Qui mieux que le chef cuisinier d'une prison a le pouvoir de maîtriser une émeute ?
Les assiettes, qu'elles soient garnies d'un brouet infâme ou remplies de mets délicats sauront d'avantage parler aux ventres des 1600 prisonniers que les orateurs les plus brillants !
Mais, le cuistot, détenteur d'un tel pouvoir, ne risque t-il pas de se laisser griser et de devenir un véritable tyran ?
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Je m'attendais à autre chose car l'idée que la cuisine du "chef" conditionne l'ambiance de la prison me plaisait bien et la 4e de converture comme le titre semblaient y amener. En fait, il n'y a que quelques pages sur ce thème. le roman se centre bien sur le cuisinier de 60 ans, qui se révèle grand baiseur puis tueur de femmes, mais on le le voit jamais dans la prison. Mis au chômage technique par une rébellion de prisonniers, il observe ses effets depuis sa maison, se plaint des saccages de son jardin, en profite pour se faire un peu d'argent en faisant payer l'entrée aux journalistes, se tape une vierge nymphomane de 50 ans (il n'y a qu'un romancier homme pour oser ce personnage improbable...) puis gagne sa célébrité au Jt et son renvoi en balançant des vérités. J'ai lu en diagonale une bonne partie, j'ai trouvé les scènes répétitives, une intrigue qui fait du surplace, à moins d'aimer les histoires d'obsédés...
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" Si elle savait, Suzan, ce qui se passe dans mes cuisines. Je prends un bac à cuisson, mettons pour cent rations. Je verse dedans vingt kilos de mauvais riz blanc, ni rond, ni long, on dirait du concassé, j'ajoute quarante litres d'eau, je ne mets ni sel ni laurier, rien! Je couvre et je règle la cuisson à petit feu. Quand le riz a absorbé l'eau, le bac est plein d'un ciment blanc de bel aspect, gonflé, presque brillant. Je goûte éventuellement. Ici et là un caillou passe sous la dent, mais dans la bouche on a un goût de riz pur, brut, pâteux et dur à la fois, ce n'est pas mauvais, ce n'est pas insultant au palais, c'est neutre, c'est mangeable. Trois navets cuits à l'eau à côté, le repas est prêt. Les mauvais jours j'en reste là. Les mauvais jours sont les jours de ma mauvaise humeur, de mon ressentiment envers l'humanité dont j'ai ici, à Strangeways, une vue non pas déformante mais grossissante. C'est comme si je voyais le monde au microscope: les haines, les petitesses, les méchancetés, les saloperies, les mises à mort, les amours, les amitiés, l'honneur, la solidarité, la peur, le pouvoir, tout est net, clair, distinct, c'en est pathétiquement juste. Je n'ajoute donc pas de sel ni de laurier ni de sauce tomate ni de viande hachée, je suis une pierre, je veux que leur ventre devienne une pierre, je veux qu'ils chient des cailloux. Et je m'entête ainsi plusieurs jours dans la même gamme: riz, pâtes, pommes de terre, pâtes, pommes de terre, pâtes, pommes de terre, riz. Si ma bonne humeur revient entre-temps, je tâche malgré tout de mener à bien mon programme. Je peux également prendre mes bacs à cuisson, y cuire un jour des pois cassés, le lendemain des choux-fleurs, le surlendemain des flageolets, et le quatrième jour des topinambours, la congélation autorise en toute saison je jouer une gamme homogène qui produit les mêmes effets. Je ne manque pas d'ajouter du laurier, du sel, du poivre, parfois des gros oignons, de la margarine et des saucisses de ma confection. Le goût est flatteur, c'est assaisonné, c'est parfumé. Les gamelles sont vidées, mais après sept ou huit repas de ce genre, les intestins parlent, comme on le dit des armes. Ça gargouille, ça rote, ça pète, ça pétarade à