Je remercie Babelio ainsi que les éditions de l'Observatoire pour m'avoir offert ce livre, dans le cadre de l'opération Masse critique non-fiction.
Je connais
Etienne Klein pour l'écouter régulièrement dans ses émissions radio « La conversation scientifique » et également via des vidéos sur internet. Et je l'apprécie beaucoup.
Ici, dans ce livre, je le retrouve dans son rôle de passeur, de personne intelligente qui cherche à faire des liens, des ponts, de donner des éclaircissements ou de compliquer les choses apparemment simples, un type qui aide à grandir, un pédagogue.
On entend sa voix dans ses écrits, on retrouve
Etienne Klein, il y a un plus par rapport à un ouvrage tout à fait désincarné. Que ce soit avec sa manie des anagrammes, ou avec sa manière de formuler les paradoxes ou celui plus intéressant de les imager.
Ce livre est assez court, il balaie plusieurs thèmes autour d'un sous-titre : essai de philo-physique.
Ceci dit :
« Il ne s'agira pas, bien sûr, de prôner une improbable fusion de la physique et de la philosophie qui conduirait à regrouper leurs épreuves aux examens (« Déterminez l'équation du mouvement d'un astéroïde de masse m en tenant compte de l'insoutenable légèreté de l'être », « La théorie de la relativité générale signe-t-elle dialectiquement la mort de Dieu ? », « Selon vous, la formule E = mc² démontre-t-elle qu'une volonté de puissance se cache derrière tout désir de connaissance ? »). Non. Plutôt de crée une atmosphère superfluide, d'éther souple soutenant l'ondulation des diverses thèses en présence, voire de produire entre elles des interférences aussi lumineuses que possible... »
On est dans une problématique de la limite du langage, de la langue et de la définition même des concepts, jamais assez fine ou assez large. Difficile de penser du neuf avec de telles limitations... Il faut pouvoir élargir, inventer de nouveaux termes pour penser et philosopher autrement.
Le temps : « le moins que l'on puisse dire, c'est que
le temps n'a pas de vertu oecuménique : en parler n'équivaut jamais à le dire, encore moins à le saisir, de sorte que tenter d'accorder les violons à son propos revient à vouoir sculpter l'océan. »
Le néant : « Tel est le paradoxe existentiel du néant : penser « le rien » n'est jamais penser « à rien ».
En conséquence, le néant ne demeure matière penser que tant que l'on n'y pense pas, puisqu'il devient matière dès qu'on y pense... »
La science et la physique ont bouleversé et ont été bouleversées, avec Newton, avec Einstein et
la physique quantique ensuite. de profondes fissures dans la compréhension de la réalité, des choses. Qu'on ne peut pas ne pas tenir compte de cela et de ces effets. Mais comment avec quels mots, comment se comprendre, pour comprendre.
Au-delà du fait qu'il faut traduire dans les autres langues ce qu'on a déjà impossibilité d'écrire dans la sienne...
Klein propose de prendre une position "entre", pas tout à fait dans la physique, pas tout à fait dans la philosophie, se livre cherche et se cherche ; le lecteur perd, se perd ?
Ce réel de plus en plus insaisissable, qui ne se montre pas, comment le comprendre, le saisir, l'expliquer... Des questions sans réponses qui n'amènent de nouvelles questions.
De toute façon, les observations contredisent les théories qui contrefont les observations.
Le big data ouvre plein de perspectives, pouvant renverser la logique habituelle de construction des connaissances, par la masse immense des données, on pourrait en faire dériver des lois universelles ? Ou vérifier des lois universelles existantes ? Les ? Sont sans doute superflus. Mais les données doivent être bien interprétées, là est toute la complexité.
L'hypothético-déductif pourrait ne plus avoir de place face au poids de ces données en masse qui parleraient d'elles-mêmes ?
Klein insiste-résiste toutefois « ... la théorie en « dit plus » que les données, notamment par le fait qu'elle explicite des lois que les données n'illustrent jamais que de façon partielle. »
Je n'ai pas parlé de la masse, je n'ai pas parlé de la causalité, pas assez de la flèche du temps... le livre en parle beaucoup mieux que moi.
Un peu déçu car il me manque une bibliographie plus étoffée, on a seulement quelques morceaux mis à l'intérieur en notes de bas de page. Un index des noms et termes aussi aurait été un plus.
Bref, je vais conclure étrangement : disons que j'ai à la fois apprécié ce livre, comme j'apprécie son auteur, et à la fois je suis déçu, je trouve que ça ne va pas assez loin, je ne comprends pas tout à fait l'objectif ni surtout à qui peut s'adresser ce livre. Moi qui ne suis ni philosophe, ni physicien. Si la négative est une manière de se définir...