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4,03

sur 1233 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Que faire quand la vie nous échappe, quand on réalise qu'on est en train de passer à côté et qu'il n'y aura peut-être pas de retour possible ? Comment s'en sortir lorsque le dialogue avec son propre enfant s'est perdu, laissant place à une incompréhension totale et que l'on assiste impuissant à sa dérive ? Comment réagir quand on sent poindre lentement mais sûrement le début d'une longue descente aux enfers ? Un seul mot : continuer.

Pour Sibylle, mère célibataire enfermée dans ses angoisses qui élève seule son fils Samuel, un adolescent tourmenté, en plein décrochage scolaire, il s'agit bien de cela après le drame qui vient de se jouer et qui a bien failli faire de son fils un criminel : Continuer oui, mais différemment, en empruntant de nouveaux chemins. Hors de question que son enfant aille en pension comme le voudrait son père, non, elle sait d'instinct qu'en faisant cela elle le perd à jamais.

Alors, pour l'éloigner des fréquentations toxiques qu'il est en train de nouer, pour lui ouvrir le coeur et l'esprit, Sibylle choisit de l'emmener au Kirghizistan, ce pays d'Asie centrale où l'on peut se perdre dans les grands espaces, où les gens n'ont rien mais vous donnent tout, où le danger rôde, comme partout… Un voyage de plusieurs mois qu'ils vont entreprendre à cheval, seuls afin de se libérer du superflu, de se concentrer sur l'essentiel et tenter ainsi de renouer avec leurs racines, avec des valeurs plus authentiques et peut-être avec eux-mêmes...

Encore finaliste pour le prix Femina, « Continuer » fait partie de ces romans qui vous happent, vous transpercent et vous bouleversent par la justesse de leur propos, l'intelligence de leur réflexion et la beauté de leur langue. Ici, la relation mère/fils est au coeur de l'histoire et Laurent Mauvignier prend le temps de décrire son évolution : le lien que l'on croit rompu, l'absence de dialogue, l'incompréhension, la colère mêlée de haine qui cache au final un amour absolu et inextinguible ainsi qu'un besoin de reconnaissance mutuel.

le ton est juste, réaliste et rend à merveille la dureté de ce fils mêlé malgré lui à une aventure dont il ne comprend pas le sens. Une dureté contrebalancée par la tendresse et la détermination de cette mère prête à tout pour sauver son enfant de lui-même. Des personnages extrêmement attachants de par leur vulnérabilité et leurs failles, mais qui cachent une grande force de caractère et que l'on se prend à admirer et à encourager avec une véritable empathie.

Dans cette aventure née de l'amour maternel, c'est aussi nous, lecteur, que Laurent Mauvignier interroge, en pointant du doigt les travers d'une société rendue malade par la surconsommation, aveuglée par la surmédiatisation et l'importance donnée à l'image et gouvernée par une individualisation poussée à l'extrême. Des travers propices à la violence, la méfiance, la haine, la superficialité et l'isolement que l'on retrouve nécessairement dans notre quotidien… Un roman qui donne à réfléchir sur le monde actuel et fait naître le désir de prendre sac à dos et chaussures de randonnée et de partir à l'aventure en quête de grands espaces !

Bref, vous l'aurez compris, « Continuer » fait partie de mes gros coups de coeur de cette rentrée littéraire car, en plus de me faire voyager, c'est un roman qui m'a émue aux larmes, m'a bouleversée par sa force et sa beauté, m'a donné à réfléchir sur le monde dans lequel on vit et sur les choix que l'on peut faire pour changer les choses. En deux mots donc : lisez-le !

Un grand merci à Babelio et aux éditions de Minuit pour cette très belle découverte !
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De temps en temps, on a la chance de tomber sur un roman, qui , bien que n'ayant rien à voir avec le genre thriller, nous tient en haleine sans répit.

Inspiré d'un fait divers, l'auteur met en scène un ado et sa mère. Rébellion, qui prend la forme de délinquance, solitude et désespérance de la quarantaine avec un bilan très mitigé, ces deux là sont mal dans leur peau.

Au delà des bouderies ordinaires avec casque soudé aux oreilles, Samuel se retrouve impliqué dans une affaire qui se termine au commissariat. C'est une erreur fatale : les parents se déchirent sur les sanctions à appliquer. Mais Sybille tient bon : elle partira avec son fils au Kirghizistan, pour une randonnée de trois mois à cheval.