l'échelle de mille six cents détenus enfermés dans le même lieu. L'air résonne à Strangeways de millions de pets, brefs, longs, graves, aigus, simples, en mitraille, secs, liquides, c'est une canonnade de tous calibres, c'est la guerre, l'air, sonore, se charge d'effluves de gaz intestinaux qui empestent de manière invisible, insaisissable et irrépressible les coursives et les cellules de la prison. Je sais la complaisance des taulards pour ce mode d'expression tonitruant, les jours heureux où mon humeur est bouffonne et farcesque, j'aime ainsi me servir des entrailles des détenus pour rendre aux matons l'atmosphère inaudible et irrespirable, qu'ils aient le sentiment d'avoir la tête enfouie dans les fonds brumeux des pantalons de leurs prisonniers. "
pp 120-122
Dans le corridor jadis emprunté par les condamnés à mort, on peut lire leurs noms gravés dans la pierre, minuscules, majuscules, écriture d'imprimerie, écriture gothique même, un geste inutile, ridicule, c'est un vrai bottin des pendus. Ce que j'aime les murs de cette prison, vieille peau de crasse et de douleur, avec cette odeur de crésyl qui flotte partout, jusque dans les cuisines, pour désinfecter le temps qui pourrit.
À sentir ses mains qui me malaxaient la nuque et qui me décoiffaient, à voir sa gorge blanche qui s'offrait, palpitante, et sa tête qui disait non avec une telle énergie que ses lunettes de myope quittèrent son nez pour aller se perdre dans les replis du sofa vert anis, je retrouvais entre les cuisses dénudées de Louise une dernière jeunesse.
Le mode a commencé en jardin ! Les jardins honorent les morts, apaisent les vivants, le monde finira dans un jardin !
(page 332)
Acheté par hasard dans un vide grenier !
Je ne regrette pas, histoire loufoque
Une écriture très plaisante
Un gout particulier pour le sexe, qui n'est pas sans me déplaire.
Un rapprochement avec Arto Paassalina dans la façon de traiter l'histoire
Une pure merveille, je vous le recommande
« Éditeur en marchant, écrivain en courant »
Avec Justine Lévy, Marie Modiano & Peter von Poehl, Éric Reinhardt, Anne Plantagenet, Isabelle Jarry, Teresa Cremisi, Capucine Ruat, nicole Lapierre, Jean-Louis Fournier...
Animation : Sandrine Treiner
Jean-Marc Roberts fut l'une des figures les plus flamboyantes des lettres françaises. Écrivain précoce, il publie son premier roman à dix-sept ans et découvre alors ce que sera sa vie : se mettre au service des auteurs et des livres. Immense découvreur de talents, il insufflera à la littérature audace et élégance, ne se souciant jamais de la bien-pensance. Pas de ligne éditoriale, plutôt un air de famille joyeusement recomposée qui lui ressemble. Il publie notamment Vassilis Alexakis, Didier Decoin, Christine Angot, Erik Orsenna, et aussi Nina Bouraoui, Philippe Claudel, Aurélie Filippetti, Jean-Louis Fournier, Brigitte Giraud, Luc Lang, Justine Lévy, Eric Reinhardt, François Taillandier…
À l'occasion du 70e anniversaire de sa naissance, cette soirée composera un portrait à son image, vivant et éclectique. Il y sera question de music-hall, de football et de cinéma, de Michel Piccoli et de Nathalie Baye, d'une petite femme et d'un père américain, des émissions de Jacques Chancel, Bernard Pivot et Pierre Desproges, de Hervé Guibert et de Jean Cayrol, de poker, de variétés française et italienne… et bien sûr de fêter la littérature.
À lire – Collectif, sous la direction de Capucine Ruat, “Je vous ai lu cette nuit”. Hommage à Jean-Marc Roberts, Albin Michel, 2023.
Son par William Lopez
Lumière par Iris Feix
Direction technique par Guillaume Parra
Captation par Claire Jarlan
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