Cette oeuvre, de plus de 900 pages, est à la fois romanesque et biographique, offrant des fragments de vie de l'actrice américaine Marylin Monroe. Dans son désir de rivaliser avec l'oeuvre Balzacienne, Carol Oates offre une nouvelle photographie du monde américain qu'elle dépeint de façon prolifique. Avec
Blonde l'auteur dresse le portait d'une icône à travers le roman de la vie de Norma Jean, le récit d'une « figure universelle » en cinq parties, comme les cinq actes d'une tragédie classique. Ainsi, et comme l'écrira
Joyce Carol Oates dans sa Note de l'auteur, «
Blonde est une « vie » radicalement distillée sous forme de fiction et, en dépit de sa longueur, la synecdoque en est le principe». L'auteur choisira donc de créer une simultanéité de fragments en montrant leur interdépendance, dans un style saccadé, plein d'aspérités, propre à l'intertextualité récurrente du roman (discours, récit, lettres, témoignages réels ou inventés) pour montrer, sans le figer, l'aspect caméléon propre à l'actrice. Lors d'un entretien, l'auteur racontera avoir imaginé le roman en voyant une photographie de Norma Jeane Baker (c'est l'orthographe choisit par l'auteur) âgée de 17 ans ; elle aura pensé à un texte court pour « donner vie à cette fille solitaire, perdue, que le produit iconique «
Marilyn Monroe » allait bientôt recouvrir et effacer », avoir voulu « une histoire mythique, archétypale, qui s'achèverait au moment où elle perdrait son nom de baptême de Norma Jeane pour prendre son nom de studio de «
Marilyn Monroe » ».
Blonde est aussi un roman politique, un roman de l'argent, et un roman montrant l'hyper puissance, l'omnipotence des hommes. Et c'est par
eux que naîtra le mythe de Marylin en 1950, star créée de toutes pièces par un agent, I. E. Shinn, et les dirigeants et producteurs du « Studio ». Cette créature n'existera que pour rapporter de l'argent à des hommes d'affaire sans vergogne qui ne tiendront aucun compte de la personnalité et de la sensibilité de l'actrice. Son premier petit rôle aura un prix : coucher avec le producteur M. Z, qui l'humiliera et la fera physiquement souffrir. C'est d'abord sa beauté d'enfant qui attire les regards, puis ce sera celle de son corps qui attirera un photographe, Otto Öse, lors d'un reportage dans l'usine Radio Plane Aircraft de Burkank en Californie dans laquelle travaille Marilyn en 1945. Enfin, c'est son corps qui retiendra d'abord l'attention de tous, hommes et femmes confondus et c'est grâce à ce corps et à son hyper sensualité qu'elle décrochera ses premiers rôles dans des films au scénario insipide, comme elle le dira elle-même. Et pourtant, l'actrice n'est pas une « grue », elle n'a de cesse de se cultiver en lisant beaucoup, qu'il s'agisse de grands auteurs tels que
Shakespeare,
Tchékhov ou Dostoeïvski mais aussi
Freud ou encore des livres sur la pratique du Zen et du bouddhisme. de plus, depuis son enfance, Marilyn est férue de poésie qu'elle lit ou écrit abondamment. Ainsi elle dira « qu'elle n'était ni une poule ni une pute, mais qu'il y avait le désir de me percevoir de cette façon. Parce qu'on ne pouvait pas me vendre autrement je crois. Et je comprenais que je devais être vendue. Car alors je serais désirée, et je serais aimée ».
Derrière le mythe, il y a la réalité. Celle de Norma Jean, enfant de père inconnu, élevée par sa grand-mère alors que sa mère, Gladys, travaille dans un laboratoire de développement de pellicules aux « Studio », emploi qui lui ruine la santé à cause des produits toxiques. Cette mère, sous tranquillisants et alcool, nourrira sans cesse sa fille d'histoires invraisemblables sur les stars hollywoodiennes qu'elle aurait fréquentées, l'emmenant au cinéma et la persuadant que son père est un acteur célèbre qui n'a pas voulu la reconnaître. de ce fait, toute sa vie, Marilyn attendra la reconnaissance de ce père, allant jusqu'à appeler « papa », ses maris. Après le décès de la grand-mère, c'est Gladys (sa mère), souffrant de schizophrénie paranoïaque qui s'occupera de l'enfant. Un soir de délire, elle mettra le feu à l'appartement, voulant se tuer en emportant à jamais sa fille avec elle. Elle sera internée à vie dans un asile psychiatrique tandis que Norma sera placée dans un orphelinat. Très solitaire l'enfant s'invente une « amie secrète » qui n'est rien d'autre qu'elle-même se regardant dans un miroir. Cette « amie secrète » l'accompagnera toute sa vie et lui permettra de se dédoubler face à la caméra ou l'appareil photographique pour qui elle peut offrir tout ce qu'elle est, physiquement et émotionnellement, à un moment donné, dans un cadre précis, celui de l'objectif. Un réalisateur dira d'elle : « Monroe était une actrice née, même toute jeune. Elle était intelligente mais marchait à l'instinct. Je crois qu'elle arrivait à se voir par l'oeil de l'appareil. C'était plus puissamment, plus totalement sexuel pour elle que n'importe quelle relation humaine ». de même, d'anciens étudiants d'un cours de
théâtre témoigneront de leur inquiétude face à la générosité de l'actrice : « Ce qu'elle faisait, ce n'était pas jouer. C'était plus profond que ça. C'était primitif, trop à fleur de peau. On nous enseignait essentiellement la technique. A simuler une émotion, pas à en être le porteur. Pas à être le paratonnerre par lequel l'émotion fait irruption dans le monde. Elle nous effrayait, et c'est difficile à pardonner. Ainsi, la jeune fille timide et bégayante se révélait une véritable actrice, incomprise par ses détracteurs pour qui il était important de savoir « jouer ». Pour
eux, Marilyne ne « jouait pas », elle était « elle-même ». Sa soif de reconnaissance et d'amour la conduise à trop de générosité voire de naïveté, menant à une grande souffrance qu'elle essaiera de calmer grâce aux médicaments prescrits par le docteur du studio, sans scrupules lui non plus, présent comme les hommes d'affaires pour faire marcher le « studio ». Durant toutes ces années que retracent les 900 pages du roman, peu de moments joy
eux apparaissent. Il semble que Marylin, malgré « le conte de fée » qu'elle dépeint parfois, ses maris, ses amants, ses multiples connaissances et son immense succès, ait vécu hantée par ses fantômes tels que sa mère, son père, l'orphelinat, l'enfant avorté, les « Gémeaux », ses regrets, sans avoir réussi à trouver le repos et le bonheur. Il semble qu'elle ait souffert toute sa vie d'un manque réel et véridique de reconnaissance, ne se faisant jamais confiance, malgré les apparences. Dans ce roman, le monde d'Hollywood apparaît comme un monstre sans pitié, écrasant celles et c
eux qui essaieraient de résister au dogme de l'apparence régnant en tyran absolu : l'honnêteté doit se taire ou doit être tue. Qui sait pourquoi Marylin est morte ? le mystère reste total.
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