Seize ans après les derniers coups de feu, que reste-t-il d'une guerre ? Des paysages trompeurs, des mémoires percées, des témoignages douteux... Et puis la vie, la vie qui va au café, qui prend des bains de soleil, qui se tortille devant les juke-boxes et qui, patiemment, semble vouloir effacer toute trace du carnage. C'est ce dont Abel Leclerc fait l'amère expérience, lui le soldat québécois, débarqué en juin 1944 pour délivrer la Normandie de ses ancêtres et qui, à la faveur d'une commémoration, revient sur les lieux que son ami Jacques et lui ont découverts sous les bombes. Le pays qu'il retrouve n'a plus rien à voir avec celui qu'il a connu : sur les plages du débarquement, les vacanciers ont pris la place des cadavres que les crevettes venaient jadis ronger à marée haute et les anciens combattants allemands se font photographier devant leur bunker par des vétérans alliés. Abel lui-même s'avère incapable de retrouver l'endroit où il a débarqué.
Et puis vient la rencontre de Bérengère, jeune femme libre des années soixante, au passé douloureux, qui va le guider dans sa quête. Quête de Jacques, son ami mort dans des circonstances atroces. Quête d'une France qui, comme Bérangère, s'étourdit de plaisir pour tenter de surmonter les rancœurs et les fractures héritées de la guerre. Quête de lui-même, enfin, qui est revenu brisé de la tuerie : « … je suis orphelin, confesse-t-il. Orphelin depuis 45. » Et le miracle s'opère : d'abord « enlisé dans aujourd'hui », Abel parvient (comme au cours d'une analyse) à remonter le passé, à le reconstituer bribe après bribe, jusqu'au traumatisme initial. Bien sûr, tout cela reste fragile, et ces images, souvent d'une rare violence, que le personnage arrache au passé, rien ne nous garantit qu'elles soient exactes : «Ça recommençait le bal des incertitudes ! » s'écrie-t-il d'ailleurs dans les derniers chapitres.
Il n'empêche, c'est un homme apaisé qui repart chez lui, à la fin du roman. Un roman faulknérien magnifiquement écrit, où présent et passé s'interpénètrent en permanence, et où le récit s'organise autour de grandes métaphores, que l'auteur file avec talent comme les leitmotivs d'une symphonie.
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Un livre difficile à lire. le thème, la guerre, est souvent abordé mais, pourtant, on ne peut pas dire qu'il fasse parti des livres de d'habitude. On sort un peu des sentiers battus et on est propulsé tantôt vers le passé, en somme vers l'horreur, puis transporté dans le présent, un présent difficile, fait de souvenirs douloureux, d'images qui ne s'effacent pas, de corps sans vie qu'on ne peut oublier. Un personnage qui s'accroche à la vie tant bien que mal mais qui est retenu sans cesse par les chaînes du passé, qu'il lui faudra briser définitivement en essayant de reconstituer les drames et les traumatismes d'autrefois.
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Un très beau roman qui nous place dans le regard d'un canadien, Abel, qui revient sur les plages où il a débarqué et perdu Jacques, son ami. La fiancée de ce dernier espère trouver sa tombe et entraîne Abel dans sa quête de vérités.
Si le paysage a changé, rendant pour Abel le retour difficile, c'est lui-même qu'il finira par trouver pour repartir libéré vers le Québec.
Une écriture très belle mais une lecture un peu compliquée, alternant souvenirs et présents, on s'y perd parfois.
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Il tourna plusieurs fois dans ce vaste terre-plein et s'arrêta devant un trou herbu, ancien emplacement individuel pratiqué jadis, à la hâte, par un fantassin creusant frénétiquement. Oui, c'était bien un fox-hole, un trou de renard, trou de tireur isolé. Les contours s'étaient arrondis. Il y plongea. Le fond sentait la mort végétale. Il s’appuya du ventre contre la terre froide, les épaules dégagées, regardant Verville, à hauteur de combat. A ce niveau-là, un tout autre monde lui apparaissait. Il se sentait bien, dans cette baignoire de terre, à relever le nez sans entendre les balles siffler.
A Québec, le paysage je l’avais dans la tête. Alors j’ai cru que je m’y retrouverais. L’instinct. Vous comprenez, le flair ! Quelle blague ! Il n’y a qu’une chose qui coïncide : cette plage plate, son goémon, ses puces de sable, ses mouettes et la marée. Mais ça s’étale sur des dizaines de kilomètres !
Je me disais qu’un lieu où l’on a risqué sa vie… ça ne s’oublie pas. Eh bien, je le trompais. Quand on a débarqué sur ces plages d’enfer’ on était sur qu’on allait mourir…
La vie avait largué ses morts dans les îles désertes du temps et cinglait sous le vent.
C'était hier Zola
Courte séquence filmée autour de
L'Oeuvre de
ZOLA à partir de banc titre : journaux d'époque,
caricatures, dessins et
photos. En plateau,
interview d'
Armand LANOUX sur mort la mystérieuse de
ZOLA par asphyxie et
interview de Stellio LORENZI à propos du film qu'il tourne sur
ZOLA.
présence de Philippe RAGUENEAU.