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EAN : 9782729714314
243 pages
Presses universitaires de Lyon (18/01/2024)
4/5   3 notes
Résumé :
Depuis le XIIIe siècle et pendant très longtemps, l'Église catholique a fait croire - et cru - qu'une femme déguisée en homme aurait réussi à devenir pape vers l'an 855, aurait accouché lors d'une procession à Rome et aurait dès lors provoqué la mise en place d'un rite de vérification de la virilité du pape pour éviter qu'un tel écart se reproduise. Pourquoi avoir inventé cette légende au XIIIe siècle ? Pourquoi l'avoir diffusée pendant des siècles ?

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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Au Moyen-Âge, la croyance en l'existence d'une femme élue sur le trône de Pierre à donné lieu à 2 légendes, la première une brève biographie de la femme élue pape et la deuxième sur le fait qu'un pape nouvellement élu devait se soumettre à la vérification de sa masculinité

Voilà pour le postulat de départ de cet ouvrage reçu dans la cadre de la dernière masse critique, pour lequel je remercie à la fois les Presses Universitaires de Lyon et Babelio.

Il était une fois.... (car c'est ainsi que commencent les contes et légendes)...
Il était une fois aux alentours de 850, une femme, originaire de Mayence mais d'origine anglaise, qui prit l'apparence d'un homme pour accompagner son amant, également anglais, qui, en tant qu'étudiant, était plongé dans un monde exclusivement masculin ;
Cette femme selon divers textes se serait appelée Jeanne, Anne, Agnès, Jutta et Glancia ;
Cette femme déguisée en homme, réussit à s'intégrer dans les études, au point qu'après un séjour à Athènes, elle reçut un accueil chaleureux et admiratif à Rome, ce qui lui ouvrit la voie à une carrière dans la curie, au terme de laquelle, dissimulant apparemment son sexe biologique, elle fut même élue pape.

Son pontificat dura plus de deux ans sans éveiller de soupçons, jusqu'à ce qu'il soit interrompu par un scandale : la femme, qui n'avait pas renoncé aux plaisirs de la chair, tomba enceinte et, au cours d'une procession entre Saint-Pierre du Vatican et Saint-Jean de Latran, elle accoucha publiquement d'un enfant.
Elle mourut en couches ou, selon d'autres, démasquée, elle fut tuée.
Selon certaines versions de l'histoire, le sexe des papes serait désormais vérifié manuellement lors de la cérémonie du . de même, toutes les processions éviteraient de passer par l'endroit où le scandale s'est produit, tandis que la présence d'une statue ou d'une inscription sur le site perpétuerait le souvenir de ce regrettable incident.
De nos jours, à l'angle de la via dei Santi Quattro et de la via dei Querceti, il existe une minuscule chapelle, un oratoire avec une fresque très abîmée et une plaque su laquelle figure un épigraphe : “Il sorriso di Maria / questi luoghi allieterà / se chi passa per la via / Salve o Madre a Lei dirà“.

Beaucoup auront reconnus dans cette histoire la légende de la "papesse Jeanne", racontée dans les sources médiévales et qui a prospéré principalement jusqu'au XVIème, voire jusqu'au XIXème siècle.

Agostino Paravicini Bagliani en spécialiste incontesté et incontestable de l'histoire de la papauté au Moyen Age, ne pouvait faire l'impasse sur cette légende et y apporter toute sa connaissance et expertise.
Cette fois il nous propose une plongée au coeur des textes, une enquête aux frontières de la lexicologie, de la codicologie, de la sémantique....

Pour les textes parmi les 109 recensés, 3 sont fondateurs de cette légende

Premier texte de Jean de Mailly (1250-1254)
« A vérifier : il s'agirait d'un pape, ou plutôt d'une papesse, car c'était une femme ; se déguisant en homme, il devint, grâce à l'acuité de son talent, notaire de la curie, puis cardinal, enfin pape. Un jour qu'il montait à cheval, il engendra un enfant et, aussitôt, la justice romaine lui lia les pieds à la queue du cheval, et il fut traîné et lapidé par le peuple sur une demi-lieue et enterré là où il mourut. En cet endroit fut écrit : "Pierre, Père des Pères, révèle l'accouchement de la Papesse". Sous son règne fut instauré le jeûne des Quatre-Temps, qu'on appelle le jeûne de la Papesse. »

Second texte celui d'un franciscain d'Erfurt (1256-1261)
« Il y eut encore un autre pseudo-pape dont on ignore le nom et les années (de pontificat). C'était en effet une femme, à ce que disent les Romains, d'aspect élégant, d'une science considérable et qui simulait une conduite exemplaire. Elle se cacha sous des habits d'homme jusqu'à ce qu'elle soit élue pape. Et, au cours de son pontificat, elle conçut et, alors qu'elle était enceinte, le démon révéla le fait à tous publiquement dans un consistoire, en lançant vers le pape ce vers : "Pape, Père des Pères, révèle l'accouchement de la Papesse. »

