C'est au moment de son incinération qu'Akira se rend compte pour la première fois que Mélodie, sa chienne golden retriever, porte son patronyme. Il a fallu attendre l'heure de sa mort pour qu'il pense à l'injustice qui fait qu'un chien, toute sa vie, est réduit à son prénom alors qu'il fait partie de la famille. Oui, Mélodie s'appelle Mélodie Mizubayashi, elle est sa deuxième fille, elle a vécu douze ans en osmose avec son maître - plus souvent élève face à l'épreuve de sérénité qu'elle impose) - Akira qui a décidé, avec ce livre, de retracer sa vie avec elle.
Ce qui ressort de ce livre est l'immense amour qui existe entre la chienne et Akira. Mélodie est une personne. Akira nous raconte le quotidien avec elle, la patiente, celle qui sait attendre, toujours, et qui ne connaît pas le mensonge. Son récit est entrecoupé de réflexions, fragments d'un journal, où l'auteur revient sur la condition animale en évoquant
Descartes et son animal-machine, ou cette horrible anecdote sur Malebranche qui donne un coup de pied dans le ventre d'une chienne qui vient de mettre bas pour montrer que "ça ne sent rien". (voir cet article d'Elisabeth de Fontenay : http://www.franceinter.fr/article-l-animal-machine). Il parle de la souffrance des animaux de Fukushima, laissés pour compte puisque l'homme a décidé d'établir une frontière entre lui et l'animalité. Il fait référence aux écrivains qui ont été sensibles à la condition animale, comme Rousseau,
Montaigne,
Nietzsche,
Derrida... Quelques extraits sont lisibles ci-après.
Akira manque la mort de Mélodie. Il est au travail et elle n'a pas la force de l'attendre davantage. Elle meurt sous le regard aimant de Michèle, l'épouse française d'Akira, d'un cancer qui a fini par l'épuiser. Mélodie est Hachiko et Argos, ces chiens qui attendront leur mettre jusqu'à la mort.
Qui a un chien et l'aime retrouvera tout ce que l'animal partage avec lui dans ce livre. Il est difficile de lire ces lignes sans que les larmes coulent : comme devant le film sur Hachiko, on pleure beaucoup parce que ce sentiment d'attachement qu'Akira décrit est rarement exprimé et que le chien donne jusqu'à sa mort un amour fidèle et absolu, totalement désintéressé, sans mensonge. Akira prend l'exemple du loup de
Mark Rowlands (
Le Philosophe et le Loup) pour illustrer cette absence de calcul chez l'animal, excepté chez le singe si proche de l'homme...
Akira Mizubayashi a une prose assez scolaire mais il est japonais et écrit en français.
Pour ce livre, il a reçu le Prix 30 Millions d'amis en 2013.
C'est un écrivain qui réconcilie avec l'humanité. Il exprime son amour pour un membre canin de sa famille sans le besoin de se justifier et de relativiser (si fréquent de nos jours car, quand on dit aimer les animaux, on s'expose à être traité de gâteux, à être regardé avec un sourire moqueur et/ou à être accusé de ne pas aimer les hommes), sans prendre ce ton faussement dérisoire qu'emploient beaucoup de gens pour parler des liens qui nous unissent aux animaux.