Amélie Antoine fait partie de ces autrices dont j'apprécie l'âpreté de la plume, les sujets qu'elle explore. J'ai le sentiment en la lisant, de découvrir une histoire banale, mais néanmoins sombre, qui peut arriver au sein de chaque famille et à chacun d'entre nous.
Après
Pourquoi tu pleures ? Je pensais qu'elle avait poussé l'exploration à son paroxysme, mais c'est sans compter les histoires bien glauques qu'elle nous réserve.
Un enfant sans histoire(s) est diablement bien construit, la psychologie des personnages est finement détaillée, même celle des enfants, qui pourrait l'être moins, car en tant qu'adulte, nous perdons notre part enfantine… Mais pas
Amélie Antoine, qui nous invite aux côtés de cette famille, tout ce qu'il y a de plus ordinaire.
Une maman un brin inquiète et surprotectrice, qui a fait le choix de s'occuper de ses enfants, un papa qui semble prendre les choses trop à la légère, auteur qui plus est, deux charmants enfants, Vadim, enfant adopté, un brin rêveur, mais avec les pieds bien sur terre, qui se pose pas mal de question sur son adoption… Son petit frère, l'enfant que personne n'attendait. Une famille heureuse, dans laquelle tout est organisé à la perfection. Mais voilà, Vadim, sensible, et en pleine quête identitaire, s'invente un grand frère… Volodya qui prend de plus en plus de place…
A partir d'une chose toute à fait banale, nous assistons à la lente déflagration de la famille et même si on sait dès le départ qu'un drame est arrivé, on ne se doute qu'à la toute fin du final prévu !
Amélie Antoine, perd son lecteur en le poussant à tergiverser, partir vers telle ou telle piste pour finalement devoir l'abandonner…
On sent que le final sera atroce, et pourtant on a envie de continuer pour savoir et c'est toute la force de l'auteure de maintenir une tension extrême, jusqu'à atteindre son paroxysme, une lecture en apnée, qui nécessite que l'on reprenne sa respiration.
Le final arrive et là… Je vous invite à le lire pour découvrir ce qu'
Amélie Antoine a prévu de faire à ses personnages dont la réalité est bien trop palpable pour ne pas se demander si un tel fait divers ne s'est pas déjà passé ailleurs que dans l'esprit tordu de son auteure…
Au-delà de l'intrigue, j'ai apprécié les insinuations glissées sur la place des parents, la manière dont les professionnels de l'enfance, notamment ici le pédopsychologue, prennent de haut les parents en minimisant leurs inquiétudes… Et si au départ le père relativise, les faits vont l'obliger à chercher des réponses, tout en devant être un soutien pour sa famille, et sa femme anxieuse (mais en même temps, j'aimerais bien voir ces professionnels faire face à ce que cette maman a vécu et supporter…)
Je ne peux divulguer le sujet, mais j'ai adoré l'entretien que le papa a avec son éditeur. Je l'ai trouvé édifiant ! Et j'avoue qu'il est difficile de ne pas sentir le vécu derrière…
Une intrigue d'une rare finesse, à la construction psychologique incroyable, portée par une plume rugueuse, âpre, sans fioritures et pourtant percutante, à la tension palpable jusqu'au final qui laisse sans voix. Un roman choral où chaque personnage donne son point de vue. Tout est millimétré,
Amélie Antoine, comme un joueur d'échec, place les pions jusqu'à la nuit du drame…
Un livre marquant et à découvrir !
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