«
Âme brisée », joli titre qui joue sur la polysémie du mot « âme », entendu ici comme l'essence qui fait d'une personne ce qu'elle est, mais aussi une des pièces constitutives d'un violon, éléments qui se font malmener en début de roman. Las, je l'ai aussi été pendant cette lecture, heureusement courte, qui aura été une immense déception, alors que je pensais l'apprécier dans le sillage de mes deux amies de lecture qui l'ont pour leur part beaucoup aimé.
Novembre 1938. Alors que Yu interprétait au violon « Rosamunde » de Schubert avec trois amis chinois – à ce moment-là de l'histoire le Japon avait envahi la Mandchourie dans un élan ultranationaliste et était extrêmement répressif envers toute forme de contestation et méfiant envers les étrangers –, il s'est fait arrêter par des militaires japonais au motif de subversion et qui, dans un accès de violence absurde, ont quasiment détruit son violon. le tout sous les yeux de son fils Rei, qui accompagnait Yu et que ce dernier avait protégé à l'arrivée des militaires en le cachant dans une armoire. Un gradé, le lieutenant Kurokami, grand amateur de musique classique et qui est intervenu lors de l'arrestation en l'adoucissant quelque peu, sauvera Rei en le laissant dans son armoire tout en lui rendant le violon massacré de son père. Traumatisé par cet épisode violent qui le laissera orphelin, la réparation de ce violon sera l'un des objectifs de vie de Rei, parti en France vivre avec un ami de son père qui l'a recueilli. Une cinquantaine d'années plus tard, la lecture du succès de la jeune violoniste Midori Yamazaki, venue à la musique grâce à son grand-père, remuera des souvenirs chez Rei, qui n'a jamais pu faire le deuil de son père et de sa tragique histoire. Midori a-t-elle un lien avec le lieutenant Kurokami ?
«
Âme brisée » est un roman délicat qui entremêle petite et grande Histoire, réunies par ce magnifique et essentiel trait d'union qu'est la musique.
Akira Mizubayashi nous invite ainsi à réfléchir sur ce que sont les souvenirs, le deuil, parfois impossible, de ses parents, de sa culture quand on en a été déraciné, mais aussi du patrimoine commun qu'est la musique, à travers un texte très délicat et ciselé avec minutie. Et curieusement, sans que j'arrive bien à m'expliquer pourquoi, la magie n'a pas opéré sur moi : je suis totalement restée en dehors de cette histoire qui n'a pas réussi à m'émouvoir une seule minute. Peut-être parce que je l'ai trouvée construite avec des fils blancs qui m'ont agacée : Rei est présenté dans la deuxième partie sous son prénom français mais on comprend bien qu'il s'agit de lui (quel suspense !), il réussit à contacter avec une facilité étonnante des personnes qui ont un lien avec son histoire, et à faire remonter avec de simples conversations sur des thèmes anodins des souvenirs qui étaient enfouis profondément. Je suis bien consciente que ça arrive pour de vrai, mais tout s'est enchaîné avec trop de facilité. Ce roman est d'une grande délicatesse, certes, mais tout m'a semblé terne : les sentiments, exprimés avec trop de distance (et ce n'est pas mon premier roman japonais, il me semble avoir déjà appréhendé les us et coutumes de ce pays), les personnages, qui n'ont aucun relief. Bref, la rencontre n'a pas eu lieu, à mon grand regret.