C'est un titre très curieux, non dépourvu de qualités, mais qui me laisse dubitative.
Han Kang a déjà publié aux Éditions Zulma, ainsi qu'à feu Les Editions du Serpent à Plume. La littérature sud-coréenne me laisse, à chaque fois, l'impression de pénétrer dans un pays différent, tellement les univers des autrices (il se trouve donc que je n'ai lu que des autrices sud-coréennes) sont dissemblables. L'autrice
Han Kang est multiprimée dans son pays aussi bien qu'à l'international, j'ai donc décidé de tenter l'aventure avec la lecture du dernier roman de cette autrice largement reconnue par ses pairs dans son propre pays comme à l'international.
Dubitative, parce que pour moi, ce roman est composé de plusieurs parties dont je ne suis pas arrivée à faire le lien, et que j'ai fini le roman avec quelques questions qui n'ont pas trouvé de réponse. Plein de qualités, car il évoque une page d'histoire de la Corée du Sud, dont il faut dire que je n'ai absolument aucune notion ou repère, pas la plus belle des pages certes, pas celle que l'on se remémore avec nostalgie, bien au contraire. Mais une page marquée au fer rouge dans l'histoire du pays et les arbres généalogiques d'une partie des Sud-Coréens. Ce roman, je le disais, est composé de trois parties : Oiseaux/Nuits/Flammes. La personnage principale est une autrice qui raconte un rêve fait cinq ans avant le fil narratif qui de déroule en 2019, deux mois après la parution de son livre dont le sujet est un massacre dans une ville, dont on ne sait pas le nom, dans les premières dizaines de pages du moins. Un rêve menaçant, entre neige et mer, qui l'avait profondément marquée, mais qu'elle avait remisé dans un coin de son cerveau. Un présent, constellé de deuils récents, plongée dans une solitude absolue, sans plus aucune famille, un travail perdu, comme l'envie d'écrire, dans un appartement d'une banlieue de Séoul : c'est la léthargie dans laquelle s'est lentement enfoncée la femme, en train de composer son testament. Jusqu'à ce qu'elle retrouve la force de revenir sur ce qui est l'une des causes de cette apathie : la consultation des documents pour les besoins de son livre en 2012. Des réminiscences de massacres de toute une frange de la population dite communiste post-Seconde Guerre mondiale.
Gyeongha, la narratrice, vit dans un rêve – qui tourne au cauchemar bien souvent – éveillé, celui d'une réalité perturbée par des éléments sortis tout droit des documents dont elle s'est servie pour rédiger son livre, et c'est déroutant. Ce procédé est utilisé tout au long du livre, brouillant les repères narratifs sur la temporalité ou bien même sur le bien-fondé de la réalité que l'on présente. On apprend très progressivement les événements auxquels se réfère l'autrice de fiction, quelques éléments révélés ici et là, nous, lecteur prenant progressivement compte de l'horreur qui se révèle au fur et à mesure.
C'est la réapparition dans sa vie de son amie, photographe, Inseon, qui va faire office de déclencheur à la résurgence, celle qui habite l'île de Jeju, située au sud du pays, où a lieu en 1948 le soulèvement éponyme : une insurrection qui a vu près de 30 000 sud-coréens être massacrés par l'armée en charge de réprimer l'insurrection. Et c'est en retournant là-bas, chez son amie dont les aïeux comptent parmi ces disparus, sur les lieux du crime commis soixante-dix ans plus tôt que le récit de cette révolte, et des assassinats méthodiques et froids des insurgés ressurgissent et s'emparent de la réalité.
Impossibles Adieux, c'est aussi dans ce livre le projet des deux amies, l'une photographe, l'autre journaliste, pour établir une oeuvre d'art, pour commémorer les disparus, qui restent d'une façon ou d'une autre rattachés à cette réalité.
On a perdu le curseur de la mort, à ce point de l'histoire, et de la réalité, je ne suis pas vraiment parvenue à comprendre ce que l'autrice a voulu faire de Inséon, une entité dédoublée, le corps à l'hôpital, l'esprit en compagnie de son amie chez elle à Jeju ? Sans doute, faut-il y voir la tentative de se sortir de leur propre réclusion mentale, pour elle comme pour son amie, aux côtés de ces ombres hantant mémoires, lieux et esprits, ombres d'enfants, femmes et hommes qui n'ont jamais reçu de sépulture, rendant de ce fait ces Adieux impossibles. Un hommage essentiel qui leur permet de renouer.
Si le texte peut se voir comme une mise en abyme de ce que l'autrice sud-coréenne fait de son texte, un hommage aux personnes massacrées puis oubliées par tous, ce qui m'a surtout marquée, en dehors naturellement de cet abyme dans l'histoire coréenne, c'est cette écriture délicate, toujours sur le fil, peut-être un peu trop allusive certaines fois, mais toujours élégante, mêmes dans les moments les plus rudes de la narration.
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