Dans la Florence du 16e siècle, celles des Médicis et de l'épanouissement culturel et artistique, une jeune aristocrate passionnée de dessin et de peinture, cherche à être libre et indépendante et à vivre de son art. Mais dans une société dominée par les hommes, dans laquelle la femme se doit avant tout d'être une bonne épouse, une bonne mère et une maîtresse de maison respectable qui fait honneur à son mari et à sa famille, nombreux sont les obstacles qui se dressent devant elle dans l'accomplissement de son rêve. L'énergie, la vivacité et la persévérance d'Arte lui permettent toutefois de trouver une place en tant qu'apprentie chez un peintre de la ville et, alors que les jugements, les idées reçues, les mises à l'épreuve la frappent au quotidien et lui rappellent sa condition de femme, elle découvre peu à peu la vie, le milieu de l'art, le métier de peintre, les relations aux hommes.
Arte est l'histoire d'une jeune fille pleine d'énergie qui cherche à s'extirper du carcan imposé aux femmes et à réaliser ses rêves, à gagner sa vie et à s'assumer seule. Espiègle, farouche, indépendante, elle refuse les règles imposées et la sclérose d'une société masculine et paternaliste dans laquelle les femmes sont cantonnées à une vie d'ennui, d'obéissance, de non-choix. Mue par la rage de réussir, elle se bat pour qu'on voit en elle un peintre et des compétences, avant sa qualité de femme. Et même si c'est quelque part une illusion, elle persévère, n'abandonne jamais et parvient peu à peu à faire bouger son statut et à se faire une place. C'est aussi le parcours d'une jeune fille neuve qui découvre la vie, le monde, les relations à l'autre, elle qui est issue du cocon de l'aristocratie et d'un univers où on ne fait jamais rien par soi-même, une vie de codes et de convenances, une vie d'oisiveté et de sourires forcés. Elle se confronte ici au dénuement, aux comportements rustres, à l'injustice, à l'amitié, à l'amour... et toujours elle fonce, la tête haute.
Finement descriptif, ce manga plonge véritablement le lecteur au coeur de la Renaissance, du monde des villes italiennes au 16e siècle et du quotidien des artistes-artisans peintres de cette époque. On imaginerait volontiers le peintre Léo n'être autre que le jeune
Léonard de Vinci, bien avant la notoriété des dernières années de sa vie, alors qu'il n'était encore qu'un artisan travaillant au service de petits commanditaires. L'association entre le dessin manga et l'univers des formes et des motifs de la Renaissance italienne offre un curieux contraste mais celui-ci fonctionne et emporte le lecteur au coeur des ateliers, dans les ruelles, au-dessus des toits, entre les étals de marché, aux portes des palais, à l'intérieur des boutiques. L'univers mis en place est bien documenté et l'auteur offre une belle restitution du décor et de l'époque : vues urbaines, architecture, objets, costumes, c'est un vrai régal ! de même il propose un descriptif crédible des pratiques artistiques, techniques picturales, matériaux, place de l'artiste à l'époque (importance du commanditaire, utilisation des pigments, étude clandestine de l'anatomie, répartition du travail entre le maître et ses assistants...). Quelques bulles explicatives viennent également ici et là éclairer le contexte et les pratiques.
Un manga délicat, agréable et instructif, à découvrir !