… Ma famille de papier.