C'est là que le titre prend tout son sens.

Continuer malgré le poids des échecs passés, des espoirs perdus, qui ont au delà du manque scellé un anathème.

Continuer malgré le danger, réel, des rencontres inopportunes, des pièges qu'un sol inconnu tend au voyageur novice, de la lourdeur des silences qui masquent le blâme.

Mais continuer pour un sourire et une main tendue, une soirée de partage dans la chaleur d'une yourte, pour la beauté d'un paysage grandiose, pour la communion au-delà des mots avec les chevaux, qui sont bien plus qu'un moyen de se déplacer.

Continuer parce que le retour en arrière est impossible, continuer pour que demain ne soit pas pire qu'hier.

La beauté des paysages, la communion avec les chevaux inscrivent ce roman dans le genre nature-writing, le nombrilisme en moins le charme de l'écriture ciselée en plus.

Fortement recommmandé

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Il y a une mère, Sibylle, esseulée entre les 80 à 100 heures de travail chaque semaine à l'hopital, son divorce qui la pousse encore plus loin où il faut oublier les cris, les rancoeurs, la haine de s'être mal aimés, mal compris, mal jugés. La fatigue est obsédante. La télévision allumée laisse les paupières ouvertes mais vides. Les bières noient le désarroi. Un énorme sentiment de gâchis, d'impuissance, de raté s'empare d'elle.

Il y a le fils, Samuel, 16 ans, énième victime de parents armés jusqu'aux os, témoin des cris, des rancoeurs et de la haine. Victime de la crise identitaire de l'adolescence. Déraciné de l'enfance, il plonge dans l'absurdité d'une jeunesse dépravée, en mal d'amour, en mal de repères.

Il y a le Kirghizistan, terre étrangère pour deux êtres devenus étrangers l'un à l'autre. Une mère et un fils en cavale vers une absolution, une randonnée de trois mois à cheval comme celle de la dernière chance pour se sauver l'un et l'autre.

Comment la nature peut-elle les rapprocher dans la forteresse qui les emprisonne l'un et l'autre ? Les silences sont empoisonnés, les mots cognent inexorablement dans le jugement. Samuel en veut tellement à sa mère. du départ de son père, de son apathie quotidienne, de ses idées folles comme cette randonnée en terre étrangère, hostile pour un ado fermé aux autres.
Si les mots ne peuvent briser ni le silence ni les maux, il faut les écrire.
Si le silence enchaîne les maux, il faut libérer une place pour que l'amour soit entendu.
Continuer n'est pas un jeu d'enfant.
Continuer n'est pas un chant d'amour.
Continuer n'est pas simple.
Continuer c'est bien plus qu'une crise identitaire, qu'une crise d'adolescence, c'est un chemin boueux qu'il faut ratisser pour laisser apparaître les fleurs, pour autant que quelque chose pousse à continuer.
Un très beau roman à échelle humaine qui renvoie à un message fort qu'aucun parent ne devrait oublier pour l'amour des siens.
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Un immense coup de coeur pour ce roman, où la nature , les chevaux ont la part belle...mais cela serait bien superficiel de ne se contenter que de ces éléments ... qui sont toutefois le tremplin d'un "road-movie" entre une
mère à la vie "défaite" et un fils, au bord de la délinquance, habité par un désarroi intense.Une très belle histoire d'apprivoisement entre une mère
et un fils, enfant ballotté entre des parents divorcés, non apaisés.

Coup de coeur démultiplié puisque je lis cet écrivain pour la toute première fois. Je "lorgne " ce roman de cette rentrée littéraire depuis sa parution, que j'imaginais à tort trop sombre... mais c'est tout le contraire.


Prendre sa vie en main; ne pas accuser autrui de ses propres renoncements ou défaillances. Prenons notre vie à bras-le-corps et faisons du mieux possible pour honorer nos rêves pour ne pas se retrouver comme notre héroïne, Sibylle, à qui on prédisait un avenir brillant de chirurgien. Belle, engagée à gauche, libre, indépendante, courageuse... elle se retrouve infirmière, épuisée moralement, dénigrée par un mari macho, et insipide... qui lui reproche ses idées, ses fragilités, ses projets farfelus comme cette marche en solitaire sur le G.R de Corse, et où elle a failli perdre la vie... Elle était partie marcher , reprendre goût à la vie, décanter une période de lassitude, par cette échappée.. que son ex. lui reproche,"en boucle".

