Si on dit Bloc de Duccio, c'est peu évocateur
Si on évoque le contrapposto, cela reste flou
Si on évoque celui que les florentins appelaient "Il Gigante", l'horizon s'éclaircit un peu
Si on parle de 4m34 de haut pour 5,5 tonnes, l'étau se resserre
Cette fois cet ouvrage de la collection nous donne rendez-vous à Florence, au Cinquecento. Pour nous emmener dans les secret et vicissitudes de la création du chef d'oeuvre, ou l'un des chefs-d'oeuvre, de Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simon : le David taillé dans le Bloc de Duccio.
Après un échange avec
Benvenuto Cellini qui se pose des questions quant à la confrontation de son Persée dans la Loggia des Lanzi (à mon sens certainement l'un des plus beaux bronzes qui soit) avec le David.
Michel-Ange de lui expliquer "Cinquante ans les séparent mais elles représentent toutes les deux la victoire de la jeunesse cet de la beauté sur le mal. Elles relèvent chacune d'un art différent. À mes yeux, elles ne s'opposent pas, elles se complètent"
Et d'ajouter : "J'ai moi-même expérimenté et je sais de quoi il retourne ! La sculpture sur pierre ne tolère aucun repentir, contrairement au bronze et à la peinture."
On suit la naissance de ce colosse des mains de
Michel-Ange et de sa confrontation avec
L Histoire.
L'artiste relisant le chapitre XVII du 1er livre de Samuel. « Les armées des Israélites et des Philistins étaient face à face en ordre de bataille quand Ie Philistin de Gath, nommé Goliath, s'avança et mit au défi Saül, le roi d'Israël, de désigner un guerrier qui l'affronterait dans un combat singulier ; le vainqueur déciderait de l'issue du conflit et asservirait le camp vaincu. [...] David, le plus jeune fils d'Isaï, [...] ajouta : "Que personne ne se décourage à cause de ce Philistin ! J'irai me battre contre lui. [...] David ne voulut pas porter l'armure qu'on lui proposait, elle l'aurait entravé, il alla donc affronter Goliath muni d'un bâton, d'une fronde et de cinq pierres lisses. La première pierre atteignit le Philistin en plein front. David s'approcha de Goliath et lui trancha la tête avec sa propre épée. »
L'artiste se plonge alors également dans les oeuvres de ses aînés, pour comprendre quand et comment figer l'action. En voyant celui de Donatello, lui vient l'intuition de le représenter nu et déhanché, mais la nudité symbole de pureté, comme la voyaient les Grecs. A l'égal des Antiques.
Le Grecs avaient inventé le mouvement dans la statuaire, les sculpteurs l'avaient ensuite oublié. Et de choisir un David vivant, en mouvement, face à son ennemi.
L'artiste qui depuis la grande époque de la statuaire grecque a été le premier à vraiment comprendre que le nu et le grand art figuratif n'étaient qu'une seule et même chose. Avant lui, le nu n'avait été étudié qu'à des fins scientifiques et utilisé comme moyen d'appoint pour représenter la figure vêtue. Lui le reconnut comme une valeur en soi et comme le but ultime de son art. le nu et l'art furent pour lui des notions de même importance.
Le marbre a été le destin de
Michel-Ange. C'est dans le marbre uniquement qu'il aimait donner vie à ses formes, dans le marbre uniquement qu'il travaillait avec plaisir, fougue et endurance.
Michel-Ange lui même écrivit :
De la pierre vivante si l'art est capable
De conserver jour après jour son beau visage
Tel qu'il fut, le Ciel ne pourrait-il
Lui-même, puisque c'est de sa main
Qu'elle a son existence, lui conférer
Tant de durée que (non pour que je la voie)
Qu'elle demeure, non plus humaine, mais déesse ?
Pourtant tout passe et rien ne dure. j'ai gâché, il me semble, l'essentiel,
De sa chute en ce monde il n'est plus que la pierre.
Qui vengera l'opprobre ? Nulle autre que nature.
Car tous ses fruits suivent le cours du temps,
Et seul dure ici-bas ce qu'ont fait ses enfants.
Stendhal lui-même disait : "devant un personnage de
Michel-Ange nous pensons à ce qu'il fait et non à ce qu'il sent."
Et bien ce livre nous permet à la fois de ressentir, de penser, et de sentir le souffle de l'artiste...Et pourquoi pas la poussière de marbre tomber comme la neige en plein hiver...