Claire Messud, franco-canadienne par ses parents et citoyenne des États-Unis par son lieu de naissance, est connue en Amérique du Nord depuis son roman
Les Enfants de l'empereur d'après le 11 septembre 2001 ; auparavant, elle avait démontré une belle capacité de composition et d'écriture dans
Avant le bouleversement du monde, son premier roman dont le titre, quoique beau, est quelque peu démesuré.
Deux soeurs au mitan de leur vie, une mère, pas de père. Quatre lieux : Londres et l'île de Skye, l'Australie et Bali. Deux destinées racontées en alternance. de (trop ?) nombreux personnages gravitent autour des trois principales figures de ce roman qui eût sans doute gagné à être plus concis, ou du moins concentré sur un nombre plus limité d'intervenants.
On ne peut pas dire que chacune de deux soeurs affronte la vie en essayant d'orienter son parcours : toutes deux semblent subir leur destinée. Seule Mélody, la mère, manifeste le souhait que ses filles retrouvent la connivence qu'elles échangeaient dans leur prime enfance. Virginia, l'aînée, vit avec sa mère à Londres. Elle n'est pas mariée et confite en dévotion ; elle est brutalement confrontée à deux chocs violents : l'amertume de n'être pas reconnue dans son travail et la découverte de l'homosexualité de son pasteur. Emmy, la cadette, récemment divorcée et mère d'une jeune femme, quitte l'Australie pour un séjour à Bali où elle est hébergée par un milieu interlope et immergée dans une culture étrangère. Ces deux dépaysements sont-ils propices à l'établissement d'un nouvel équilibre ? L'auteure n'apporte pas de réponse claire ; le lecteur est livré à lui-même pour ce qui est de l'interprétation.
Bien qu'il n'y ait pas de question clairement posée dans les premiers chapitres, on lit ce roman avec intérêt surtout dans le passage consacré au voyage de Virginia et de sa mère (Melody) sur l'île de Skye. L'humour britannique est alors manié avec virtuosité, de sorte que le lecteur est plus séduit par la forme du récit qu'intrigué par son fond.
Claire Messud effleure la question de la spiritualité sans aller jusqu'à affirmer sa propre opinion : elle regarde, décrit, mais reste sur le seuil, à l'apparence des choses.
Cette peinture réussie de trois femmes contemporaines ne suscite ni émotion ni suspense : il s'agit-là d'un tableau que l'on regarde avec plaisir mais qui n'interroge pas. En revanche, on aimerait découvrir des écrits postérieurs de cette auteure dont on pressent que le talent, encore mieux maîtrisé, pourrait être de belle amplitude.