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EAN : 9782848769653
341 pages
Philippe Rey (06/10/2022)
3.75/5   16 notes
Résumé :
Une exploration aussi troublante que brillante sur ces vies que nous aurions menées si nous avions fait des choix différents

Dans Un (autre) toi, la libraire de la petite bourgade de Yewville se prend à imaginer ce qu'aurait pu être sa vie si ses résultats médiocres à l'examen de fin d'études ne l'avaient pas contrainte à sacrifier ses rêves d'indépendance, alors qu'à quelques pas de là, de retour dans la demeure familiale, une écrivaine accomplie est... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Je poursuis inlassablement mon cheminement dans l'immensité de la création littéraire de Joyce Carol Oates.
Un (autre) toi, dont le titre est la fidèle traduction du titre original, est un recueil de nouvelles parues dans des magazines et anthologies aux Etats-Unis, des nouvelles, pour la plupart d'entre elles, profondément inspirées de périodes de sa vie, de son enfance et de sa jeunesse à Lockport, petite ville de l'Etat de New York proche de la frontière canadienne et des chutes du Niagara, de son expérience d'enseignante à l'Université, puis d'autrice mondialement reconnue confrontée à de douloureuses séances d'interview ou de signature de livres et enfin des deuils successifs traversés suite aux décès de ses deux maris.
Joyce Carol Oates fait bien sûr, comme à son habitude, oeuvre d'imagination car celle-ci est toujours débordante, mais elle paraît ici donner beaucoup d'elle.
Un autre toi, c'est celle qu'elle aurait pu devenir si elle était restée à Lockport, c'est la confrontation avec une autre elle-même qui est devenue propriétaire d'une librairie d'occasion, ou encore avec celle qui occupe le poste de responsable de la bibliothèque de la ville où elle est venue recevoir un titre de docteur honoris causa et où elle rencontre ses lecteurs et de bien vieilles connaissances.
C'est aussi la professeur qui se remémore les formations de "creative writing" qu'elle dispensait, le plaisir qu'elle y prenait et les relations étroites qu'elle pouvait nouer avec certains de ces étudiants, une thématique récurrente reprise dans bon nombre de ces livres.
JCO regarde son passé, les bifurcations empruntées ; elle s'interroge avec acuité sur sa trajectoire, sur le fait de ne pas avoir eu d'enfants. Elle s'empare également du thème de la vieillesse, des couples vieillissants dont la vigilance et les facultés s'amoindrissent, et qui doivent s'appuyer l'un sur l'autre pour faire face et éviter les écueils. Certains sont sur une ligne de crête, à la lisière de la mort, ou confrontés à la perte de leur conjoint.
La mort traverse l'ensemble de ces textes, celle de la petite fille qui pense retrouver ses parents, ceux-ci ne la voyant pas puisque décédée, celle de l'adolescent dont les parents anéantis transforment leur maison en bunker isolé du reste du monde, celle du premier ministre à la tête tranchée, et enfin celle qui rôde en boucle, dans trois nouvelles qui déclinent la même situation se déroulant, avec des personnages différents, sur la terrasse d'un restaurant où a eu lieu / aura lieu un attentat.
Le gore et le gothique, les menaces écologiques et terroristes qui planent sur l'Amérique, sont bien présents en filigrane, sinon ce ne serait pas du JCO, mais c'est surtout l'émotion qui m'a paru sourdre au fil des pages, celle partagée avec une écrivaine de quatre-vingt cinq ans distillant des éclats de sa vie dans ces courts textes.

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Ce recueil de nouvelles plutôt très sombres relève du syndrome du survivant, tant on retrouve la part autobiographique à l'oeuvre chez une Joyce Carol Oates vieillissante.
Depuis la mort de son mari, ses derniers romans ainsi que ses nouvelles sont hantées par le thème de la mort du partenaire, de la désorientation du survivant et de la souffrance de la disparition.
"C'est ça. Il n'y a pas de mystère - c'est pour cette raison que ton mari gardait le silence, et pour cette raison qu'il s'est éloigné de toi. Il a succombé, il est mort.
Dans le morne petit parc hivernal où tu es debout au milieu d'une allée, un téléphone portable inutile entre les mains, cette certitude paralysante t'envahit du bout des orteils au sommet du crâne, grande vague qui cautérise alors même qu'elle oblitère".
Dans "Guide bleu", un couple vieillissant en voyage fait l'expérience de la mort, dans une ville désertée et sinistre qu'ils finissent par traverser en gondole comme un avant goût du Léthé.

Plusieurs nouvelles explorent les thèmes de la solitude, de la maladie, de la nostalgie et des regrets alors que d'autres témoignent d'expériences ratées liees à sa carrière universitaire ou à son métier d'écrivain.

Quelques récits se répondent précisément (Les amies, En attendant Kizer, Dernière interview) dans le décor d'un restaurant où se serait déroulé un attentat terroriste. On ressent de plus en plus une menace qui pèse, des angoisses irraisonnées qui font soudain irruption dans le quotidien. Il est question d'occasions ratées, de rendez-vous manqués, d'une angoisse sourde qu'on ne sait préciser. Cet attentat suicide, c'est aussi l'expression du malaise d'une société américaine incapable de gérer la violence qui fait des ravages dans la population, et plus précisément chez les jeunes hommes pour qui les armes à feu sont en accès libre.

