Une étrange obstination

Pierre Nora - Une étrange obstination - 340 pages - fini le 29 avril 2023

Ce livre se lit très facilement, trop facilement en fait, par rapport au statut d'intellectuel auto-proclamé par l'auteur (et qu'il est incontestablement). Tout y est mis à distance et on n'apprend pas grand chose sur ce qu'est véritablement un éditeur, ou un historien…sans doute l'a-t-il écrit par ailleurs et a jugé inutile de l'écrire dans sa propre autobiographie qui relate pendant 80% du livre ses choix éditoriaux, comme si on présentait un catalogue des nouveautés. On a sur plusieurs dizaines de pages un résumé des principaux livres qu'il a contribué à faire sortir, ce qui est intéressant mais ne nous apprend rien sur sa relations aux auteurs, sa manière de lire et de choisir, les débats internes, etc…Rien sur la façon dont il a pu dénicher des auteurs, rien sur les auteurs qu'il aurait raté (aucun sans doute), pas grand chose sur ses éventuels échecs, rien sur les coulisses de l'édition, ou sur l'école des Hautes études où il nous répète 20 fois qu'il a été élu. Même si Pierre Nora a 90 ans, une magnifique carrière derrière lui, il est sans doute encore trop impliqué pour être vraiment sincère et dans son livre « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » (il ne dit du mal que des morts, Foucaud, Le Roy Ladurie principalement). Cela reste un témoignage intéressant qui nous relate la vie intellectuelle des années 80 à nos jours, mais de manière relativement superficielle et pas très différente de ce qu'on trouverait dans un article de l'Express ou de L'Obs…(j'ai failli écrire Paris Match mais je ne voudrais pas que ce soit mal interprété car Paris Match est plutôt de bon niveau en ce qui concerne la culture).

Les coulisses de la revue Le Débat sont quand même ce qui il y a de mieux dans son livre car on sent qu'on pénètre au coeur de l'intime même si on aurait pu aller plus profondément…En fait, Pierre Nora survole sa propre histoire ce qui en fait un livre un peu froid, en tout cas superficiel et léger.

Deux éléments pour finir, qui sont anecdotiques mais étonnants : il n'y a pas une ligne, pas une référence sur la musique, quelle qu'elle soit. Pierre Nora est comme mon chat : a-musical et sa vie s'est manifestement faite sans elle…étonnant cette hémiplégie musicologique…autre remarque à la page 290, Nora dit que le Conseil Constitutionnel a mis fin aux lois mémorielles par « décret » en 2012…le Conseil Constitutionnel rend des décisions et ne prend pas de décret…soit je n'ai pas compris la phrase, soit une telle erreur dans un livre aussi lu et relu (surtout par Anne Sinclair) me confond…

Pierre NORA a 90 ans. Il livre ici le récit de la vie intellectuelle française des 40 dernières années, à partir de son expérience personnelle d'observateur privilégié et impliqué de par sa vie multiple d'historien, d'éditeur, et d'enseignant à l'école des hautes études.
J'ai lu ce livre d'une traite.
D'abord, il est très bien écrit, dans une langue précise et facile. Ensuite, il m'a aidé à mettre en perspective historique une bonne partie des lectures de ces dernières années, lorsqu'il fallait lire le dernier Bourdieu ou le dernier Foucault.
Je retire une étoile uniquement pour attirer l'attention sur le fait que ce livre reprend des idées et anecdotes de livres précédents. Les lecteurs familiers des ouvrages de Pierre NORA n'y trouveront peut-être pas l'intérêt que j'y ai personnellement pris.

Quel parcours, quelle vie ! A lire ses mémoires on revisite un demi-siècle de vie intellectuelle en France. Il a côtoyé, souvent publié, tous ceux qui ont marqué ces décennies. Il dresse des portraits flatteurs et écornent par fois des légendes ou des légendes fanées (Foucault n'était pas vraiment quelqu'un de respectable, ceci n'est pas nouveau malgré les tonnes d'encens déversé à chacune de ses lubie : soutien à Khomeiny et précurseur de la “déconstructionˮ avec d'autres buses comme Derrida, Deleuze et leur clique inventeur du wokisme). Et des compagnonnages ayant duré des années avec M. Gauchet, une des rares personnalités ayant traversé cette période en gardant sa probité et son honneur intellectuel, ils ne sont pas si nombreux. Un honnête homme comme on les appelait autrefois.

Parcours d'un historien et d'un éditeur exceptionnel. Retour sur les rencontres avec tous les intellectuels de la seconde moitié du XXe siècle, le bouillonnement d'idées et de controverses : une époque riche hélas révolue. Mention particulière pour les derniers chapitres émouvants relatifs au.x dérives des revendications mémorielles, à la fin du journal Le Débat et au passage de relai de sa génération à la nôtre: un véritable défi…

Lecture mitigée… j'ai longtemps regretté que le livre porte principalement sur les relations personnelles de l'auteur qui parfois donnaient l'impression d'un entre soi ennuyeux et bien peu enviable quand pourtant ces noms incarnent la pensée de l'après guerre et tant d'intelligences. Et puis, sur le dernier tiers, enfin, on accède aux idées et au renouvellement qu'ont été « les lieux de mémoire » qui, à mes 20 ans, furent comme une fascination inépuisable pour l'Histoire.