°°° Rentrée littéraire 2023 # 43 °°°
Nuria, c'est quelqu'un qui se réveille avec des impressions d'hier, qui ne sais jamais pourquoi elle fait l'amour avec un homme sans pour autant regretter, qui fuit sa vie et qui apprend en plein milieu de la nuit, à peine rentrée de boîte de nuit, que les funérailles de sa mère qu'elle n'a pas vu depuis huit ans sont le lendemain. Elle y va flanquée d'Abel, le jeune homme rencontré la veille. Elle reste de marbre puis va à la rencontre de ceux qui ont aimé sa mère et vont lui raconter.
J'ai été immédiatement emballée par ce singulier deuil d'une mère traitée comme un drame non dramatique. D'autant que le manque d'émotions de Nuria n'empêche pas
Joséphine Tassy de développer un récit vibrant de partout à travers le magnifique portrait de femme qu'elle dresse en parallèle d'un poignant tout sur ma mère.
Nuria ne sait comment surmonter le deuil de sa mère car elle ne sait pas quoi ressentir : de la tristesse pour avoir été abandonnée ? du soulagement pour ne plus avoir à affronter ce désamour maternel ? de la colère pour être privée de réponses. le mal de mère l'a éteinte et a éteint son désir, cette « force qui nous projette au-delà de nous-mêmes. Une chose irrésistible qui donne des rêves. C'est ce truc qui fait pleurer de rage parce qu'on n'est pas encore ce qu'on aimerait être. (...) Il inspire tout. Il inspire nos déceptions, de l'avoir trahi, nos douleurs, de l'avoir oublié, et surtout le désir qu'on écoute, il inspire notre amour. de l'autre, et de soi. » Elle a tué le désir pour tuer la douleur, sans s'en rendre compte.
C'était périlleux de mêler à une histoire de deuil une histoire d'amour naissante. Mais ça fonctionne magnifiquement et souligne avec intensité la possibilité d'une renaissance possible pour Nuria. Que cette idylle soit éphémère ou s'avère durable, Nuria va apprendre à attiser son désir pour s'y réchauffer sans s'y brûler et retrouver le chemin de la vie. Dans le moment, Abel est le compagnon parfait : parce qu'il ne la connait pas, ni sa mère, et que cette extranéité à son passé le rend solide pour accompagner Nuria dans l'archéologie de sa vie. Les mots de l'autrice captent tout avec justesse et finesse.
Et puis il y a cette écriture. Une écriture inventive qui ose. Qui suspend les silences en respirations en laissant des espaces entre certains mots. Qui les fait claquer dans des dialogues directement inclues dans la narration à la 1ère personne. Qui joue avec la ponctuation. Qui sait dire des scènes de sexe d'une sensualité torride tout en étant au plus près de l'intime et jamais dans l'impudeur.
Un premier roman intense et solaire même si je regrette qu'il ne laisse une empreinte aussi forte que sa lecture immédiate.