Un couple désassorti, désuni, se bagarrant, avec un petit garçon au milieu de cette hostilité familiale. Divorce...et Sibylle élève comme elle peut, Samuel ; prénom qu'elle a choisi en pensant à un de ses écrivains de prédilection, Beckett; car OUI, en plus de ses rêves de devenir chirurgien, elle avait en elle un autre rêve qui lui tenait à coeur: écrire un roman, ce qu'elle avait entrepris énergiquement, et là encore, abandon, et travail féroce pour poursuivre, en priorité, ses études de médecine...

Mais pourquoi Sibylle à qui tout souriait, se retrouve à la quarantaine dans cette vie terne et si peu satisfaisante... L'auteur saura maintenir chez lecteur le suspens quasiment jusqu'au bout...Un évènement terrible très lointain aura brisé une grande partie de son élan et de son envie de vivre... Je n'en dirai pas plus !!!

Sibylle veut sauver sa vie qui va à la dérive, mais surtout celle de son fils qui va très mal, dépourvu de projet et d'envie pour débuter la construction de son avenir...

Elle se décide à vendre la maison de ses parents, en Bourgogne, à laquelle elle tenait par dessus-tout. Et avec cet argent, elle veut emmener Samuel, loin, plusieurs mois dans les montagnes du Kirghizistan. En dépit des réticences et du jugement péjoratif de son ex-mari, elle partira à cheval dans cette nature sauvage, immense mais où les Kirghizes ont un vrai sens de l'hospitalité, et s'intéressent vraiment aux autres, aux voyageurs !!
Ce long périple est la possibilité pour que la mère et le fils se connaissent et surtout se reconnaissent... dans cette nature magnifique, tour à tour bienveillante ou hostile, le soin et la complicité avec leurs chevaux, les nécessités à assurer au quotidien...

Ce "road-movie" est aussi prodigue en leçons, apprentissages dont la solidarité, le respect de la nature et des animaux, la tolérance et l'écoute de l'autre avec ses coutumes, sa façon de vivre...le refus du racisme, de l'intégrisme

"-Si on a peur des autres, on est foutu. Aller vers les autres, si on ne le fait pas un peu, même un peu, de temps en temps, tu comprends, je crois qu'on peut en crever. Les gens, mais les pays aussi en crèvent, tu comprends, tous, si on croit qu'on n'a pas besoin des autres ou que les autres sont seulement des dangers, alors on est foutu. Aller vers les autres, c'est pas renoncer à soi." (p. 231)

Un style nerveux, poétique... de longues phrases coulant avec naturel...du suspens, des personnages attachants, des thématiques riches et diversifiées qui résonnent fort dans notre présent et notre actualité...

Un très beau moment de lecture au pays des Kirghizes, sous leurs yourtes, à écouter les uns et les autres, le grand souffle des immensités sauvages et des montagnes, sans oublier les compagnons si précieux que se révèlent les chevaux...sans omettre notre "duo" bouleversant de la mère et du fils rebelle...se redécouvrant et s'apprivoisant !

On peut percevoir les fragilités que peuvent ressentir des jeunes à l'orée de leur existence, ne sachant pas encore ce qu'ils souhaitent faire de leur vie, dans le repli et la peur de l'autre, qui peuvent se laisser entraîner et dériver dans des opinions et comportements radicaux...

Une seule impatience désormais: lire et découvrir les autres écrits de Laurent Mauvignier !!! Pour les "fans" de cet écrivain, je serai heureuse de connaître vos préférences...
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C'est parfois dur de continuer, il y faut plus d'énergie qu'on ne croit.

Une mère et son fils en font l'expérience dans la steppe kirghize. À cheval.

Sibylle y emmène son fils, Samuel, ado à la dérive, rivé à ses écouteurs et à son téléphone, cette forme moderne de l'autisme,  pour l'aider à retrouver le sens de sa vie et à refonder le socle des valeurs qu'elle voudrait partager avec lui...sûrement aussi pour  retrouver, quant à elle, cette estime de soi que sa vie professionnelle, son mariage-  autant d'échecs-  lui ont fait perdre depuis qu'a disparu  ce qui lui donnait la force d'exister et l'audace d'entreprendre.

