" La princesse Ilsée n’aimait que les miroirs et les fleurs. Ce n’étaient, dans tout le palais, que le reflet de corolles et de pétales ; de larges nénuphars baignaient, jour et nuit, dans l’eau de grands vases d’albâtre et c’était dans les hauts vestibules ornementés de marbre et de bronze vert, une éternelle veillée de calices et de feuilles rigides d’une humide pâleur. La princesse Ilsée n’avait jamais regardé ni les hommes ni les femmes ; elle se mirait dans les yeux de tous, comme dans une eau plus bleue et plus profonde et les prunelles de son peuple étaient pur elle autant de vivants et souriants miroirs. "
Extrait de La princesse au Sabbat.
Narkiss ne s'était jamais vu.
Si Narkiss avait pu contempler son image, il aurait vu le visage d'Isis et ses prêtres, qui voulaient gouverner par elle, redoutant l'heure où Narkiss se connaîtrait lui-même, retardaient de jour en jour le moment de la révélation.
Toute sa somptueuse existence se passait à se baigner, à se parfumer, à se peigner, à se parer, à se sourire à elle-même et à r^ver la robe nouvelle, l'attitude imprévue ou l'étoffe inconnue qui la distinguerait de la foule et la ferait différente des autres femmes.
Ses grands yeux couleur d'eau morte, sans rêve et sans pensée, brillaient sous ses belles paupières du terne éclat des pierres fausses.
Il n'était question que d'amours entre les hommes et les dieux ; des héros beaux comme l'aurore chevauchaient des dragons et traversaient les mers pour venir délivrer des nymphes aux yeux couleur de vagues.
Il avait d'Isis les larges yeux hallucinants, les immenses yeux aux prunelles de nuit où palpitent l'eau des sources et le feu des étoiles.