Un instant d'exaspération… avec ma critique largement rédigée, qui disparaît !!! Je ne vais pas me laisser décourager … d'autant que je quitte très à regret ce très beau livre, qui m'a fait connaître une « belle personne », écrivain-philosophe-enseignant de talent, mais resté totalement méconnu. Nous ne pouvons qu'éprouver une large reconnaissance à l'encontre de
Jérôme Garcin… à nous faire partager son admiration envers
Jacques Lusseyran…
Cette biographie, hormis les émotions que nous ressentons successivement au fil des coups du destin qui auraient dû abattre cet homme mais l'ont au contraire renforcé dans son appétit de la Vie, du monde , de la Connaissance sous toutes ses formes…nous offre d'autres sentiments intenses , remuants, bouleversants ; lorsque l'auteur explique la ligne constante des raisons de son travail d'écrivain et les sujets qui perdurent au fil du temps : rendre immortels par l'écriture ses « très chers disparus ». L'extrait qui suit l'explique fort justement…
« Une fois encore, une fois de plus, je pense à mon père, né à Paris, quatre ans après
Jacques Lusseyran, passé lui aussi par la khâgne de Louis-Le-Grand, fou de littérature, amoureux de la langue du XVIIIe, éditeur accompli, mais écrivain empêché, dont la mort accidentelle en pleine nature, au printemps de 1973, à l'âge de quarante-cinq ans, dessine une ligne droite que je n'aurai jamais fini de vouloir prolonger dans des livres brefs peuplés de jeunes morts qui continuent de vivre, de lire, et d'écrire. (p.180) »
Nous songeons à plusieurs écrits, «
Olivier », son jumeau décédé prématurément, «
Bleus horizons », sur l'écrivain, La Ville de Miremont, fauché si jeune, lors de la première guerre…, mais également son excellent texte hommage à
Jean Prevost (lui aussi, fauché dans ses jeunes années)
Il me tarde de me plonger dans les « mots » de ce « Voyant aveugle »….qui m'a séduit par son caractère lumineux, sa passion pour l'écriture, la philosophie, l'enseignement, les femmes, La vie sous toutes ses facettes… et « cerise sur le gâteau »…se profile derrière le visage de Jacques Luysseran, celui d'un autre écrivain-philosophe, si cher à mon coeur… Je voulais nommer «
Albert Camus » que notre écrivain-résistant a rencontré…sans omettre la rencontre en septembre 1942, d'un professeur agrégé de Lettres,
Jean Guéhenno, qui le marquera durablement ; je vous retranscris un extrait de
Jérôme Garcin, décrivant cet étudiant brillant devant ce professeur admiré :
« Dans un Paris vert-de-gris, il enseigne le droit des peuples à être heureux. Jacques Luysserand lui trouve une voix ancestrale qui a « les douceurs de
Virgile, la bonhomie de
Montaigne et la bravoure de Michelet ». Il boit les paroles de ce moraliste humble qui vante d'autant plus le devoir de se surpasser qu'il doute de ses dons littéraires et se dit sans cesse tenté par « la naïveté ». Il ignore que, dans la résistance, Guéhenno s'appelle Cévennes comme Jean Bruller se nomme Vercors, mais il sait que jamais il n'a connu « maître aussi noble et d'une si totale conscience » (p.70)
Je dis, redis à l'infini le plaisir intense de cette lecture-découverte absolue…qui va m'entraîner maintenant vers les mots et les écrits de Jacques Luysseran… j'enchaînerai sans doute, ensuite, la relecture de
Jean Guéhenno, dans la foulée de l'enthousiasme de cette biographie captivante…
.Je termine cette chronique un peu désordonnée sur une déclaration d'amour fou de jacques Luysseran à l'Existence et à la nécessité de l'écriture qui transfigure tout…
"Je le répète, il n'y a rien d'autre. Les jours où j'ai écrit, je Suis. Il peut m'arriver tout ce qu'on voudra. J'aime le monde et tout ce qu'il contient. Si je n'écris pas, je suis infirme.". S'il écrit, il n'est donc plus handicapé. Il vit mieux, plus fort, plus haut. (p. 154)