Et enfin celui de Martin le Polonais (1277)
« Jean l'Anglais, Margantinus, siégea deux ans, cinq (ou sept) mois et quatre jours. Il mourut à Rome et la papauté resta vacante pour un mois. C'était, dit-on, une femme. Encore adolescente, elle fut conduite, vêtue en homme, à Athènes, par celui qui était son amant. Elle progressait tant dans les diverses sciences qu'on ne trouvait personne qui lui fût son pareil, à tel point qu'après, à Rome, en enseignant les arts du trivium, elle eut de grands maîtres pour disciples et auditeurs. Et puisque, en Ville, elle jouissait d'une grande réputation pour sa vie et sa science, elle fut élue pape à l'unanimité. Mais au cours de son pontificat elle fut rendue enceinte par un de ses familiers. Ignorant le moment de la délivrance et alors qu'elle/il se dirigeait vers le Latran en venant De Saint-Pierre, saisie des douleurs de l'enfantement, accoucha entre le Colisée et l'église de Saint-Clément, puis, étant morte, comme on le raconte, elle fut ensevelie sur place. »

Puis il rassemble pour la première fois toute la tradition littéraire, et ce jusqu'en 1500, concernant la légende de la papesse, en présentant les textes en latin (ou dans les langues vernaculaires médiévales), ce qui est essentiel pour le lecteur, tout comme la vaste annotation codicologico-littéraire l'est pour l'initié.
Chaque texte est accompagné d'un commentaire, de contextualisation.
Mais surtout, il apporte un éclairage sur l'élaboration de la fable, qui commence par une rumeur, se transformant en "fait divers", le fait divers devenant exemplum, l'exemplum devenant à son tour une forme de juris prudentia...

