J'attendais cette BD avec impatience...
Pas parce que c'est l'adaptation d'un livre à succès, le récit d'errance intimiste de MacCarthy, mais plutôt pour l'auteur qui l'a adapté... Gage de réussite. La couverture a aussi fait pencher la balance...
Sombre et déchéante, l'adaptation de
Larcenet est d'une grande réussite. Il transcrit admirablement bien en BD, cette dure et interminable route, parcourue par un père et son fils, alors que l'Humanité part en fumée.
Le texte est concis mais efficace. Les quelques bulles, disséminées ça-et-là, ne gâchent en rien le plaisir de lecture.
Le style graphique de
Larcenet a nettement évolué, vers un style plus réaliste qu'à l'accoutumé. Que de chemin parcouru depuis ses aventures avec
Fluide Glacial !
Je me délecte de ses nuages de matières,
presque informels, qui convoquent mon imaginaire. Je me régale aussi des détails du trait, quand il s'agit de représenter une nourriture irrévocablement perdue. Une précision du dessin qui peut aussi donner la nausée, parfois à rebours, lorsque
Larcenet donne à voir la misère post-apocalyptique...
Car, le but est simple : survivre. le propos de
Larcenet n'en demeure pas moins profond, dans la veine de ses précédents albums : l'amour de la vie (Retour à la terre), à laquelle les héros s'accrochent du mieux qu'ils peuvent, mais aussi les tréfonds de la moralité humaine (Blast) et une dimension psychologique aiguë (Thérapie de groupe). le vertige de l'abîme !
Bien sûr, il y a aussi une part de
Larcenet dans ce livre, dans ses représentations... L'auteur a participé à réinventer la BD, au tournant du siècle, vers l'auto-fiction. Il semble ainsi s'incarner dans la figure du père : calvitie, barbe, casquette... ne manque que les tatouages et l'embonpoint.
La route met aussi en scène les relations d'un père et de son fils, coupés du monde. Une certaine vision de la famille face à la crise, la mère n'étant plus que dans leurs esprits...
Par ailleurs, la transmédialité est un chouia étonnante pour
Larcenet. Mais, si le roman La route a été placé sur un piédestal, récompensé par le prix Pulitzer fiction en 2007, la BD fait aussi écho à elle même, avec le fameux Walking dead (2003)...
En tout cas, La route de
Manu Larcenet est une adaptation très intéressante. C'est aussi un pied-de-nez au Monde sans fin de Jancovici, montrant très clairement certains dangers du nucléaire...
Le tirage limité offre un vrai plus, avec un cahier graphique sur beau papier, dont un passage inédit et plus personnel du dessinateur, rendant cette édition indispensable à mon sens.
S'il n'est pas le plus éloquent à la télé...
Larcenet demeure l'un des auteurs les plus talentueux de notre temps. Que l'on aime, ou que l'on aime pas, chacun de ses livres est une leçon de narration graphique.
Et pourtant, il reste d'une grande humilité.