Camille, muse de Claude Monet –
Alain Yvars*****
lecture printemps – été 2023
Ce que le peintre passionné donne à la peinture, elle le lui rend au centuple : amour immense, construit jour après jour et nourri d'autant de joies que de douleurs, de passion brûlante, désespérante et vitale et la récompense, bonus souvent absent au rendez-vous.
Claude Monet, l'Impressionnisme, l'époque pendant ces années du XIXe siècle, un rare sens de l'amitié ne demeurent plus inconnus pour ceux qui aiment la peinture dans ce qu'elle a de plus miraculeux : à chaque regard elle se dévoile autrement, nous offre du nouveau, une découverte inespérée, un petit détail surpris d'avoir été déniché si tard, à chaque fois un émerveillement.
L'oeil d'
Alain Yvars, peintre lui-même, nous invite et nous accueille dans la vie de Claude Monet pendant quelques années de sa jeunesse qu'il avait vécues à côté de Camille, sa femme, sa muse, son appui, dans des moments de tendresse, d'exaltation et d'abîme. Les grands peintres de l'époque sont tous présents, en tant qu'amis, copains, camarades de galère ou partageant la joie, et Camille les réunit par une touche délicate, très précieuse. Elle est sensible, fidèle, inspiratrice, toujours là, devinant l'exigence du moment et offrant la tendresse, les paroles, l'encouragement, l'éclat et le souffle que son mari et peintre génial ne savait pas toujours demander ou apprécier mais dont il se sentait comblé.
La construction que
Alain Yvars nous propose pour ces années de lumière, de combat, d'enthousiasme, d'espoir et d'échecs est celle d'un cercle qui contient en lui-même son début et sa fin, source et infini, l'éternel retour, le temps en cycles permanents. le début du roman est une fin et sa fin un nouveau commencement, et de la première page à la toute dernière Camille est esprit nourricier, présence presque éthérée, impalpable, fugitive, essence dont avait besoin l'esprit fougueux du jeune Monet.
Les chapitres marquent l'histoire de Claude Monet et Camille comme des mémentos sensibles, sensations, impressions, parfums, éclats de lumière, souvenirs , notes de l'éphémère à attraper au vol, commencement et épilogue, et l'« adieu » de la fin arrive comme pour annoncer la continuation, toujours sans fin.
Camille est un moment de lecture de grande finesse qu'
Alain Yvars nous offre avec l'oeil du peintre et la passion du coeur, pour les avertis comme pour les débutants ou les novices. Les pages décrivant les sensations, l'impression, la lumière, la vibration et qui reviennent d'une manière presque obsessionnelle dans le travail de Claude Monet, ont la richesse et l'exaltation des moments que j'ai passés devant des toiles que je connais bien et que je découvre à chaque instant, ces pages sont en même temps une belle et inspirante leçon de peinture. La qualité remarquable des reproductions complète le bonheur de la lecture par une visite au musée où chaque touche et couleur se dévoile généreusement sans la pression de la foule ni du temps.
Quand il parle de la peinture,
Alain Yvars est complètement dedans, et en sort pour partager avec son lecteur ce nouveau langage pictural, lui faire reconnaître la composition, les coups de pinceau, les couleurs et leur harmonieux agencement :
« une conception nouvelle du plein air : vision spontanée, capture des changements de lumière et d'atmosphère au fur et à mesure de l'avancement de la journée, juxtaposition de couleurs vives sans mélange en touches larges posées librement, sans contrainte. Leur technique pour rendre les effets miroitants de l'eau, ses scintillements, sa mobilité incessante les oblige à adapter constamment la touche : virgules, points, taches. Les couleurs s'interpénètrent, s'entremêlent avec le ciel, les pontons, les barques. Leurs oeuvres présentent un aspect inachevé qui les satisfait. » p.60
Camile c'est un livre sur la peinture de Monet et la peinture impressionniste qui prend naissance chaque jour, vibre, respire, s'émeut, se libère du leste de la "perfection" mal comprise, elle a la beauté de la vie et de toutes ses imperfections :
« La lumière avait jailli de la palette. Une révélation ! Il venait de faire connaissance avec la peinture de l'instantanéité, de la fugacité des choses, de la brièveté du temps. En quelques jours il avait compris la nature et appris à l'aimer. Il était devenu peintre à dix-sept ans.. » p.65
En léger retrait,
Alain Yvars observe, relate faits, événements, s'approche de Camille sans toucher ou à peine effleurer le voile qui nous sépare d'elle mais nous fait partager son parfum délicat de mimosa. Camille reste plutôt inconnue dans les archives, mais dans le livre elle ressort comme La Muse, comme passion, soutien, énergie, vitalité, Amour, tout ce qui alimente et fait jaillir la création.
La présence de Camille, un croquis, inachevé, en train de se faire, une aquarelle lumineuse et fragile, elle écoute, absorbe et se délecte comme moi lectrice à écouter Monet parler de la couleur : « une couleur simple est plus intense qu'une teinte composée. Une touche de bleu et une touche de rouge, posées pures près l'une de l'autre, donnent un violet. Il faut regarder le tableau à bonne distance pour que le mélange des tons s'effectue dans l'oeil du spectateur, la rétine réalisant le travail de recomposition. » p.68. «La sensation. Elle est essentielle dans la peinture, loin devant la forme, la matière, la description » p. 69
Le succès, les déceptions, l'amour, l'exaltation font partie du mouvement dont se définit la vie et nos sens s'éveillent à chaque fois touchés par une nouvelle sensation. Camille, muse, femme, mère, soutien, force vitale, elle est l'inspiration, la source, lui c'est la création, le fleuve.
A la fin du livre l'interrogation de Monet, et de nous tous d'ailleurs, le bonheur est-il éphémère ? a une réponse pour le moins évidente, Monet a cherché cet éphémère dans un éclat de lumière l'espace d'un moment... et sa peinture continue de vivre avec ses éclats.
Merci encore une fois, Alain, pour le bonheur que j'ai connu dans la lecture et la relecture de ton livre à côté de Camille et de Claude Monet.