À quoi bon ajouter une critique ? .
Tout a été dit déjà.
C'est mon quatrième livre de cette jeune auteure , mais que d'émotions à la lecture !
À travers cette double biographie , une femme âgée met à plat sans langue de bois ni pathos, honnêtement, un parcours animé, vivant, douloureux , d'amitié amoureuse —— élans amoureux brûlants——- entre tumulte des sentiments , douleurs anciennes ravivées , regrets , rancoeurs anciennes , paradoxe de ces deux vies entrecroisées, toute passion dépassée !
Un livre bouleversant où l'auteure explore les âmes avec une infinie délicatesse où le sacrifice , le dévouement inconditionnel , côtoient l'amitié , la blessure , le manque, le drame, la tragédie, la rupture .
Elle peint avec subtilité , intelligence et profondeur la force implacable qui lia Helen et Franck , jeune homme égoïste , oisif, négligent et fantasque ———il deviendra un peintre célèbre ——-à l'éblouissante carrière , Helen, une femme sensible , discrète ,efficace ,intelligente , qui facilitera la vie de Franck, entièrement dévouée à l'homme qui enchantera sa vie et l'assombrira tout autant.
À travers des chapitres courts , magnifiques l'auteure peint ces deux êtres : ils se sont aimés ,liés , déchirés , séparés ….
Le besoin constant qu'ils ont eu l'un de l'autre …..
On les suit depuis leur rencontre en 1950 à Rome encore adolescents jusqu'en janvier 1995, à Londres , Amsterdam, Venise, Boston,La Normandie , et Londres à nouveau…..
Chaque étape , chaque souvenir s'incruste dans un parcours de dévouement inconditionnel à un garçon frivole ,solaire, égocentrique , irrespectueux, quelque part irresponsable .
Un livre subtil, sensible, sorte d'analyse psychologique, dévotion d'une femme à l'égard d'un homme , relation compliquée , très forte , profonde, puissante , parfois dangereuse d'un grand amour !
Magnifique analyse d'un GRAND AMOUR !
« Je crois qu'il y a bientôt six heures que je te parle tout bas.
Cela aura été notre vie, Franck.
C'est tout. Embrasse - moi . Pour tout le reste , il est trop tard .. »
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Helen a 72 ans. Quand elle croise par hasard dans une rue de Londres Franck qu'elle n'a pas vu depuis vingt ans, c'est le moment, enfin, de tout lui dire. Confession murmurée, écrite ou parlée avec les yeux: on ne sait. Elle durera six heures pendant lesquelles Helen revisitera sans concession mais le coeur apaisé leur longue histoire commune, depuis leur adolescence errante d'ambassade en ambassade, l'explosion de la carrière de peintre de Franck jusqu'au retrait normand. Fusionnels mais pas sur la même vibration, l'un dans l'ombre de l'autre, parlant beaucoup mais jamais de l'essentiel, jusqu'au drame.
Coup de coeur inattendu pour ce livre découvert à l'occasion du prix Libraires en Seine, et qui est l'illustration parfaite de cette rare alchimie qui advient entre un livre et son lecteur, moi en l'occurrence, qui ai été aspirée dès les premières lignes par les mots d'Helen.
Il s'en dégage une musique si mélancolique, une puissance d'évocation si réelle que l'on ne peut s'empêcher ni de s'identifier, ni de tourner les pages pour remonter avec Helen le cours de son histoire belle et tragique avec le bel Appledore, si proche et si lointain.
Beau à pleurer.
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Un roman brillant qui parle de sacrifice et d'amitié, mais aussi d'art et de célébrité.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Le dernier roman de Julia Kerninon offre un univers qu’il fait bon côtoyer, où s’incarnent des personnages forts, pétris de paradoxes et de beautés.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
« Ma dévotion » est l’adresse d’une vieille femme à un vieil homme, toutes passions et douleurs anciennes ravivées. Subtil.
Lire la critique sur le site : LeMonde
- Tu es là ! J'allais te chercher ! Viens voir !
Et tu m'as tirée dans la pièce par le bras et c'est là que j'ai vu, pour la première fois, ton premier tableau. La peinture était encore fraîche, l'image pas tout à fait fixée, mais tout était là, les bleus et les ors, les rouges, les noirs profonds, et la précision, et l'ampleur devant laquelle je suis restée interdite cette fois-là comme toutes les autres où j'ai revu le tableau après. Il faudrait pouvoir dire ce que c'était, de pousser une porte de sa propre maison et de tomber sur une chose comme celle-là. Le tableau absorbait littéralement l'espace, on ne voyait que lui, nous étions devant le tableau mais aussi dedans, avalés. Je pensais aux cerisiers en fleurs dans les giboulées d'avril, quand en quelques heures un arbre laisse tomber au sol un épais tapis rose, je me sentais comme un de ces cerisiers, les bras m'en tombaient, et tu étais à côté de moi, tu avais repris dans ta main une tasse de café froid et tu t'allumais une cigarette et me scrutais, pas tant pour connaître ma réaction que pour en jouir pleinement, parce que tu savais très bien ce que tu venais de faire.
J'étais la fille unique de cet homme là, mais moi, je n'ai jamais su "dire". J'ai écrit des dizaines de milliers de mots, dans ma vie, mais les prononcer a toujours semblé douloureusement hors de ma portée. Si je t'avais parlé à temps, Frank. Si je t'avais une seule fois, dit quelque chose au lieu de simplement "faire", toujours tout faire, si j'avais su utiliser les mots qui étaient pourtant, sous leur forme écrite, ma compétence la plus achevée, si j'avais su les dompter pour qu'ils portent ma voix, rien de tout cela ne serait arrivé, n'est-ce pas ? C'est pour ça que je parle, maintenant, et que tu dois m'écouter.
Lorsque quelqu'un est aussi discret que moi, personne n'imagine qu'il puisse avoir un tempérament passionné. Les gens pensent que ma personnalité est un genre de bruit blanc, que le silence que je fais en société est l'écho de celui qui résonne, depuis toujours, dans l'espace clos de ma tête, sous les cheveux coiffés. Mais - je le sais mieux que personne - il ne faut pas juger un livre à sa couverture.
Et même quand je suis venue vivre avec vous, même quand nos trois ombres dessinaient devant nous une image familiale sur le bitume des routes du Perche, tu n'as jamais saisi que j'étais venue pour ton enfant. Comme les fées qui dans les contes viennent échanger leurs affreux rejetons contre des petits d'hommes qu'elles arrachent à leurs berceaux pendant la nuit, j'étais venue, moi, échanger ma stérilité et mon mariage échoué contre une place au chaud dans ta vie lumineuse.
Comme la plupart des gens, lorsque j'ai commencé à me détacher de cette histoire d'amour, j'en ai imputé d'abord la responsabilité à mon partenaire, j'ai puisé aux riches heures des premiers temps pour ciseler des armes sournoises, taillées dans la matière même de notre entente et donc d'une efficacité inégalable pour la défaire. J'ai retourné ses mots comme ma veste, je l'ai provoqué, humilié, j'ai tout fait pour lui essorer des larmes, j'ai brûlé ce que j'avais aimé, parce qu'en quittant quelqu'un nous cherchons souvent à dire adieu à une version de nous qui en est venue à nous sembler trop étroite, trop usée, et nous débattons violemment pour nous en extraire comme d'une venimeuse tunique de Nessus.
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