Pour continuer, il faut d'abord rompre avec la routine.
Pour continuer il faut arrêter de s'engluer dans le quotidien qui sape et qui ronge.
Pour continuer il faut briser le silence, ouvrir les vannes de la  colère ou celles du désir, affronter le risque, la mort, écouter les bêtes, et ce qu'elles nous apprennent du monde et de nous-mêmes, aller vers  les autres, combattre les préjugés, les peurs, les fantasmes, accueillir l'amour.

Mère, fils et chevaux iront jusqu'au bout d'eux-mêmes sur cette route initiatique. Ils continueront. Non sans casse. Non sans peril. Non sans surprise.

La phrase magnifique- rythmée, soutenue, hypnotique-  de Mauvignier sera le fil conducteur, le courant continu, l'amarre infinie  à laquelle se rattacher dans cette traversée dangereuse qui mène à la rencontre de soi.

Un beau récit, tendu comme un filet jeté au-dessus de l'abîme.

On se laisse emporter, on ne peut rien faire d'autre que continuer, nous aussi,  en dépit du vertige.
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Sibylle, si belle, à qui sa vie lui a échappé.
Sibylle, sa vie son échec, la fuite du temps et de ses espoirs.
Sibylle, que l'avenir a presque abandonné, jusqu'au jour où elle sent son fils Samuel déraper, genre de l'autre côté de la barrière, de la rivière, de la cordillère.
Elle n'a pas le droit d'abandonner, maintenant. Elle a trop laissé filer sa vie, sa famille, sa soif. Une bière, une vodka ? L'instinct maternel ou l'amour filial, appelle ça comme tu veux. Elle décide de tout plaquer et partir dans trois mois à l'autre bout du monde, une lubie, une folie, appelle ça comme tu veux, traverser le Kirghizistan en cheval avec Samuel. L'immensité du monde perdue dans la poussière du silence, l'infini des steppes fouettées par la solitude du vent.

Il est difficile d'écrire sur des émotions, celles qui vous touchent, vous bouleversent, vous chavirent. Je suis parti au Kirghizistan, une lointaine contrée où on ne sait jamais placer le h dans son nom, pour y découvrir une nouvelle poussière, le koumis et la vodka. J'ai traversé des steppes silencieuses, des rencontres en russe, l'haleine légère en vodka, la fraîcheur du matin. J'admire le courage de Sibylle, il faut avoir une vraie force intérieure pour se mesurer à ce vent, et surtout affronter ce silence qui laisse tant de places à ses pensées, noires et tristes. Elle ne se demande même pas pourquoi elle est là-bas à des années-lumière de sa vie, pas même le temps d'une nano-seconde, d'une hésitation ou d'un dé de vodka qui coule le long de votre âme. Elle y est, c'est tout, juste pour sauver son fils, lui redonner la vie, le goût. L'envie d'une nouvelle vie.

Chaque nuit, je m'éclipse de la yourte, pour prendre le vent, le regard dans la poussière avant d'admirer le silence et cette myriade d'étoiles qui scintillent dans le ciel. Même la lune est bleue, là-bas, à l'autre bout du monde, dans un autre silence. Je les observe chacun dans leur tente, Sibylle, si belle, et Samuel, si intérieur. de temps en temps, une note de musique déchire la nuit, elle s'échappe du casque de Samuel, à cet âge-là, on ne part pas sans musique. A tout âge d'ailleurs. La musique est un rempart pour se protéger, pour se retrouver, pour survivre même, dans la poussière kirghize, dans les dunes de sables de Lacanau ou dans les vestiges d'un ranch sans nom. David Bowie dans le casque, le héros d'une kyrielle de putains de vie. Bowie au Kirghizistan.

Le monde tourne vite, les paysages défilent comme des pages se tournent, comme des vies s'achèvent. Major Tom, là-haut, Houston on a un problème, la communication est rompue, défaut de faisceaux, d'ondes brouillées parmi les satellites et autres poussières d'étoiles. le silence tourne, comme la fin d'un 33 tours qui n'en finit plus de crachoter son odyssée. Et après le silence, la poussière qui s'installe. le coeur bat toujours, mais par pur mécanisme, plus par lyrisme. Il suffit parfois d'une rencontre pour renverser ses certitudes, un regard, un sourire, une musique. Oui une musique, et une vie peut basculer, et des vies peuvent "continuer". Merci infiniment à Bowie de faire chavirer ainsi nos émotions.

