Henriette Lasnet de Lanty est une femme ordinaire qui a accompli des choses extraordinaires. Elle a un mari, des enfants, le pays est en guerre mais elle n'est pas directement menacée. Elle n'est pas juive, tzigane, homosexuelle,... bref elle ne fait pas partie de ceux qui ont été déclarés «inférieurs» par les nazis et doivent mourir. Elle aurait pu, si elle avait voulu, courber l'échine et attendre que l'orage passe, laisser les autres lutter pour la France, pour recouvrer la liberté. Elle aurait pu se dire que son mari faisait de la résistance et que s'il était arrêté il faudrait bien que quelqu'un continue à veiller sur ses enfants. Elle aurait pu se dire que tout cela ne la concernait pas directement, que c'était trop risqué, ... Pourtant elle a choisi de risquer de perdre ses enfants, son mari, sa vie pour défendre ce en quoi elle croyait.
Son livre est touchant. Elle nous raconte ce qu'elle a vécu avec une simplicité et une humilité déconcertante. On ressent à travers sa plume que ce qu'elle veut c'est tenir la promesse faite à celles qui ne sont pas revenues de raconter, de dire ce que les nazis ont fait, pour que ses soeurs de souffrance ne soient pas oubliées et ne soient pas mortes pour rien dans l'indifférence générale. Elle nous raconte toutes les étapes, de son entrée dans la résistance jusqu'à sa libération. Souvent les témoignages sont accès sur ce qui se passait dans les camps, j'ai apprécié d'avoir un témoignage qui nous détaille ce qui se passait à Fresnes et mais aussi entre le moment où les camps ont été libérés et celui où les déportés ont regagné la France. La libération des camps n'a pas totalement mis fin au calvaire des déportés et beaucoup d'entre eux sont morts sans obtenir d'aide et sans jamais revoir la France. J'ai aimé aussi le fait que ce livre nous rappelle que les résistants ne sont pas seulement des hommes armés tapis dans l'ombre mais qu'il s'agissait aussi d'actes moins spectaculaires comme de récolter du courrier pour le faire passer d'un point A à un point B. Cala peut paraître moins dangereux, mais les riques encourus et le châtiment infligé étaient les mêmes.
J'ai apprécié que le récit de Henriette Lasnet de Lanty soit respecté dans son intégralité car bien que certains faits soient erronés ils ont été laissés en l'état et commentés par des notes en bas de page pour rétablir la vérité historique. Non pas que l'auteur ait menti, simplement certaines rumeurs courraient dans les camps et les déportées pensaient qu'il s'agissait de la vérité. le fait qu'elles aient pu croire des choses aussi horribles montre bien l'état d'esprit dans lequel elles se trouvaient: l'horreur faisait tellement partie de leur quotidien que plus rien ne les étonnait.
Je suis admirative de cette femme qui dans les pires moments ne lâche rien et tient tête à ses bourreaux. Jamais elle ne les laisse l'atteindre, malgré les coups et les humiliations, elle garde la tête haute et refuse de leur abandonner son humanité. Qu'il s'agisse d'induire en erreur un soldat Allemand pour qu'il se perde en plein Paris, de ralentir la cadence dans l'usine où elle se trouvait contrainte de travailler, de porter des messages, ou même de conserver son alliance au doigt au mépris des risques encourus,
Henriette Lasnet de Lanty n'a jamais cessé de s'opposer, de tenir tête, de résister. Elle fait partie de ceux qui se sont sacrifiés pour permettre aux générations suivantes de ne pas vivre dans l'horreur et qui pourtant sont restés complètement anonymes.
Merci beaucoup à Babelio pour ce livre reçu dans le cadre de la masse critique non fiction et aux editions le Félin. Cela m'a permis de découvrir la collection «Résistance Liberté-Mémoire.