En résumé cette fiction, dont les premières traces se trouvent vers 1250, fut prise pour une réalité durant tout le Moyen-Âge Âge. La réfutation graduelle de la légende se fit à partir du XVIème siècle.
Cet épisode, dont le souvenir demeure vivace encore de nos jours, eut un succès immense, car au-delà de son aspect romanesque, il mettait en jeu un interdit fondamental de la culture catholique: le refus du sacerdoce féminin.
Il posait également la question troublante de l'imposture : que se passe-t-il quand un pouvoir suprême et divinement sanctionné se laisse usurper ? On comprend donc que la légende ait joué un rôle puissant dans les controverses qui se sont nouées depuis le XIII siècle autour du statut de l'Église romaine et de son magistère.
Dernier point concernant les illustrations, elles permettent de voir comment la Papesse a été représentée et comment sa biographie a été l'objet de censures de la part de lecteurs d'incunables et d'éditions anciennes avant et après 1500.
Mais surtout que le premier texte comportait dans sa marge une mention loin d'être anodine : "Require" (À vérifier). Mention qu'il est possible de transposer de tous temps....
Cet ouvrage se démontre à lui seul comme un bel exemple de travail de recherches pour ceux qui s'intéressent à un pan de l'histoire de la culture médiévale aux multiples facettes...
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Ce livre m'a été proposé dans le cadre de Masse critique qui permet aux babelionautes de découvrir des livres gratuitement en échange d'une critique. Cet ouvrage de l'historien italien Agostino Paravicini Bagliani ressemble, si elle n'en est une, à une thèse d'état alimentée vraisemblablement par ses fonctions de scriptor à la bibliothèque vaticane. Bagliani revient très en détails sur la pseudo-légende de la papesse Jeanne apparue au XIIIème siècle et enrichie au cours des siècles suivants. Pour se faire, il appuie son « enquête au coeur de » textes français, anglais, allemands, italiens, et néerlandais cités en français et en latin. Même si un doute persiste sur l'origine géographique et sur l'existence de la papesse et que des notices (censures) ont disparu, ces textes sont presque globalement unanimes sur beaucoup de points : Jeanne est présentée comme une érudite de très haut niveau ayant même effectué un voyage studieux à Athènes. Cette érudition, alors apanage exclusif des hommes, constitue une composante importante de la figure idéale d'un pape au XIIIème siècle et permet aussi à la papauté de justifier son erreur sur la personne… Indéniable aussi semble avoir été sa grossesse : l'identité du père n'a jamais été révélée mais il s'agit vraisemblablement d'un membre de la Curie. Il arriva que, ne sachant exactement quand aurait lieu la délivrance, « elle se dirigeait vers le Latran en venant De Saint-Pierre, saisie des douleurs de l'enfantement, elle accoucha entre le Colisée et l'église Saint- Clément, puis étant morte, comme on le raconte, fut ensevelie sur place. » Cet accident modifia pour longtemps le parcours des papes qui « évitent d'y passer et s'en détournent par des voies de traverses et des ruelles » ! Ayant travesti la vérité, la papesse ne fut pas comptabilisée parmi les papes, ne fut dotée d'aucun numéro ordinal et ne s'insère officiellement nulle part. Même son prénom féminin « Jeanne » et sa fonction « papesse » sont le résultat d'une lente évolution. Les diverses représentations littéraires représentent d'ailleurs une condamnation morale unanime du travestissement. La croyance en l'existence de la papesse aurait par ailleurs incité Rome à contrevenir à tout nouvel incident similaire en vérifiant le sexe du pape. Ce dernier devait donc s'asseoir sur le siège stercoraire tandis que le plus jeune des diacres s'assurait de sa masculinité. Une étude touffue et intéressante sur une histoire qui aura fait couler beaucoup d'encre et qui comme le dit Enea Silvio « n'est même pas certaine ». Ce qui en revanche est certain, c'est que, fidèle à l'esprit de Masse critique, je vais offrir cet ouvrage à la bibliothèque municipale de ma ville afin qu'il puisse enrichir leur fonds et pourquoi pas être utile à d'autres lecteurs .
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L histoire de la papesse Jeanne est une enquête basée sur les écrits de l époque. J avais entendu parler d une femme qui était devenue pape et voici que grâce à la masse critique j ai l occasion de me plonger dans cette histoire. Les presses universitaires de Lyon se sont penchées dessus en nous donnant des précisions et des explications à partir des nombreux écrits relatant l existence de cette papesse, en essayant d en définir le plus de certitudes.
J avais relativement peur en feuilletant l ouvrage, pensant que ça serait hermétique et accessible qu à des personnes spécialisées sur cette période. Et au final il en est rien, on peut parler presque d une certaine vulgarisation nous permettant d être passionné par cette recherche et la volonté de l époque de taire ce personnage de Jeanne.
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critiques presse (2)
LaViedesIdees
24 avril 2024
Avec ce dossier, c’est à nouveau à une fascinante plongée dans la mise en récit de l’Église par elle-même que nous assistons.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
LeFigaro
08 mars 2024
Au milieu du XIIIe siècle apparaît une légende selon laquelle une femme d’une grande culture fut élue pape avant d’être démasquée. Réalité ou fantasme ? L’enquête d’un spécialiste de la papauté médiévale.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Au Moyen Age, la croyance en l'existence d'une femme élue sur le trône de Pierre a donné lieu à deux légendes, La première correspond à une brève biographie de la femme élue pape, La deuxième raconte qu'un pape nouvellement élu devait se soumettre à la vérification de sa masculinité. La légende de la papesse proprement dite surgit, entre 1250 et 1277, dans trois notices indépendantes qui présentent des éléments communs : une jeune femme, traves tie en homme, ayant atteint un très haut degré d'instruction, fut élue pape ; au cours de son pontificat, lors d'une procession, elle accoucha publiquement et mourut aussitôt ainsi que son enfant. Leurs auteurs — les dominicains Jean de Mailly et Martin le Polonais, et un franciscain anonyme d'Erfurt — appartiennent aux deux principaux ordres mendiants. Des 109 témoignages littéraires jusqu'en 1500 que j'ai pu réunir, 101 dépendent de la notice la plus tardive, celle de Martin le Polonais. La deuxième légende, celle de la vérification, apparaît déjà autour de 1295 dans deux témoignages littéraires contemporains, bientôt suivis par une tradition narrative également très riche.

(INCIPIT)
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Il s'agirait d'un pape , ou plutôt d'une papesse, car c'était une femme, et, ce faisant passer pour un homme, par l'acuité de son esprit, il devint d'abord notaire de la Curie, puis cardinal et enfin pape. Un jour, alors qu'il montait à cheval, il mit au monde un enfant ; et, aussitôt par la justice romaine, lui attachant les pieds à la queue du cheval, il fut traîné et lapidé par le peuple sur une demi-lieue et enseveli là où il mourut. En cet endroit, il fut écrit :" Pierre, Père des Pères, rend Public l'accouchement de la Papesse. Sous son règne fut institué le jeûne des Quatre-Temps qu'on appelle le jeûne de la papesse.
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Elle entra alors dans une petite maison sur la route et y accoucha ; et comme elle mourut des douleurs de l'enfantement, elle fut enterrée là. C'est pourquoi la Curie a conservé jusqu'à aujourd'hui la coutume que le pape ne passe jamais par là, mais qu'il fasse un détour en changeant d'itinéraire.
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On ne l'a pas inscrit dans le catalogue des saints pontifes en raison de la non conformité que le sexe féminin entraîne en cette matière.
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Enea Silvio (...) " et l'histoire n'est même pas certaine".
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