I / I will be king / And you/ You will be queen / Though nothing will / Drive them away / We can beat them / Just for one day / We can be heroes / Just for one day.
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Ma première rencontre avec Laurent Mauvignier. Un éblouissement littéraire.
"Continuer" pour Sybille, c'est tout tenter, quel qu'en soit le prix, pour reprendre contact avec son fils. Un fils à la dérive, barque malmenée, fissurée, qui prend l'eau de toutes parts et que seul l'amour peut écoper.
"Continuer", c'est avoir cette lucidité implacable de renoncer à tout, partir pour se redresser...peut-être. Au risque de tout casser. le lien est si ténu.
"Continuer", c'est prendre tous les risques, tout oser. Oser risquer sa vie pour se la réapproprier -enfin- jouer à la roulette russe la renaissance de son enfant parce que ne rien tenter, c'est déjà l'avoir perdu.
"Continuer" pour Sybille, c'est affronter son passé, ses peurs, sa propre haine, le regard sévère de Samuel sur ses manquements. Tout déconstruire pour s'affranchir. S'autoriser à rire, à jouir, à ressentir. Ne plus subir.
C'est aussi une aventure héroïque au coeur du Kirghizistan, une nature sublime ou âpre, un peuple hospitalier.

Mais c'est aussi et surtout cette découverte de la langue singulière de Mauvignier, un phrasé, un rythme, un sens aigu du détail, ce flot ininterrompu d'émotions, de sensations . Des phrases qui sont parfois d'une longueur déroutante et que l'on dévale comme une pente, sans reprendre souffle, emporté, ivre.
Une écriture véritablement addictive.
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Sybille décide de vendre sa maison de famille pour partir faire du cheval dans les montagnes du Kirghizistan, afin de sauver son délinquant de fils.

Il faut dire qu'elle ne donne pas le bon exemple à la maison, le peu de temps qu'elle s'y trouve. Séparée du père de son fils, elle traîne en robe de chambre, le plus souvent attablée dans la cuisine, les cigarettes se succédant dans le grand cendrier. Son fils la déteste, il préfère son père qu'il ne voit que de temps en temps le weekend.

Sibylle, je l'aime et je la déteste, elle me ressemble trop. Elle donne l'impression de sombrer à chaque claque de la vie. Elle stagne un moment au fond du trou mais c'est pour mieux se relever et elle repart faire sa guerre, increvable (ah je l'ai bien choisi ce mot).

Elle est capable de tout, du pire comme du meilleur, mais surtout de se lancer des défis stupides et insurmontables.

Ce voyage pour faire comprendre à son fils qu'on est aussi responsable de se laisser entraîner dans une impasse que de s'y embarquer soi-même en est un bon exemple.

Pendant ce périple fait d'attaques, d'invitations chez les locaux et de rencontres improbables, Sibylle écrit sa vie, ses regrets, ses forces. Pendant ce temps, son fils l'ignore et continue à la détester, le casque vissé sur les oreilles pour écouter sa musique.

Un autre mauvais choix pendant leur séjour va les faire culbuter dans l'horreur. Pour le coup, Samuel va rentrer un peu plus vite dans le monde des adultes prenant enfin des décisions.

L'auteur écrit des histoires qui ne peuvent laisser indifférent, il va chercher les failles de ses personnages et ensuite il creuse jusqu'au point de non retour.
Lien : https://www.babelio.com/ajou..
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Je découvre Laurent Mauvignier avec « Continuer ». J'ai adoré ! Un très gros coup de coeur.
*
La famille de Samuel se disloque et lui perd pied. Il se perd, se dissout, se désagrège. Invisible, seul, déchiré, mal aimé. Victime silencieuse des relations conflictuelles de ses parents et de leur séparation.
Sibylle se laisse couler comme un poids mort. Sensation d'être une coquille vide, fragile, apeurée.
C'est une descente aux enfers, pour l'un comme pour l'autre.
*
Et puis une idée germe dans la tête de Sybille, une idée folle. Une idée insensée. Comment ne pas essayer de reconquérir sa vie en revenant à ses origines ? Fuir cette vie pour mieux se retrouver et retrouver l'autre. N'y a-t-il pas plus belle preuve d'amour ?

