Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été brouillée avec les chiffres et nulle en maths. Passionnée d'histoire, je « n'imprimais » pas les dates. Seules quelques-unes avaient néanmoins échappé à ces actes manqués : 800 (sacre de Charlemagne), 732 (Charles Martel à Poitiers), 1515 (Marignan) … et 1214, victoire de Bouvines. Mais j'en ignorais les tenants et les aboutissants.
Et il aura fallu ce livre, très synthétique, pour me faire comprendre (à 77 ans, il n'est jamais trop tard !) à quel point cet événement eut de larges conséquences sur le destin de notre pays.
L'ouvrage décrit d'abord un vaste panorama de l'Europe des XIIème et XIIIème siècle : forces en présence, mode de gouvernance féodal, omniprésence des conflits de voisinage, prégnance de l'Eglise et de l'influence de la papauté, principes et limites de la suzeraineté.
Fidélités enchevêtrées, alliances fluctuantes, serments violés, rançons réclamées, vassalités divergentes en fonction des territoires et des suzerains dont ils dépendent, promesses de mariage scellant des traités le plus souvent précaires et alors que les promis n'ont que quelques mois … C'est à la fois un monde totalement inconnu pour nous, mais qui recèlent des constantes : émiettement politique, coalitions fragiles, frondes des barons …
En 1214, Philippe Auguste (1165 – 1223) est pris en tenaille entre deux armées coalisées. L'une au sud, menée par le roi d'Angleterre Jean sans Terre – puissance de l'argent du parti Plantagenêt - et au nord, les associés de l'empereur germanique Othon IV avec, parmi les coalisés, des seigneurs français, en particulier Renaud de Dammartin, ancien favori de Philippe et Ferrand de Flandre.
Le roi de France délègue son fils Louis sur le front sud, qui se porte au-devant de Jean à La Roche aux Moines. Mais là, les troupes anglaises se débandent sans combattre. Défection de la noblesse poitevine, manque de charisme politique et de capacité guerrière du roi d'Angleterre qui se replie sur La Rochelle et rembarque …
Au nord, Philippe dispose de 7000 hommes dont 1000 chevaliers, Othon de 10000 hommes et 1800 chevaliers. Malgré son refus initial d'engager la bataille un dimanche (ce que l'Eglise interdit à tout chrétien), Philippe se défend d'une agression. Car l'objectif des coalisés est clairement de le tuer, lui qui sera désarçonné au cours du combat mais sauvé par Pierre Tristan.
Ferrand se rend, puis Henri de Brabant, Othon fuit, abandonnant son char avec les symboles de l'Empire : c'est le tournant de la bataille. Jean se voit obligé d'accepter à Chinon une paix lui imposant une trêve de 5 ans, une lourde indemnité et le renoncement à toutes ses possessions au nord de la Loire.
Plus tard, il devra accepter chez lui la grande Charte (1215) … C'est la fin de l'empire Plantagenêt.
Cet ouvrage explique aussi le rôle complexe (spirituel et territorial) de la Papauté : Innocent III, défenseur de l'idée de théocratie pontificale, estime que le pouvoir temporel se trouve naturellement et obligatoirement soumis au pouvoir spirituel dont il procède … le roi de France, lui, se déclare "Empereur en son royaume".
Renaud de Dammartin et Ferrand de Flandre resteront plus de 12 ans prisonniers du roi de France… le premier finira par se suicider. Il reste l'archétype du seigneur félon, le « parti de l'étranger », une constante de notre histoire nationale.
Avec l'affaiblissement de l'Empire, Bouvines représente un instant essentiel de la lente progression de la souveraineté française, acquise contre l'Anglais et plus tard contre l'Espagnol, l'Allemand … et le triomphe de la monarchie sur les féodaux.
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