C'est parce que j'ai adoré "
Consolée" que je n'ai pas hésité à emprunter le premier roman de
Beata Umubyeyi Mairesse lors de ma dernière visite à la bibliothèque. Sans être un coup de coeur comme "
Consolée", je garderai quand même un très très bon souvenir de "
Tous tes enfants dispersés".
On suit tour à tour trois personnages, de trois générations différentes : Immaculata, Blanche et Stokely. En plus de faire partie de la même famille, c'est l'histoire du Rwanda qui les relie (génocide des Tsuti et guerres civiles), que l'on perçoit donc de trois points de vue différents, chacun l'ayant vécue différemment.
Immaculata est Tutsi. Elle a deux enfants, Blanche et Bosco, la première d'un père Blanc, le second d'un père Hutu. Elle a vécu la guerre, soit en prison, soit cachée dans la cave d'un libraire et voisin Hutu. Elle a perdu quasiment tous les membres de sa famille, tués dans le génocide. Elle a passé un certain temps après coup à rassembler tous leurs ossements afin de leur offrir une fin plus "digne". Mais les drames n'en ont pas fini avec elle, elle en perdra l'usage de la parole et se réfugiera un peu plus dans le silence...
Alors que son fils a fugué pour s'enrôler dans l'armée, elle enverra Blanche auprès de son père, en France, avant les terribles événements rwandais. Elle espère pour sa fille une vie plus occidentale, loin de la guerre. Si cette dernière n'en oublie pas ses racines, c'est en France qu'elle restera, elle finira ses études et rencontrera le père de son fils, Stokely. L'éloignement de son pays natal et des siens, ainsi que les non-dits, les secrets et enfin les silences d'Immaculata, appuieront davantage le rejet dont Blanche s'est toujours sentie victime...
Stokely, quant à lui, parce qu'il a un problème de santé, ne peut visiter le pays natal de sa mère. C'est donc sa grand-mère, avec qui les liens sont très forts, qui viendra à lui. C'est avec lui qu'Immaculata prononcera les premiers mots tus depuis si longtemps, c'est ainsi qu'il commencera à s'intéresser à l'histoire du Rwanda...
Immaculata a les deux pieds au Rwanda, Blanche n'en a plus qu'un seul et Stokely aucun. L'histoire familiale de chacun est la même, mais racontée dans trois perspectives différentes. C'est fort, intense, parfois douloureux, tant par les événements que par les relations entre les protagonistes. Un peu comme un roman choral, tantôt narré à la première personne, tantôt à la troisième,
Beata Umubyeyi Mairesse nous plonge dans son récit de manière fort envoûtante. J'ai retrouvé son style poétique, tout en finesse, qui m'a conquise une nouvelle fois.
Beata raconte la guerre et le génocide, et les drames familiaux, visiblement en connaissance de cause. Elle-même originaire de Butare (comme Immaculata) et survivante du génocide des Tsuti (comme Immaculata également), vivant aujourd'hui à Bordeaux (comme Blanche et Stokely), on ne peut que ressentir la dimension personnelle à travers l'histoire de ses trois personnages. C'est un morceau d'elle qu'elle nous partage, et ça n'en est que plus percutant et poignant.
Un récit très facile à lire, malgré les événements éprouvants.
Une plume toujours aussi enchanteresse.
Des personnages abîmés par la guerre et/ou un passé familial douloureux, attachants, intéressants.
Un très beau premier roman.