Sibylle décide de tout quitter, pour son fils Samuel, pour elle, pour le retrouver, pour se retrouver, pour le sauver, pour se sauver.
Elle décide de partir, seule avec son fils en pleine crise d'adolescence, dans le Kirghizistan, un petit pays d'Asie centrale, abritant des paysages grandioses et sauvages, dominés par de hautes montagnes et de beaux lacs. Plusieurs mois de trek à cheval.

« On lui avait bien dit que c'était une connerie de partir avec son fils comme ça à l'aventure, seulement tous les deux. Mais elle avait tenu bon, elle avait répondu, qu'est-ce que vous voulez que je fasse ? Vous voulez que je ne fasse rien et que je laisse Samuel plonger et lâcher prise complètement ? Non, ça, c'est hors de question, je ne le laisserai pas tomber. »
Mais suffit-il de partir pour recoller tous les morceaux de sa vie éparpillée ?
*
A chaque avancée de ce périple, le regard du fils posé sur sa mère. le regard de la mère posé sur son fils.
Une attente. Un déclic.
Une réaction de son fils. Une réaction de sa mère.
Les silences sont des cris.
Cris de colère, de souffrance, de peur, de dégoût, de ressentiment.
*
C'est un magnifique roman sur les émotions et les sentiments.
Emotions à fleur de peau. Ambivalence des sentiments.
Peur de ses émotions exacerbées, peur de soi, peur des autres.
Honte de soi, honte des autres.
Haine envers soi, haine envers les autres.
Rejet de soi, rejet des autres.
Colère de ne pas être ce que l'on voudrait être. Colère de ne pas recevoir ce que l'on attend de l'autre.
Désespoir.
Mais continuer, pour ne pas reculer.
Continuer à avancer.
Pour soi. Pour l'autre.
Aller au bout.
*
Aller aussi à la rencontre des nomades et de leurs traditions.
Se confronter et s'ouvrir aux autres, à une autre langue, à d'autres coutumes.
*
Puissance des mots, des messages, je ressors de cette lecture conquise par le style de l'auteur, par son écriture, toute en délicatesse. Les chapitres courts s'enchaînent, rythmés par des phrases courtes ou très longues, par une écriture poétique ou parfois argotique.
Les personnages sont attachants dans leurs imperfections, leur vulnérabilité, leurs espoirs.
*
Un roman magnifique sur la part caché de chacun, un roman sur la tolérance, la résilience et la rédemption.
Ce roman fera sûrement parti de mes plus gros coups de coeur de l'année 2021, c'est certain, même si l'année ne fait que commencer. A lire absolument.
*
« Finalement, on n'est peut-être pas définitivement ce que l'on est. »
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Sibylle traîne son mal être entre son travail à l'hôpital et l'éducation de son fils adolescent avec lequel tout dialogue semble rompu. Elle vient de divorcer et a quitté Paris pour s'installer à Bordeaux. Tout bascule le jour où son fils est impliqué dans un sordide fait divers lors d'une soirée trop alcoolisée.
Avec la bénédiction des services sociaux et du Juge des Enfants, Sibylle emmène « de force » son garçon au Kirghizstan pour 6 mois de chevauchées dans ce pays rude et totalement inconnu. Pour renouer un lien perdu, sortir le jeune ado de la médiocrité dans laquelle il semble baigner. Evidemment, le voyage va être parsemé de péripéties, de drames et de rencontres.

Je découvre Laurent Mauvignier avec ce Continuer. Et bien c'est une très chouette découverte et je vais m'empresser d'en lire d'autres.

Parce qu'il a une vraie belle écriture. Parfois répétitive, comme hypnotique, des phrases longues qui s'enroulent. Je comprends que cela peut déplaire mais je me suis laissée emportée avec plaisir (D'autant plus que je trouve rarement mon compte avec les auteurs français contemporains). J'ai adoré notamment l'écriture de la scène de banquet et d'ivresse.

Parce que c'était chouette de se laisser guider au Kirghizstan (cela change de Paris).

Parce que l'acharnement de Sibylle m'a ému.

Bon je reconnais qu'il y a quelques bons clichés sentimentaux un peu cucul dans ce roman mais il a des qualités qui dépassent largement ce défaut.

Et puis ce titre…Continuer, je le trouve simple et très beau !
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