Comme c'est souvent le cas dans les dernières oeuvres, l'auteure utilise beaucoup la seconde personne du singulier, peut-être pour accroître la complicité avec ses lecteurs, mais aussi sans doute pour s'interroger elle-même sur le déroulement de sa vie et sur les choix qu'elle aurait pu faire. le résultat est d' autant plus surprenant que les parenthèses abondent et que les mots en italique viennent appuyer le choix d'un mot. Si l'on peut approuver le procédé littéraire dans certains cas, comme dans "Respire" ou "Les impondérables", ces artifices littéraires alourdissent inutilement certaines nouvelles.

Grande admiratrice de l'oeuvre de Joyce Carol Oates, je ne peux cependant que reconnaître l'hétérogénéité de ce recueil qui peine à se renouveler, même si percent encore les fulgurances d'un talent bien particulier.
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Je découvre cette auteure dont je ne connaissais que le renom. Ce recueil regroupe quinze nouvelles déjà parues (certaines assez récemment) dans des magazines.
Bien sûr, certaines m'ont moins plu, d'autres m'ont enthousiasmée. Globalement, j'ai apprécié la créativité littéraire, la liberté dans le style, la variété des histoires, où règne souvent un climat d'instabilité, de doutes, de regrets. Certaines nouvelles se répondent avec une reprise des lieux, des personnages, mais vus sous un angle différent.
Parfois, le réel bascule dans le fantastique, les fins sont ouvertes, il y a des ellipses narratives qui m'ont un peu gênée.
Mais cette écrivaine mélange brillamment le prosaïque et la profondeur. Ses textes nous interrogent sur notre propre vie.
Ce qui me donne envie d'aller piocher à nouveau dans l' oeuvre immense de cette grande dame née en 1938.
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Une compilation de textes très sombres publiés par JCO dans différentes revues, périodiques. L'auteure me semble, comme habitée par la fin de toute chose. Il est difficile de faire un résumé de tous ces textes qui se caractérisent par leur noirceur. L'espoir semble vain et l'attente de la fin, longue à venir.
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Citations et extraits (29) Voir plus Ajouter une citation
C'est une erreur fréquente de mettre exagérément l'accent sur le côté "romantique" de l'artiste. En vérité, la plupart des artistes sont des individus bourgeois qui se soucient de leur confort, de leurs routines, de leur sécurité, de leur prochain repas, de leur statut social, de leurs finances... (p.291)
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Enfin – en réalité, la poésie surgissait de toi, telles des fleurs sauvages qui poussent à travers les orbites (vides) d’un crâne dans les bois. Des vers de poèmes aussi radieux que des gouttes de pluie. Que des glaçons qui fondent. Que les trilles aigus d’un oiseau. Tout comme l’amour, un mystère. Tout comme le mot mystère même – si proche de misère.Tombant amoureuse, puis en désamour. Puis de nouveau amoureuse. Tout cela avec le même homme, obligé de travailler dans une usine de radiateurs de Niagara Falls pour aider à maintenir à flot cette fichue librairie (comme il l’appelait avec une affection exaspérée) qui était ton premier amour.
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Cette fille ne savait rien de la peur d’être enceinte que l’on ressent quand ce n’est pas le bon moment pour être enceinte. Cette fille n’avait pas pleuré dans les bras d’un homme en espérant le persuader de l’épouser même si (devinait-elle) il ne l’aimait pas vraiment, tout comme elle ne l’aimait pas vraiment non plus. Aussi libre qu’un enfant dans un lieu autre que Yewville, où elle aurait été retenue aussi sûrement captive qu’un insecte dans une toile d’araignée élaborée, cette fille s’était mise à écrire pour de bon durant ses premières années d’université : poésie, fictions courtes, romans.
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Quand les mots "soins palliatifs" sont prononcés, on le reconnaît enfin - c'est sans espoir.
Sans espoir. Ces mots sont obscènes, indicibles. Être sans espoir, c'est être sans avenir. Pire, c'est reconnaître que vous êtes sans avenir - que vous avez "baissé les bras". (p.211)
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T’attendant au pire. Finissant par te persuader d’accepter l’échec – la défaite. Tu n’avais probablement pas réussi l’examen aussi bien que tu l’avais espéré, il était tout à fait raisonnable de s’y attendre.Et c’était le cas : ton résultat avait été au-dessus de la moyenne, mais pas exceptionnel. D’autres élèves de ta classe, qui ne t’étaient clairement pas supérieurs, avaient fait mieux. Pour toi, c’était un sujet de honte, un outrage, injuste et pourtant irrévocable. Tu avais eu ta chance – ce matin-là. Et à présent, ce matin était passé.
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Vidéo de Joyce Carol Oates
Après seize ans de négociations, le réalisateur Stig Björkman a convaincu Joyce Carol Oates, 85 ans, de lui ouvrir les portes de son univers. Portrait sensible de l’immense romancière, inlassable exploratrice de la psyché noire de l'Amérique.
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